Mathew Brady : photographe de guerre





En 1861, année où les hostilités débutent entre le Nord et le Sud, un new yorkais nommé Mathew Brady s’écrie : « Mon petit doigt me dit que je dois aussi partir à la guerre. J’y vais ! ». Néanmoins, son arme diffère des autres belligérants, puisqu’il s’agit d’un appareil photo.


Patron d’un magasin de coffret à bijoux, Brady passe son temps libre à assimiler les techniques de photographie, un appareil importé d’Europe par Samuel Morse. En 1844, Brady monte son propre studio et se spécialise dans les portraits des personnages célèbres. Son travail est vite reconnu tant en Amérique qu’en Europe. Il compte parmi ses portraits en outre le Prince de Galles (futur Édouard VI d’Angleterre), Victor Hugo, Lamartine et Abraham Lincoln posant la main sur un livre. Ce dernier dira : « ce sont la photographie de Monsieur Brady et mon discours de Cooper Union qui m’ont fait président ». En 1858, Brady s’associe à Alexandre Gardner, pour faire face au développement de ses studios et à la baisse de sa vue.

Malgré les mises en garde de ses amis contre les dangers de la guerre, il décide de se rendre sur les fronts, afin d’immortaliser le conflit et surtout de les présenter tels qu’ils se déroulent dans la réalité. Il investit plus de 100.000 dollars, dans l’achat de matériel et dans l’embauche de nombreux assistants, tels que Timothy O’Sullivan ou George Barnard, pour couvrir toutes les opérations militaires. Il espère revendre ses clichés pour se rembourser. Pour ce faire, il impose son nom sur toutes les photographies arrivant dans ses studios. Sur ce sujet, il entre en conflit avec Gardner, qui considère que chaque photographe possède le droit de voir mentionner son nom sous sa photo.

Le matériel utilisé est encombrant. Les photographes se déplacent en chariot. Les militaires s’habituent à voir sur les champs de bataille ces laboratoires mobiles sous une bâche noire. La prise de photographie nécessite un temps de pose important et ne supporte pas le mouvement.

Les clichés de Brady choquent le public se pressant dans les galeries. Pour la première fois, les visiteurs sont confrontés à la réalité de la guerre : des ruines, des cadavres, des paysages dévastés et des conditions de vie précaires. Jusque ici, les illustrateurs ramenaient des champs de bataille des images idéalisées, des scènes glorieuses où le soldat apparait en héros. En 1862, le New York Times écrit : « les photos de Monsieur Brady apportent au pays la preuve épouvantable de la réalité de cette guerre ».

Après la guerre, Brady espère pouvoir vendre ses milliers de photos, mais ses concitoyens désirent rapidement oublier cet horrible évènement. Bien que le Congrès achète ses œuvres, il ne peut rembourser ses frais engagés en 1861 et fait faillite. Il meurt dans la misère en 1896. Un album intitulé Histoire photographique de la guerre civile, rassemblant 3.500 de ses photos est publié en 1911.


Quelques années auparavant, lors de la Guerre de Crimée, le britannique Fenton avaient pris des clichés de l’horreur des combats. Cette fois, la diffusion des documents est plus large. Bien avant le cinéma et la télévision, les photographes de la guerre de Sécession sont les premiers à apporter au public une vision révélatrice de la guerre moderne.









Photo : Mathew Brady et son laboratoire accompagnant l'armée de l'Union en 1862
(Mathew Brady Collection, Bibliothèque du Congrès)

Commentaires

  1. Biographie:

    " Mathew Brady, photographe de Lincoln"
    l'Harmattan, 2004
    Par Roy Meredith

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