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Journal de Louis XV (2e partie)

 


1725 : Mes fiançailles avec Marie-Anne Victoire d’Espagne sont rompues. Présentant une santé parfois fragile, mes ministres craignent que je décède sans descendance. Il convient de me trouver une épouse plus âgée. La petite infante est renvoyée à Madrid, ce qui ne va pas sans créer des remous diplomatiques. L’Espagne rompt ses relations et signe un traité d’amitié avec l’empereur du Saint-Empire. Le choix se porte sur Marie Leszczynska, princesse catholique et fille du roi détrôné de Pologne, Stanislas Leszczynski. Elle est âgée de 22 ans. Notre mariage se déroule à Fontainebleau le 5 septembre. L’aristocratie pense que la nouvelle reine est de trop basse extraction. Cependant, le peuple l’apprécie pour sa charité. Moi-même, je ne suis pas insensible à ses charmes. De la charité, le peuple en a besoin. Le grain manque suite aux tornades ayant dévasté les cultures. Le prix du pain augmente. Les caisses de l’État sont vides à la suite de l’effondrement du système Law. Mon gouvernement promulgue une nouvelle taxe s’appliquant à tous les sujets du royaume sans exception. La noblesse et le clergé s’y opposent. Le parlement refuse d’enregistrer l’édit. Je suis obligé de tenir un lit de justice (l’équivalant de votre 49-3 actuel, si on peut se permettre la comparaison) pour imposer l’enregistrement.

1726 : J’exile le duc de Bourbon sur ses terres et nomme le cardinal de Fleury Premier ministre. J’ai une pleine confiance dans mon ancien précepteur. Nous serons tels Louis XIII et Richelieu.

1730 : Fleury veut porter un coup décisif au jansénisme en faisant de la Bulle Unigenitus une loi de l’État. J’impose cette décision en tenant un lit de justice le 3 avril. Aussitôt des avocats entrent dans la bataille. Dans une consultation publique signée par 40 avocats, François de Maraimberg soutient que je suis le chef de la Nation et non pas l’élu de Dieu. Mon Conseil condamne ce texte infâme.

1733 : La diète polonaise élit pour la seconde fois mon beau-père Stanislas comme roi. Auguste III, l’autre prétendant, conteste l’élection. Il appelle les Russes qui envoient un corps d’armée. Stanislas fuit à Dantzig. Je dépêche un corps expéditionnaire français pour l’expatrier. En représailles, j’occupe le duché de Lorraine, se situant entre mon royaume et les possessions françaises en Alsace.

1734 : L’influence du système parlementaire anglais commence à se faire ressentir. Voltaire a écrit ses Lettres philosophiques où il fait l’éloge des mœurs anglaises. Mes sujets commencent à confondre le parlement anglais, une assemblée législative élue, avec le parlement français qui demeure une instance purement juridique. Les magistrats ne se privent pas d’entretenir la confusion.

1738 : Parmi les nombreux travaux d’infrastructures de transport entrepris sous mon règne, je suis heureux d’apprendre l’achèvement du canal de Saint Quentin reliant l’Oise à la Somme. Mon beau-père revient en France. Avec l’accord de l’Autriche, je le nomme duc de Lorraine et de Bar. En échange, ces territoires intègreront la couronne à sa mort et l’ancien duc François devient duc de Toscane. La reine me refuse sa couche. Elle ne supporte plus les grossesses à répétition qui ont affaibli et déformé son corps. Je n’éprouverai plus de remords à fréquenter mes maitresses. A la décharge de la reine, elle m’a donné dix enfants en onze ans, deux fils et huit filles. Les courtisans ont pris l’habitude de les appeler par un numéro. Par ordre chronologique sont nés : Louise Elisabeth (1727 – 1759) mariée au roi d’Espagne, Anne Henriette (1727 – 1752), Marie Louise (1728 - 1733), Louis (1729 – 1765, le futur père des rois Louis XVI, Louis XVIII, et Charles X), Philippe-Louis (1730-1733), Marie-Adélaïde (1732 – 1800), Victoire-Louise-Marie-Thérèse (1733 – 1799), Sophie-Philippine-Elisabeth-Justine (1734-1782), Thérèse-Félicité (1736-1744), Louise-Marie (1737-1787). Il faudrait ajouter mes enfants illégitimes. Je refuse de les reconnaitre et de les installer à la cour. En revanche, je subviens à leur éducation et m'arrange pour leur donner une place honorable dans la société.

1740 :L’Europe s’embrase une nouvelle fois. La mort de l'empereur d’Autriche Charles VI voit l'avènement de sa fille Marie-Thérèse sur le trône de Bohème et de Hongrie. Néanmoins une femme ne peut monter sur le trône du Saint Empire germanique. Marie-Thérèse espère placer François de Toscane, son mari sur le trône. Le monde a changé. De nos jours, la menace provient de la montée en puissance de la Prusse. Frédéric II souhaite étendre son royaume. De plus, l’Angleterre accroit sa pression sur les océans et le commerce international. Il nous faut du soutien sur le continent. Néanmoins, la cour et l’opinion parisienne, marquées par la politique anti-Habsbourg, ne comprennent pas notre décision. Sous la pression politique, je dépêche, à la diète allemande, le maréchal de Belle-Isle, leader du parti autrichien, avec des instructions précises : éviter que la couronne ne tombe dans les mains du grand-duc de Toscane qui pourrait revendiquer la Lorraine et procurer la couronne à Charles-Albert de Bavière. La guerre éclate m’obligeant à envoyer deux armées en Allemagne. Marie-Thérèse contre-attaque immédiatement et oblige mes troupes à se retirer. Elle reste maîtresse de ses états, exceptée la Silésie que lui a prise Frédéric II.

1743 : Je fais la connaissance de la marquise de Pompadour. Cette femme est belle, cultivée, intelligente et dotée d'une grande ambition. La reine ne lui est pas défavorable, contrairement aux aristocrates de la cour qui jugent son ascension inappropriée compte tenu de sa basse extraction. Qu’importe ! Dorénavant, ils devront comprendre que je dirige personnellement mes affaires privées et l’État. Maintenant que Fleury est décédé, j’entends bien me passer de Premier ministre.

 

A suivre ....

 

Retrouvez notre article sur le roi Stanislas

 

Sources

Texte : BORDONOVE Georges, Louis XV, Pygmalion Editions, 2002, 315p

Image :http://www.alex-bernardini.fr/histoire/Louis-XV.php

 

 

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