Un festin funéraire vieux de 12 000 ans : Hilazon Tachtit, Natoufiens et les origines sacrées de Göbekli Tepe

Femme préhistorique agenouillée devant une sépulture natoufienne, avec Göbekli Tepe en arrière-plan. Illustration d’un rituel funéraire de 12 000 ans.

Un festin vieux de 12 000 ans découvert en Galilée révèle les rituels funéraires des Natoufiens, en résonance avec les mystères de Göbekli Tepe.

Un secret sous la roche de Galilée

Dans les collines ondoyantes de la Galilée, là où les vents caressent les oliviers et où les pierres racontent des histoires millénaires, une grotte oubliée a récemment murmuré un secret vieux d’environ 12 000 ans. C’est ici, dans l’obscurité silencieuse de la grotte de Hilazon Tachtit, qu’un groupe d’archéologues a mis au jour les traces d’un festin préhistorique : un banquet sacré, célébrant la vie et la mort bien avant l’invention de l’agriculture.

Le festin des vivants et des morts

Le festin mis au jour à Hilazon Tachtit ne fut pas une simple réunion autour de la nourriture : il fut une scène rituelle, une cérémonie funéraire aussi symbolique que puissante, organisée pour honorer une figure particulière du groupe.

Une tombe parlante

La défunte était âgée d’environ 45 ans. Dans le contexte de cette époque, elle représentait une longévité remarquable. Ses os montraient des signes de malformations et de handicaps physiques. Et pourtant, tout indiquait qu’elle occupait une place éminente dans sa communauté. Son inhumation, riche en objets rituels et en symboles, laissait entendre qu’elle n’était pas une simple membre du groupe, mais peut-être une figure spirituelle, une chamane.

La tombe était ovale, creusée avec soin dans le sol rocheux de la grotte. Ses parois avaient été renforcées avec de l’argile, et le fond recouvert de dalles de pierre. Avant même que le corps ne soit déposé, des objets avaient été placés dans la fosse : fragments de calcaire, ocre rouge, coquillages, outils en silex, et les premières carapaces de tortues. Une fois le corps en place, d’autres éléments vinrent le recouvrir. Enfin, une lourde pierre fut posée pour sceller la tombe.

Tortues, chants et mémoire collective

Les carapaces de tortues portaient les marques d’une consommation minutieuse : les plastrons étaient détachés proprement, les os portaient des traces de découpe. Il ne s’agissait pas simplement d’une offrande. On avait bel et bien mangé ces tortues, ensemble. Ce repas rituel, auquel ont participé au moins 35 personnes selon les archéologues, faisait partie intégrante de la cérémonie. On liait la mort à la vie, le passé au présent, l’individu au groupe.

Natoufiens : bâtisseurs de mémoire

Cette découverte s’inscrit dans le contexte plus large de la culture natoufienne, attestée au Levant entre environ 14 500 et 11 500 ans avant aujourd’hui. Les Natoufiens sont parmi les premières sociétés connues à adopter un mode de vie semi-sédentaire. Ils construisent des habitations de pierre, enterrent leurs morts dans des tombes individuelles ou collectives, parfois ornées de symboles. Leur monde est déjà celui du rite, du souvenir et de la transmission.

Les pratiques funéraires natoufiennes révèlent une grande diversité : dépôts d’objets, manipulation des ossements, réouverture des tombes, et parfois, extraction de crânes pour des usages symboliques ou cultuels. Ce que l’on découvre à Hilazon Tachtit s’inscrit pleinement dans cette logique. On y perçoit le souci de maintenir le lien avec les ancêtres, mais aussi d’affirmer une identité collective.

Göbekli Tepe : le sanctuaire des origines

Göbekli Tepe, en Turquie, se dresse comme un phare dans le brouillard du passé. Découvert dans les années 1990, ce site monumental, daté d’environ 9600 à 7300 avant notre ère, bouscule les certitudes archéologiques. À cette époque, les hommes étaient encore des chasseurs-cueilleurs, ne pratiquant pas l’agriculture au sens propre. Et pourtant, ils ont érigé un complexe de cercles monumentaux en pierre, dont certains piliers pèsent plus de 10 tonnes.

Des pierres pour les dieux

Les piliers de Göbekli Tepe sont sculptés avec un art étonnant. On y voit des scorpions, renards, serpents, rapaces… La faune gravée sur les stèles semble composer un bestiaire sacré. Les piliers centraux — souvent deux par cercle — évoquent des formes humaines. Ils sont parfois flanqués de bras stylisés, tenant peut-être des pagnes ou des objets énigmatiques. Tout suggère une fonction rituelle.

Le site ne présente pas de traces d’habitation permanente. Il semble avoir été un lieu de rassemblement temporaire, peut-être saisonnier, un sanctuaire à ciel ouvert où se déroulaient des cérémonies, des offrandes, des festins — voire des rites d’initiation ou de passage.

Rituels, festins et organisation symbolique

Des fosses à détritus remplies d’ossements témoignent de repas collectifs abondants. Certains chercheurs avancent même l’hypothèse d’un brassage rudimentaire de bière dans des récipients de pierre, bien que cette idée reste débattue. Comme à Hilazon Tachtit, les rassemblements sociaux et festifs semblent intimement liés aux rites religieux. Le repas devient le cœur symbolique du lien humain.

Göbekli Tepe pourrait suggérer que l’ordre symbolique précède les révolutions économiques. Selon certains archéologues, ce n’est pas l’agriculture qui a engendré la religion, mais peut-être le besoin de rituel et de cohésion spirituelle qui a conduit à inventer l’agriculture.

Deux sites, une même humanité

Du Levant à l’Anatolie, bien que séparés par la distance et appartenant à des cultures distinctes — les Natoufiens d’un côté, les communautés néolithiques précéramiques de l’autre — une même intuition semble guider ces peuples : le besoin de se réunir, de célébrer, de faire mémoire.

La consommation de nourriture dans un cadre funéraire n’est pas anecdotique. Elle révèle quelque chose d’universel. Manger ensemble, c’est réaffirmer la vie en présence de la mort. C’est tisser un pont entre les générations. C’est aussi affirmer une mémoire collective, où les morts demeurent présents, intégrés dans la trame du monde.

Dans les pierres de Göbekli Tepe, dans les carapaces de tortues de Galilée, dans les gestes fossiles de ces lointains ancêtres, il y a un murmure qui nous parvient à travers les millénaires. Il nous dit : « Nous étions là. Nous vous avons précédés. Nous aussi, nous avons cherché à comprendre. »

Sources

  • Grosman, L., & Munro, N. D. (2017). Hilazon Tachtit Cave, a Late Natufian Burial Site in the Western Lower Galilee, Israel. In Y. Enzel & O. Bar-Yosef (dir.), Quaternary Environments, Climate Change and Humans in the Levant, Cambridge University Press. Disponible sur Cambridge University Press .
  • Schmidt, K. (2012). Le Premier Temple. Göbekli Tepe. CNRS Éditions. Disponible sur Amazon ou Librairie Gallimard .

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