Strasbourg est une commune d’Alsace, préfecture du Bas-Rhin et de la région Grand Est. Symbole de la réconciliation allemande, elle est également l’une des capitales européennes, siège du Parlement de l’UE, de la cour européenne des droits de l’Homme et du Conseil de l’Europe. La ville a connu une histoire tourmentée, basculant au gré des empires et des nations.
Une ville de garnison romaine
Le site est occupé dès le Néolithique. Aux environs de -1300, des Celtes s’installent de manière durable.
A la fin du -IIIe siècle, le site devient une ville du nom d’Argentorate, dotée d’un sanctuaire et d’un marché. Grâce à d’importants travaux d’assèchement, les maisons sur pilotis cèdent leur place à des habitations bâties sur la terre ferme. Le nom de la ville ferait référence à la déesse de la lune Argantia et aurait un lien avec la brillance argentée de l’Ill.
En -58, les Romains investissent la ville, qui devient un camp militaire fortifié sur la frontière du Rhin. Son nom est latinisé en Argentoratum. Durant l’époque romaine, elle sert autant de plaque commerciale avec les peuples germains que de base de repli et de ravitaillement pour l’armée. En 20, la population est estimée à 10.000 habitants. Un fort militaire est construit sur la Grande Ile.
En 355, les Alamans saccagent la ville. Les Romains les chassent deux ans plus tard au terme d’une rude bataille. En 406, les Germains déferlent à nouveau sur la Gaule. Un concordat est passé entre Rome et eux. Devenus maitres de la région, les Alamans la renomment Stratiburg ce qui signifie « la place forte des routes ». En effet, la ville est située à la croisée de routes importantes et au niveau de l’un des rares ponts permettant de franchir le Rhin. En 451, les troupes d’Attila détruisent presque totalement la ville.
La renaissance de la ville au sein du royaume franc
Au VIe siècle, la cité, rebaptisée Strateburgum littéralement « le château sur les routes » (ce nom sera plus tard germanisé en Straßburg), renait de ses cendres. Sa population se compose d’Alamans et de Gallo-Romains. Vers 530, Strasbourg est intégrée dans le royaume franc. Au VIIe siècle, elle devient siège de l’évêché. L’évêque Arbogast édifie une première cathédrale sur l’emplacement de l’ancien sanctuaire romain. Il s’agit de l’actuelle église Saint-Etienne. Au VIIIe siècle, la ville compte 1500 habitants. Elle est la capitale du duché d’Alsace. Les activités sont essentiellement agricoles mais on exporte déjà du vin, du blé et du bois de chêne vers l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Angleterre.
En 842, Charles II le Chauve et Louis II de Germanie se retrouvent à Strasbourg pour s’allier contre leur frère Lothaire. Ce sont les Serments de Strasbourg, le plus ancien texte rédigé en langue romane et tudesque. Par le traité de Verdun en 843, la ville est attribuée à Lothaire jusqu’en 870 où elle revient à Louis le Germanique.
Ville impériale germanique
En 962, Otton le Grand fonde le Saint-Empire romain germanique. Au cours du Xe siècle de nombreux travaux sont effectués : réfections des remparts, construction d’une nouvelle cathédrale de style roman. Au XIIe siècle, Strasbourg se dote d’un hôpital et d’une enceinte fortifiée. Cette dernière comptait quatre-vingts tours reliées par des ponts couverts d'une toiture en bois aujourd’hui disparue. Les tours abritaient les corps de garde et des prisons. La cathédrale adopte le style gothique. La ville compte désormais 10.000 habitants, l’une des plus grandes villes de l’empire.
Ville impériale libre
Au XIIIe siècle, Philippe de Souabe élève Strasbourg au rang de ville libre. Le conseil municipal se voit attribuer des fonctions d’administration et de justice. La bourgeoisie acquiert une autonomie remarquable vis-à-vis du pouvoir épiscopal. L’évêque exige la restitution des pleins pouvoirs. Une guerre éclate entre les Strasbourgeois et l’armée épiscopale. En 1262, les municipaux, dirigés par le chevalier Reinbold Liebenzeller et soutenus par l’armée impériale, défont les troupes épiscopales à la bataille de Hausbergen. Le commerce fluvial se développe sous l'égide de la corporation des bateliers.
Au milieu du XIVe siècle, la peste atteint Strasbourg. Comme dans de nombreuses villes, les juifs sont accusés d’avoir empoisonné les puits. Le 14 février 1349 près de 2 000 juifs sont brûlés vifs pour ce motif ou pour spolier leurs biens, notamment à la passerelle des Juifs. En 1371, le banquier Rulman Merswin fonde la « maison de l’Isle-Verte » destinée à devenir un ermitage pour des laïcs désireux de vivre une vie évangélique. L’institution est confiée aux Hospitaliers. La commanderie devient un des hauts-lieux de la mystique rhénane.
À la fin du XIVe siècle, toute la cité se transforme en chantier d'églises et de couvents, fondés par des moines ou des familles nobles. En 1439, après quatre siècles de construction, la flèche de la cathédrale est achevée. Elle devient le monument le plus haut de la chrétienté et symbolise la puissance de la ville. En 1444, Strasbourg compte 26.000 habitants. Son enceinte fortifiée et son impressionnant dispositif d’artillerie en font une place fortifiée de tout premier plan.
Au XVe siècle, Strasbourg est une place commerciale et financière importante. La vie intellectuelle jouit du développement de l’imprimerie, grâce à Gutenberg installé à Strasbourg depuis 1434. A la fin du siècle, la ville compte une dizaine d’ateliers d’imprimerie, dont l’officine des Grüninger. Nombre d’intellectuels et d’artistes s’y installent. Les maisons à colombages sont nombreuses dans le quartier de la Petite France. Elles offrent un véritable panorama de la Renaissance rhénane. Les maisons les plus remarquables sont la maison des tanneurs et la maison Haderer. Édifiée en 1358 le long de l'Ill, l'ancienne douane témoigne du commerce de la ville.
Les guerres de religions
Le développement de l'imprimerie favorise l’humanisme et prépare l'avènement de la réforme protestante. Dès 1519, les thèses de Martin Luther sont affichées aux portes de la cathédrale. Les dirigeants de la ville sont favorables à ce changement. Strasbourg devient une cité protestante en 1532. Elle est une terre d’accueil pour les huguenots chassés de France. Jean Calvin y séjourne quelques temps avant de rejoindre Genève.
En 1592, la cathédrale est partagée en deux avec l’élection de deux évêques : un catholique et un protestant. Les deux hommes et leurs partisans s’affrontent dans ce que l’on appelle la guerre des évêques. Ce conflit s’achève en 1604 par la victoire des catholiques. Charles de Lorraine demeure l'unique évêque de la ville. En 1633, la commanderie des Hospitaliers est démolie. Les biens immobiliers vendus par la municipalité.
En 1618, la guerre de Trente ans éclate, opposants catholiques et protestants. Grâce à ses puissantes fortifications, Strasbourg se permet de rester neutre durant le conflit. Avec le traité de Westphalie de 1648, une partie de l’Alsace est rattachée à la France. Néanmoins, Strasbourg demeure dans l’empire germanique.
Le rattachement à la France
En septembre 1681, Louis XIV assiège la ville, qui se rend rapidement. Après négociations, les privilèges et les institutions municipales sont confirmés, la liberté de culte des protestants garantie et la cathédrale rendue aux catholiques. Les édiles prêtent allégeance au roi de France et une garnison s’installe. Demeurant ville frontière, Vauban entreprend l’édification d’une citadelle. Le traité de Ryswick de 1697 confirme le rattachement de Strasbourg à la France. A la fin du XVIIe siècle, la ville compte 26.000 habitants.
A partir de 1704, sous l’impulsion de l’évêque Rohan, le catholicisme reprend de l’essor, tout comme l’université qui accueille jusqu’à 4.000 étudiants français, allemands, hollandais, russe, scandinaves. Ils viennent pour étudier le droit ou la médecine. En 1734, une prison est construite pour remplacer les geôles médiévales situées dans les remparts. L’évêque fera bâtir un palais épiscopal dans le style classique, dont la façade est ornée de nombreuses sculptures de personnages religieux ou mythiques de Robert le Lorrain.
Dans les affres de la révolution française et industrielle
En juillet 1789, les Strasbourgeois suivent l’exemple parisien. L’hôtel de ville est saccagé. En 1792, la France déclare la guerre à la Prusse et à l’Autriche. Le 26 avril, Rouget de l’Isle compose Un chant pour l’armée du Rhin, qui deviendra la Marseillaise. Le général Kellermann, natif de Strasbourg, prend le commandement de l’armée de Moselle, qui participe à la bataille de Valmy. Son compatriote Jean-Baptiste Kléber s’illustre aussi en Allemagne.
Sous l’empire, plusieurs institutions voient le jour : la préfecture, la bourse et la chambre de commerce. Un nouveau pont sur le Rhin est construit et les routes sont rénovées. Le commerce redémarre, surtout celui du tabac, du vin, du coton et des épices.
Dans la première moitié du XIXe siècle, le visage de Strasbourg change. De nouveaux canaux sont construits, reliant la Marne et le Rhône au Rhin. Le chemin de fer se déploie. La gare est inaugurée en 1846. Le télégraphe électrique est mis en place la même année. Strasbourg reste essentiellement tournée vers le commerce et la finance.
De retour dans l’empire allemand
En 1870, la Prusse et la France sont en guerre. Dès les premiers mois du conflit, les Prussiens envahissent l’Alsace. Strasbourg n’est pas préparée à subir un siège. Son enceinte fortifiée du XVIIe siècle est obsolète. Le traité de Francfort du 10 mai 1871, rattache l’Alsace à l’empire allemand.
Berlin souhaite faire de Strasbourg une vitrine du savoir-faire allemand. Un vaste plan d’urbanisation est mis en place. La Neustadt s’organise selon deux axes qui se coupent sur la place impériale. Le palais du Rhin est l’exemple le plus abouti de l’architecture impériale allemande. Édifié pour accueillir l'empereur lors de ses visites à Strasbourg, il marque le rattachement de la ville à l'Empire allemand, et s'inscrit dans un programme de rénovation urbaine de grande ampleur. La ville offre aussi des exemples remarquables d'ensembles architecturaux dans le style Jugendstil.
La ville s’agrandit considérablement et se modernise. L’industrie se développe dans les secteurs alimentaire (brasseries, conserverie) et mécanique. La ville se dote du tramway électrique et d’un nouveau port. Les activités bancaires s’intensifient depuis la création de la banque mutualiste du Crédit mutuel. La population croît de 100.000 habitants.
Un retour fragile dans la république française
Strasbourg n’a pas subi d’importants dégâts durant la Première guerre mondiale. 3.000 Strasbourgeois ont péri au combat sous l’uniforme allemand. Par le traité de Versailles, l’Alsace-Moselle est rendue à la France. Le changement de nationalité se fait dans la brutalité. Des monuments impériaux sont détruits. Les Allemands sont expulsés de la ville. L’arrivée de juifs d’Europe centrale compense en partie les pertes démographiques.
En 1939, le gouvernement français ordonne l'évacuation de l’Alsace-Moselle. En 48 heures, près de 200 000 habitants quittent la ville. Une garnison civile, composée de quelques centaines d'ouvriers municipaux et pompiers, veille à l'entretien de la ville. Suite à la défaite française, l’Allemagne annexe à nouveau l’Alsace. Les nouvelles autorités mènent une politique de germanisation et de nazification. La synagogue est détruite. Les noms de rues retrouvent leur appellation allemande. La langue française est interdite. Les jeunes sont enrôlés de force dans l’armée allemande pour combattre sur le front Est.
Dès septembre 1940, l’adolescent Marcel Weinum, organise un réseau de résistance spécialisé dans la propagande, le sabotage et le renseignement, jusqu’à son démantèlement en avril 1942. En 1943, les Américains bombardent régulièrement la ville, causant plus de 1000 morts et détruisant 20% des bâtiments. La ville est libérée par la division Leclerc le 23 novembre.
Capitale européenne
Dès 1949, Strasbourg accueille le Conseil de l’Europe, puis l’année suivante, la Cour européenne des droits de l’Homme et en 1952 le siège de la CECA. En 1979, le Parlement européen, élu pour la première fois, demeure à Strasbourg. En 1960, le pont de l’Europe relie France et Allemagne en franchissant le Rhin. Strasbourg mise sur la coopération transfrontalière avec la création des eurodistricts, dans le but de développer des projets communs, notamment avec la ville de Kehl. La passerelle Mimram, reliant les deux villes, traduit la volonté de rapprocher les deux rives du Rhin et donc les deux pays.
Au niveau national, Strasbourg devient la capitale de la région Alsace et de la Communauté urbaine de Strasbourg. De nouveaux quartiers sont aménagés dans les années 1960 pour faire face à la croissance démographique. Au cours des années 1970, le port autonome se développe et le charbon laisse progressivement place à des marchandises à plus forte valeur ajoutée (pétrole, produits chimiques). La ville célèbre son bimillénaire en 1988. À cette occasion, l’artiste strasbourgeois Tomi Ungerer érige la fontaine de Janus. En 1991, se déroule le test du Bi-Bop, premier réseau de téléphonie mobile français. Cette même année, l’ENA ouvre ses portes. En 1994, un nouveau tramway est construit. En 2007, le TGV la relie à Paris en moins de 3 heures.
Aujourd’hui, Strasbourg possède un secteur secondaire très diversifié, un secteur marchand important et un secteur tertiaire tourné vers les activités financières, juridico-légales, la recherche et le conseil aux entreprises. Son centre-ville est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1988, puis en 2017, il englobe également le quartier de la Neustadt.
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