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Histoire de l'Italie ep 15 : le siècle des Lumières

 


Par le traité d’Utrecht de 1713, l’Autriche prend possession des territoires espagnols en Italie. Lors de la guerre de succession d’Autriche dans les années 1740, l’Italie se divise. Naples soutient la France et la Prusse, tandis que la Savoie et le Piémont soutiennent l’Autriche et le Royaume-Uni. Le rapprochement franco-autrichien en 1756 apporte la paix dans la péninsule. La France garde un pied en Italie. En effet, des Bourbons règnent à Parme et à Plaisance, les ducs de Lorraine en Toscane. Naples revient dans le giron espagnol. La Savoie, Venise, Rome et Gênes demeurent indépendantes. La Calabre et le Piémont sont sous domination autrichienne.

Au XVIIIe siècle, la population augmente jusqu’à 18 millions de personnes. La croissance démographique est plus importante dans le Sud, car cette zone est moins touchée par les guerres. A ce titre, Naples est la cité la plus peuplée avec 160.000 habitants, derrière Venise avec 130.000 habitants. L’Italie n’occupe plus une place prédominante dans le commerce international, qui se centre dorénavant sur l’Atlantique. Pour compenser, les cités réduisent les tarifs douaniers. A l’inverse, le commerce terrestre s’accroit. L’Italie s’ouvre aux marches d’Europe centrale. L’industrie textile périclite, concurrencée par les Britanniques et les Flamands. L’essor industriel peine, car la péninsule est pauvre en bois et en charbon. Les corporations de marchands, figées dans leurs traditions et leurs privilèges, n’ont plus la souplesse de s’adapter au monde nouveau. L’Italie exporte des produits agricoles, de la soie, de l’huile et du vin. Ce type d’activité renforce le phénomène de néoféodalisation.

Suite aux débats philosophiques et scientifiques parcourant l’Europe, l’Italie s’agite sur la question du politique, du nationalisme et de la constitution d’une langue commune. Milan, Naples et Florence constitue les trois pôles des Lumières. La fin de l’hégémonie espagnole et de sa rigidité permet l’ouverture de l’Italie aux idées nouvelles. A Milan, Cesare Bonerane et Pietro Verri militent pour une rénovation de la gouvernance. Protectionniste dans le commerce extérieur, Verri prône la liberté dans les échanges intérieurs. Il faut abolir les barrières douanières, les corporations et les droits féodaux. Il soutient l’abolition des privilèges et une réforme fiscale. L’Eglise ne doit plus s’occuper des affaires temporelles. Seul un pouvoir fort et éclairé peut imposer des lois au nom de l’intérêt général. Sur les deux derniers points, il n’est pas en contradiction avec l’idéologie de la cour de Vienne. De son côté, le juriste Beccario s’interroge l’utilité de la peine de mort et de la torture. Il prône une réforme du droit et du système judiciaire. A Naples, Fernando Galiani travaille sur l’économie. Ces débats s’effectuent au sein des académies, des cercles littéraires et scientifiques, des salons et dans les loges maçonniques. Ils ne touchent qu’une élite bourgeoise et intellectuelle.

En 1690 à Rome, un groupe de poètes fonde l’Académie de l’Arcadie. Il prône un retour à la nature et à la simplicité. Le poète Pietro Trapassi, dit Métastase, y écrit ses premiers vers. A Venise, les satyres de Carlo Goldoni et les tragédies de Vittorio Alfieri redorent le théâtre. Dans les sciences, l’Italie est à la marge. On peut néanmoins citer les travaux sur l’électricité d’Alessandro Volta. Les fouilles archéologiques de Rome, Pompéi et Herculanum permettent la redécouverte de l’Antiquité. Ce nouvel engouement se traduit dans l’architecture avec la naissance du style néoclassique. Giovanni Battista Piranesi est l’un des grands théoriciens de ce mouvement. Dans le domaine musical, les Italiens demeurent à la pointe des styles et des innovations. A titre d’exemple citons les violoncellistes Luigi Baccherini et Francesco Germinani et au clavecin Giuseppe Tartini. Venise et Naples constituent les deux centres de production avec Vivaldi et la famille Scarlatti. L’opéra est un art majeur. Il mêle chant, musique, décor, histoire. La pratique de chanteur apparait.

Le despotisme éclairé souffle sur les régions dominées par les Bourbons et les Habsbourg. Si bien qu’au milieu du XVIIIe siècle, un fossé se creuse entre une Italie des Lumières et une Italie rétive au changement. En Lombardie, dans le but d’une réforme fiscale, l’impôt est désormais payé par toutes les catégories sociales. En 1730, le gouvernement lombard réduit les prérogatives du clergé dans les affaires temporelles, avec le soutien de l’empereur d’Autriche. En réalité, Joseph II combat tout ce qui s’oppose à son pouvoir. Bientôt, il supprime les organes régionaux. Les Lombards se révoltent. Le nouvel empereur Léopold II revient sur certaines mesures de son prédécesseur. A la même période, la Toscane se dote d’un modèle libéral sur le plan économique. Florence abolit la torture et la peine de mort. Dans les royaumes de Naples et de Sicile, les classes dominantes luttent pour conserver leurs privilèges. Il en résulte un immobilisme des structures socioéconomiques. L’aristocratie foncière fonctionne comme à l’époque médiévale. Seules quelques réformes sur la justice et l’Eglise sont mises en place.

Gênes retrouve un peu de libertés. Elle commerce avec la France, l’Autriche et la Russie. Comme à Venise, les riches familles marchandes et financières monopolisent le pouvoir. La Papauté est en décrépitude. Le Saint-Siège doit affronter de nombreuses attaques de la part des puissances européennes : dissolution des Jésuites en 1753, réduction des immunités et privilèges fiscaux du clergé. L’argent n’arrive plus. Le Pape est contraint de renforcer le système agraire et d’abattre les barrières douanières pour relancer le commerce. Le Piémont est encore un Etat embryonnaire majoritairement rural. A l’inverse, les ducs de Savoie ont su jouir de la diplomatie pour gagner des territoires et obtenir privilèges et richesses. Victor Amédée II suit le modèle français dans sa gestion interne, s’inspirant de Louis XIV et de Colbert. C’est un Etat absolu et peu propice aux idées réformatrices.

 

Sources

Texte :MILZA Pierre, Histoire de l’Italie des origines à nos jours, Fayard, Paris, 1024p.

Image :

https://www.musicologie.org/publirem/rusquet_17_italie.html


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