Jean-Baptiste Dutrou-Bornier est le fils d'un notaire de Montmorillon dans
En 1865, le propriétaire d'un
trois mâts lui propose une association pour transporter une cargaison jusqu'à
Tahiti. L'île de Pâques est une étape obligatoire pour se réapprovisionner
avant d'entamer les 4000 km
restant jusqu'à Tahiti. Dutrou-Bornier tombe amoureux de l'île. Il assure
quelques temps des liaisons commerciales dans le Pacifique sud.
En 1867, il revend son navire et
achète un lopin de terre sur l'île pour s'y installer. Il adopte les coutumes
et les croyances pascuanes et noue de bonnes relations avec les missionnaires
présents sur l'île. Il épouse Ahurenga Pua Moo Atare, qui se prétend être la
descendante des anciens rois. La royauté indigène avait été anéantie en 1862
lors de la catastrophe démographique provoquée par les esclavagistes péruviens.
L'île ne compte plus que 200 habitants. Cette prétention suffit à Dutrou-Bornier
pour se sentir à son tour roi.
Le 3 septembre 1868, les
missionnaires créent un conseil permanent. Seul laïc européen et capitaine,
Dutrou-Bornier en assure la présidence. Il s'accapare progressivement toutes les
terres. En 1869, il possède 80% de l'île. Tous ces terrains sont achetés pour
une bouchée de pain à des locaux qui n'ont guère de notion de propriété et de
valeur foncière. Les autres sont obtenus par la force. De plus, il s'associe
avec John Barder, qu'il a rencontré à Tahiti, pour monter un élevage intensif
de moutons. En 1884, l 'île
comptera plus de 10.000 bêtes et exportera 30 tonnes de laine. Dutrou-Bornier
se proclame roi et prend le nom de Ioanne Ier. Les Pascuans le surnomment
Pitopito (les boutons) à cause de son uniforme. Les relations avec les
missionnaires se dégradent rapidement. En 1871, Ioanne Ier s'arroge les
services de guerriers qui lancent des raids contre les possessions des
missionnaires. Poussés à bout, ces derniers quittent l'île, laissant le champ
libre au roi autoproclamé.
Ioanne Ier accueille tous les
commandants de navires qui viennent se réapprovisionner. Ces derniers le
remercient en se pliant au cérémonial de cour. Ioanne Ier formule plusieurs
demandes officielles pour que l'île de Pâques devienne un protectorat français.
Paris ne répond pas. Entre la chute du Second empire, la Commune et l'instauration
de la IIIe République ,
la métropole a plein d'autres sujets à gérer qu'une petite île du Pacifique.
Le 1er août 1872, Ioane Ier meurt
dans des circonstances mystérieuses. Officiellement, il a été victime d'une
chute de cheval, mais d'autres hypothèses penchent pour un assassinat ou un
massacre par la population. Au Havre, Valentine Foulon entend bien récupérer
les biens de son défunt mari. Sauf qu'entretemps, John Brander a récupéré sa
part, soit 14.000 moutons et plusieurs milliers d'hectares. De plus en 1888, le
Chili annexe l'île. Après la mort de Valentine Foulon en 1903, l 'Etat français
hérite du dossier. Les Pascuans demandent le rattachement à la France comme pour Tahiti.
Le gouvernement préfère enterrer le dossier pour ne pas froisser le Chili.
Officiellement, l'affaire n'a jamais été tranchée. La France pourrait faire
valoir des droits sur l'île de Pâques. Si elle obtenait gain de cause, elle
augmenterait considérablement son domaine maritime.
Sources
Texte :
- Bruno FULIGNI, Royaumes
d'aventure : ils ont fondé leur propre Etat, Paris, Les Arènes, 2016.
- C. et M. ORLIAC, Des dieux regardent les étoiles. Les
derniers secrets de l'île de Pâques, Paris, Gallimard, 1988
Image : wikipédia
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