La légende a traversé les siècles et deux millénaires jusqu’à nous et disait que sa beauté était telle que nombre d'hommes ont voulu payer de leur vie pour une nuit avec elle. Une autre rumeur dit qu’elle était admirable à voir et à entendre, et captivait les âmes les plus rebelles à l'amour, les cœurs que même que l'âge avait glacés.
Elle avait fait sombrer César le conquérant, et Antoine que l'on comparait en son temps à Hercule. Seul Auguste avait résisté à ses charmes ; il est vrai qu'il était un peu souffreteux. Il fallait bien pour l’orgueil de Rome, qu'une telle femme, capable de réduire à ses volontés les plus grands Romains, fût un être exceptionnel de beauté et de charme, le type même de l'ensorceleuse.
Tout a contribué à maintenir cette réputation: les artistes, les poètes, et, de nos jours, les cinéastes. D’Elizabeth Taylor à Monica Bellucci comment ne pas y voir un hommage à sa beauté! C’était également sans compter les érudits eux-mêmes, qui, si souvent soumis à de froides rigueurs, ont fait preuve de quelque complaisance quand ils traitèrent d'un personnage comme Cléopâtre... Alors, ils se laissaient aller à un lyrisme qui se joue aisément de la stricte vérité. Il n'est, à cet égard, que de citer ces lignes de l'historien anglais Arthur Weigall: « De caractère juvénile, de tempérament emporte, et fréquemment étourdie, Cléopâtre jouissait de la vie, et prenait avec candeur tous les plaisirs qu'on lui proposait. Son cœur effréné bondissait de la gaieté au chagrin, de la comédie à la tragédie, avec une aisance déconcertante…. Petite forme gracieuse, dont la beauté subjugue, dont la voix est un sortilège adorable et dont le visage apparaît pur de toute flétrissure morale. »
La question est de savoir si l'illustre reine d'Égypte - la dernière - était réellement et franchement belle. Vous me direz: si l'on ne se fie pas aux récits des historiens, qu'on se reporte alors aux œuvres des artistes. Mais c'est justement là le grave débat: alors que tant d'impératrices, reines, grandes et petites dames de l'Antiquité, nous ont laissé leur effigie, de Cléopâtre nous n'avons aucun véritable portrait. Seule une sculpture peut être considérée avec quelque certitude comme la représentant. Le buste qui lui ressemble le plus trône en majesté à l’Atles Museeum à Berlin.
Alors regardons-la. Était-elle belle? Non, si on veut se référer aux canons classiques. Voyez plutôt la structure assez rude du visage, le nez aquilin à la pointe marquée et aux fortes narines, la mâchoire et la lèvre inférieures en avancée. Mais, en contrepartie, il se dégage de ce visage, éclairé par de grands yeux, quelque chose d'un peu hautain peut-être, mais de souverain en tout cas: une majesté réelle, qui attire et retient.
Mais que n'a-t-on relu de plus près les auteurs antiques? En premier lieu, Plutarque, dont un passage mérite d'être reproduit: «On prétend que sa beauté, considérée en elle-même, n'était pas si incomparable qu'elle ravit d'étonnement et d'admiration: mais son commerce avait un attrait auquel il était impossible de résister; les agréments de sa figure, soutenus des charmes de sa conversation et de toutes les grâces qui peuvent relever un heureux naturel, laissaient dans l'âme un aiguillon qui pénétrait jusqu'au vif. »
II n'est pas nécessaire de lire entre les lignes: le jugement de Plutarque sur Cléopâtre est très net. II parle des «agréments » de sa figure, mais reconnaît qu'elle ne se distinguait point par une beauté exceptionnelle. Alors, à quoi tenait son attirance, et sa puissance de séduction qui, un moment, compromit Rome?
Elle avait en particulier une « voix pleine de douceur » et, « tel un instrument à plusieurs cordes », elle savait parler un grand nombre de langues; elle avait pour elle une intelligence raffinée, une vaste culture, une repartie vive. Elle subjugua facilement Antoine, qui avait voulu l'éblouir mais qui dut vite s'avouer vaincu, car « ses plaisanteries n'avaient rien que de commun et sentaient le soldat». Elle avait le goût du faste et le sens de la mise en scène. On connaît les pages célèbres qui la dépeignaient magnifiquement parée, entourée d'un essaim de femmes splendides, naviguant sur un navire à la poupe d'or, au son des flûtes, des lyres et des chalumeaux, dans des nuées de parfum qui emplissaient les rives du fleuve.
Et puis: quel nez! Selon la célèbre anecdote, le philosophe Blaise Pascal avait suggéré dans une de ses fameuses Pensées que "si le nez de Cléopâtre eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé", suggérant que sa beauté avait influencé le cours de l'histoire. Cette idée vient évidemment de l'impact politique et amoureux qu'elle a eu sur les dirigeants romains. En effet, le nez, dans l'Antiquité, était souvent considéré comme un symbole de caractère et de personnalité. Ainsi, le nez proéminent de Cléopâtre était devenu une métaphore de son charme irrésistible et de sa puissance politique.
On a brodé avec fantaisie sur son personnage. On a fait de Cléopâtre une beauté exotique, parfois noire, parfois métissé, en oubliant qu'elle était une Macédonienne hellénisée. On l'a représentée comme une dévergondée, comme une véritable Messaline, s'employant à précipiter sur sa couche tous les mâles possibles. Reconnaissons qu'on éprouve une certaine gêne en pensant qu'elle avait vingt-deux ans lorsqu'elle s'est donnée à César(1), qui en avait cinquante-trois et était sans prestance ni beauté... mais tellement charmeur lui-aussi.
Mais c'est justement cette passade césarienne qui nous éclaire sur la vie amoureuse de Cléopâtre. Plutarque le dit textuellement, lorsqu'il montre comment elle a pris Antoine dans ses filets: « C'était sur elle-même et sur le prestige de ses charmes qu'elle fondait ses plus grandes espérances. »
Et quelles espérances?
Celles, évidemment, de sauver l'indépendance de l'Égypte et de conserver son trône. Rome les menaçaient dangereusement. Que pouvait-elle contre la puissance romaine? Elle n'avait guère d'autres armes que celles dont elle usa contre César, contre Antoine, et vainement contre Octave, le futur Auguste.
Alors oui, Cléopâtre avait du charisme, de la prestance et une grande intelligence. Beaucoup, encore aujourd’hui, ont tendance à confondre le charme et l’apparence physique.
En conclusion: Cléopâtre était belle!
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