Le chevalier : une invention de plusieurs siècles



Un idéal peut être défini comme un ensemble de valeur et de pratique, une loi supérieure pour organiser la conduite. La chevalerie renvoie à la guerre, à une éthique nobiliaire et au christianisme. Associée au Moyen-âge, la culture chevaleresque n’a pas disparu de nos jours. Elle s’est modifiée au fil des époques. L’absence de code définitif écrit permet cette mutation.

Au Moyen-âge, le chevalier devient la figure héroïque de la littérature au détriment des héros de l’Antiquité. Les chroniqueurs mettent en récit les plus hauts faits d’armes et les font entrer dans la légende.
Si la littérature s’inspire des guerriers, ces derniers utilisent la littérature pour se créer une identité, leur permettant de légitimer leur domination sociale, par le bais de valeurs collectives et de modèle de comportement, au travers de la bravoure et de l’héroïsme sur les champs de bataille. Ces modèles sont inclus dans l’éducation des aristocrates des XIVe et XVe siècles. Ainsi, le chevalier et le noble tendent de plus en plus à se confondre. Lors du sacre, le roi reçoit les éperons dorés symbole du chevalier. Les souverains se font représenter en cheval.
L’Eglise dans sa volonté de réguler la société, christianise la chevalerie. Bernard de Clairvaux stipule par exemple, que les chevaliers doivent posséder le sens du sacrifice, être dévots, miséricordieux et protéger les faibles autrement dit, ceux ne pouvant porter les armes.

A l'Epoque Moderne, l’idéal chevaleresque se nourrit de la redécouverte des auteurs antiques. Ainsi, Alexandre le Grand et Jules César deviennent des chevaliers, montrant leurs valeurs guerrières et leur sagesse. Le mercenariat se développant lors des guerres d’Italie, met à mal la dimension guerrière de la chevalerie. Dès lors, le chevalier est celui qui démontre d’un certain nombre de valeurs, se bat pour sa patrie, possédant une terre et qui est issu d’un lignage ancien. En ce sens, la référence à l’Antiquité trouve toute sa place. Cet idéal est d’ailleurs employé par la classe robine en pleine ascension.

Les travaux de Benjamin Deruelle, docteur en histoire moderne à l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ont mis en avant le fait que l’image traditionnelle du chevalier que nous possédons, vient du XVIe siècle. En effet, les armures et la parure des chevaux sont celles du XVe siècle. De plus, la joute à cheval est une pratique de la fin du Moyen-âge. Auparavant, les tournois se déroulent à champ ouvert et met en scène simultanément plusieurs protagonistes. Le but est de capturer ses adversaires. Aux XVe et XVIe siècle, la joute se déroule en champ clos. Elle favorise les représentations publiques et vise à démontrer la force et la bravoure des participants. La mort d’Henri II lors d’un tournoi, montre la vivacité de l’idéal chevaleresque à la Renaissance. En ce sens, l’apparition de l’artillerie ne marque en rien la fin de la chevalerie. En effet, ces nouvelles armes n’étant pas encore au point, ne font pas autant de dégât que l’arbalète inventé deux siècles plus tôt.
Cependant, avec les mutations de la monarchie vers absolutisme, la chevalerie tend à être mise à mal par le pouvoir. En effet, l’idéal chevaleresque repose en partie sur l’idée de compagnon. Le roi ne peut être que le premier des compagnons. Le caractère divin du monarque est en opposition avec cet idéal. Louis XII est le dernier souverain à être adoubé par les pairs. Après François Ier, l’adoubement médiéval disparaît. C’est l’évêque qui remet les armes.

L’idéal chevaleresque sans disparaître complètement, semble tomber en désuétude à la fin du XVIIe siècle. Les romantiques du XIXe siècle redécouvrant le Moyen-âge remettent au gout du jour la chevalerie comme le témoignent les romans de Walter Scott. Le XIXe siècle fait du chevalier la figure emblématique de l'époque médiévale, en s'appuyant probablement sur les représentations du XVIe siècle.

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