Nostradamus à Savone : sa première prédiction et la rencontre avec le futur pape Sixte V

Nostradamus à Savone en 1548 face à un moine franciscain – prophétie historique
Un médecin visionnaire face au destin : retour sur la première prédiction de Nostradamus et sa rencontre troublante avec un futur pape à Savone.

Nostradamus face au destin : retour sur sa première prédiction, à Savone, devant un moine franciscain appelé à devenir pape.

Une vision à genoux

Savone, printemps 1548. Les pavés de la ville, encore humides d'une averse nocturne, scintillent sous la lumière pâle du matin. L’air sent le cuir, le pain chaud et les embruns, tandis que les cris des marchands percent le silence des ruelles encore à demi endormies. Parmi les passants se faufile un homme vêtu de sombre, la barbe taillée, les traits tirés par la fatigue et les voyages. Ce n’est pas un pèlerin ni un moine — c’est un médecin, un humaniste, un homme hanté.

Michel de Nostredame, que l’histoire retiendra sous le nom de Nostradamus, n’est pas encore le prophète célèbre que l’on connaît. Il est encore un praticien errant, un savant en quête d’absolu, un homme blessé par la perte de ses enfants et de sa première épouse, emportés par la peste dans les années précédentes. Ce jour-là, pourtant, quelque chose va changer. Non pas dans l’air, ni dans le ciel, ni même dans les astres — mais au plus profond de lui.

Au détour d’une rue, il aperçoit un jeune moine franciscain, vêtu d’une bure modeste, ceinturée d’une corde. Son allure est humble, son visage serein. Il avance les yeux baissés, perdu dans une méditation intérieure. Mais Nostradamus s’arrête net. Une voix intérieure — peut-être un pressentiment, peut-être autre chose — l’assaille. Il ressent une onde traverser son corps, comme si le monde autour de lui ralentissait.

Sans comprendre, comme guidé par une force invisible, il s'avance, se place devant le moine, s’agenouille, prend le pan de sa robe et murmure :

« Je dois m’incliner devant Sa Sainteté. »

Le silence tombe. Les marchands suspendent leurs gestes. Le moine, interloqué, tente un sourire gêné. Nostradamus se relève et poursuit son chemin, comme si rien ne s’était passé.

Ce jeune moine s’appelait Felice Peretti. Il deviendra pape quarante ans plus tard, sous le nom de Sixte V.

L'homme derrière le mythe

Nostradamus n’est pas né prophète. Il est né en 1503 à Saint-Rémy-de-Provence, dans une France bouleversée par la guerre, la peste et les réformes religieuses. Son grand-père, juif converti au catholicisme, l’initie très jeune à l’astronomie, aux langues et aux savoirs antiques. Doté d’un esprit vif, Michel entre à l’université d’Avignon à l’âge de 14 ans, où il étudie les arts libéraux, avant de rejoindre Montpellier pour s’initier à la médecine.

Mais la peste noire frappe. Elle ne pardonne rien. Malgré ses talents, malgré ses préparations à base de plantes, ses recommandations d’hygiène (se laver les mains, changer de draps, éviter les bains publics), Nostradamus perd sa famille. Ce drame devient le catalyseur d’une transformation intérieure. Il quitte tout, se fait itinérant, traverse la France, l’Italie, l’Allemagne, et rencontre philosophes, astrologues et herboristes.

Ce n’est qu’au fil des années, de ville en ville, qu’il sent émerger en lui une autre sensibilité. À la médecine empirique s’ajoute peu à peu une intuition étrange, comme un souffle qu’il capte parfois en regardant les étoiles, en observant les saisons ou en s’isolant dans les nuits de pleine lune. Le médecin devient alchimiste, le savant devient voyant. Il commence à coucher sur le papier des quatrains étranges, ésotériques, souvent sybillins, comme dictés par une voix qui n’est pas tout à fait la sienne.

Le pèlerin de l’invisible

Lorsque Nostradamus arrive à Savone, il a déjà parcouru une grande partie de l’Europe méridionale. Il est à la fois respecté et craint. Certains se moquent de lui, d'autres le consultent discrètement. Il soigne, certes, mais il écoute aussi les songes. On dit qu’il est capable de discerner les malheurs avant qu’ils n’arrivent.

À Savone, il mène une vie discrète, entre visites aux malades, études nocturnes et cueillettes d’herbes médicinales dans les collines environnantes. Il ne refuse pas de soigner les pauvres. À ceux qui n’ont rien, il ne demande rien. Ce n’est pas charité — c’est devoir.

Les rues de la ville sont pleines de couleurs et de voix, mais Nostradamus les traverse souvent comme un spectre. Il note tout : les rêves des vieillards, les douleurs des enfants, les humeurs du vent. Certains jours, il disparaît, part seul en forêt, revient pâle, les yeux perdus.

C’est durant cette période qu’il écrit ses premiers quatrains véritablement prophétiques. Il s’essaie à la cryptographie, dissimule les noms, les dates. Il sait que l’Inquisition veille, que l’Église voit d’un très mauvais œil ceux qui prétendent annoncer l’avenir. Mais il ne peut plus se taire : les images s’imposent à lui comme des visions.

Et puis survient cette rencontre, inattendue, inexplicable : Felice Peretti, simple moine, à qui il prédit — ou plutôt à qui il reconnaît — la future souveraineté pontificale. Un instant suspendu, que certains diront légendaire, d’autres inspiré.

Entre légende et vérité

La scène de Savone, aussi puissante soit-elle, n’est attestée par aucune source contemporaine de Nostradamus. Elle n’apparaît qu’après la mort de Sixte V, dans des récits hagiographiques tardifs. Était-ce un embellissement posthume ? Une tentative de conférer à Nostradamus une aura divine, le plaçant dans la lignée des prophètes bibliques ?

Les historiens contemporains sont prudents. Stéphane Gerson, dans sa monumentale étude sur Nostradamus, rappelle que la plupart des récits entourant sa vie ont été écrits après coup, souvent à des fins politiques ou religieuses. Nostradamus lui-même, dans ses lettres ou ses almanachs, ne fait jamais mention directe de cette rencontre.

Cela dit, l’épisode est cohérent avec la manière dont la postérité a construit le personnage : un voyant qui perçoit le destin des puissants bien avant qu’eux-mêmes n’en aient conscience. Une figure entre deux mondes : celui de la rationalité renaissante et celui des symboles antiques.

Et surtout, une figure rassurante dans un XVIe siècle ravagé par les guerres de religion, où chacun cherche des signes dans le chaos.

L’héritage d’une prédiction

Ce geste simple — s’agenouiller devant un inconnu — a traversé les siècles. Il incarne à lui seul l’ambiguïté fascinante de Nostradamus : était-il réellement prophète ? Ou simplement un homme si sensible au monde qu’il savait en capter les signaux faibles, les mouvements souterrains ?

Son nom, aujourd’hui encore, est invoqué à chaque catastrophe. Les théories les plus folles circulent sur ses prophéties : attentats, effondrements politiques, épidémies… Pourtant, rares sont ceux qui les lisent réellement. Ses quatrains, souvent obscurs, sont volontairement cryptiques. Lui-même écrivait dans un style délibérément voilé, mêlant vieux français, latin, occitan et références antiques. Il ne voulait pas être compris trop facilement — ni, peut-être, être brûlé.

Mais ce que l’on oublie souvent, c’est l’homme derrière la légende. Un médecin en deuil, un savant inquiet, un pèlerin solitaire. Et un jour, à Savone, un homme saisi par l’étrange certitude que le destin se tient parfois face à nous, dans les habits les plus simples.

Sources

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