Quand l’appétit va tout va !

Qui derrière ces quelques mots ne voit pas apparaître la bonhommie rondouillarde d’un certain Obélix ? Il s’agit maintenant de savoir d’où vient réellement cette expression.


Une première piste dans cette enquête semble assez « alléchante ». Elle nous mènerait sur les traces des Gaulois. L’auteur du dessin animé Astérix et Cléopâtre de 1968, René Goscinny, aurait alors retransmis un dicton des peuples de la Gaule. Ceci paraît évident. Mais, c’est une fausse piste.


En réalité, il faut remonter le temps un siècle en arrière, exactement le 5 mai 1850, et entrouvrir la porte du cœur de la vie politique du moment, c’est-à-dire l’Assemblée nationale, puis tendre l’oreille.


Soudain une phrase attire l’attention :


« Quand le bâtiment va, tout va ».


Elle semble beaucoup plus se rapprocher de l’expression « Quand l’appétit va, tout va ». Mais est-ce la bonne piste ?


Poursuivons l’enquête. Entrons dans l’hémicycle. Un visage peut désormais être mis sur ces paroles. C’est un homme assez jeune, à l’allure républicaine (port de la barbe caractéristique). Il est en haut de l’estrade, en train de déclamer son discours devant l’Assemblée. Les chuchotements des parlementaires parcourant la salle nous dévoilent son identité. Il s’agit de Martin Nadaud élu député de la Creuse il y a tout juste un an, en mai 1849, lors des premières et seules élections législatives de la IIe République. Il siège alors à la Montagne, sur les bancs des républicains socialistes.


Qui aurait pu parier sur ce personnage grandiloquent, simple maçon lors de son arrivée à Paris 20 ans auparavant ? Loin de l’atmosphère parlementaire, Martin Nadaud, fils de cultivateur, a migré avec son père vers la capitale. Recruté dans les chantiers de Paris initiés par le préfet Rambuteau (ils seront achevés plus tard par le baron Haussmann), il y découvre des conditions de travail pénibles : journée de 13h et des échafaudages mal sécurisés notamment. C’est alors que l’expérience du terrain rejoint la politique. Il entre dans le cercle socialiste et se fait surtout connaître après la révolution de février 1848. Nous connaissons la suite : il est élu comme député de la Creuse en 1849.


Mais, ne nous égarons pas dans notre enquête. Que cherche à faire comprendre Martin Nadaud à travers cette expression autour du bâtiment ? Un rectificatif dans les propos du député creusois s’impose avant tout. Réécoutons plus attentivement la partie essentielle de son discours. Ses termes exacts sont : « Vous le savez, à Paris, lorsque le bâtiment va, tout profite de son activité. ».


La formule choc est là pour convaincre l’ensemble des députés de continuer à mettre en place diverses mesures, notamment dans le bâtiment, pour encourager la production et la consommation et donc relancer une économie alors moribonde. Dès lors, se promener dans Paris revient à faire une visite de chantier. Il faut éviter ça et là les chutes de pierres accidentelles d’un bâtiment en cours de construction, slalomer entre les échafaudages et les échelles, être attentif au moindre convoi de sacs de sable afin de ne pas se faire renverser…


Le grand intérêt de tout ce fourmillement d’activités est d’améliorer les conditions de vie et de travail d’une population parisienne ne cessant de s’accroître. Celle-ci pourrait alors notamment mieux se nourrir.


Ainsi, les 2 formules, désormais célèbres bien qu’ayant 100 ans d’écart, se trouvent logiquement connectées : « quand le bâtiment va, tout va » de Martin Nadaud en 1850 se trouve non loin de « quand l’appétit va, tout va » de René Goscinny en 1968. Cette piste était la bonne. L’enquête est close et résolue.

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