La Bataille de Castillon : Comment la France a Renversé le Cours de la Guerre de Cent Ans

La guerre de Cent ans est souvent évoquée à travers le prisme de ses défaites retentissantes : Calais, Azincourt, Crécy... Pourtant, l'histoire de cette époque tumultueuse n'est pas seulement celle d'une série d'échecs. Au contraire, elle est ponctuée de retournements de situation, de victoires inattendues et de miracles qui ont façonné le destin de la France. Prenons par exemple le célèbre connétable Bertrand Du Guesclin, ou la figure inspirante de Jeanne d'Arc, dont l'histoire a été élevée au rang de légende.


Au cours de cette période troublée, qui s'étend de 1337 à 1475, la France a connu six rois. Trois d'entre eux ont connu la défaite, tandis que les trois autres ont su inverser le cours de l'histoire. Philippe VI de Valois et Jean II le Bon ont vu la moitié du royaume leur échapper, avant que Charles V ne parvienne à rétablir les frontières. Son successeur, Charles VI, a connu un début de règne calme et prospère, jusqu'à ce que ses premières crises de folie plongent le royaume dans le chaos. Les Anglais en profitent pour réinvestir massivement le territoire français. Enfin, Charles VII, surnommé le Victorieux, s'appuie sur la renommée mythique de Jeanne d'Arc pour "bouter" les Anglais hors du royaume. Son fils, Louis XI, met fin au conflit en signant le traité de Picquigny.


C'est sous le règne de Charles VII que les Français remportent la bataille décisive qui assoit la domination du roi sur toute la France. Toute ? Non ! Calais restera anglaise jusqu'en 1558 et sa reconquête par le duc de Guise. Étrangement, cette victoire est très peu connue, car elle intervient la même année où l'Empire Byzantin s'effondre en Orient en 1453. De nos jours, à l'école, l'éducation nationale privilégie la commémoration de l’événement – majeur rappelons-le – de la chute de Constantinople, prise par les Ottomans, par rapport à la très peu médiatisée bataille de Castillon qui, le 17 juillet de cette même année, met en pièce l'armée anglaise.


Charles VII est un roi puissant. Son armée, revigorée après les exploits de Jeanne la pucelle devant Orléans, reconquiert ville après ville. Seule l'Aquitaine, qui prospère grâce à l'Angleterre depuis 300 ans, résiste et repousse les assauts français. Depuis que Louis VIII a répudié Aliénor d'Aquitaine, la région est revenue par mariage à la couronne d'Angleterre, entraînant une concurrence commerciale, mais surtout, amputant le territoire géographique français d'une large et riche partie. Aussi, l'armée française campe devant Castillon. Quelques jours auparavant, la ville de Gensac est prise, mais l'objectif est de reprendre Bordeaux. Le roi anglais Henri VI charge le comte John Talbot de repousser l'attaque.


La veille de la bataille est pourtant morose pour les Français. Talbot a attaqué la petite garnison française du prieuré Saint-Laurent, les met en fuite et, poursuivant les traînards, les fait mettre à mort. Les survivants, eux, fuient vers le camp retranché où se trouve l'ensemble des forces françaises. Talbot, pendant ce temps, veut assister à la messe et fait désaltérer ses soldats qui se noient dans l’excellent vin de la région. Rentrant dans l’Église pour l'office, un mystérieux message lui parvient : une colonne de poussière s'élève à l'est, les Français s'enfuient ! Sans plus attendre, se fiant à la fiabilité de ses sources, Talbot part à leur poursuite. Rien de plus avantageux que d'abattre des fuyards. Grand mal lui a pris de ne pas assister à la messe. Se précipitant, il tombe finalement nez à nez avec l'artillerie française commandée par Jean Bureau. Trois cent pièces de canons tirent en même temps. L'effet est immédiat, les premières colonnes anglaises sont anéanties. Talbot prend la fuite à son tour mais est rattrapé puis tué d'un coup de hache dans la tête.


Les Anglais ne s'en relèveront pas. Bordeaux se rend et c'est toute la région qui capitule. Il n'y aura plus de conflit armé jusqu'en 1575. Aujourd'hui, on célèbre encore, chaque été, cette bataille décisive de Castillon et une chapelle a même été érigée pour commémorer le courage du comte Talbot. Et... la colonne de poussière ? Plusieurs hypothèses : la première serait un faux message. Mais Talbot, en homme expérimenté, a dû vérifier de visu l'information. La seconde, la plus plausible, la colonne de poussière aurait été formée par les bagages et les gens accompagnant la garnison française. Mouvement volontaire ? Si on en croit les sources, les Anglais sont tombés sur une artillerie française déjà armée. La logique voudrait que le mouvement des bagages était donc voulu.


Pour l'anecdote : on a souvent mis en parallèle les défaites françaises avec l'utilisation des arcs par les archers anglais. À Castillon, une revanche a été prise !

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