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L'Utopie de Thomas More

 

 Thomas More est issu d’une famille de boulangers. Son père est devenu magistrat. Il inscrit son fils dans la plus prestigieuse école de Londres. A 12 ans, More est fait page, c’est-à-dire serviteur, du cardinal Morton. Son éducation se poursuit à Oxford. More se passionne pour les auteurs antiques. La République de Platon ne le quitte plus. Il y découvre la cité idéale du philosophe. Cette œuvre est considérée comme l’inspiration principale de l’Utopie. More poursuit des études de juriste. Durant son temps libre, il compose des poèmes. Après un passage chez les moines chartreux, il devient avocat. Il est élu à la chambre des représentants. Il se marie et fonde une famille.

En 1509, il refuse de voter une importante augmentation des taxes demandée par Henri VII. Par sa verve, il convainc la Chambre qui n’accorde que la moitié. Frôlant la prison, More exprime sa première critique raisonnée du pouvoir et de la tyrannie. En 1515, Henri VIII l’envoi en mission diplomatique à Bruges. Il rédige L’Utopie dans les Flandres. L’idée vient d’un défi fixé quelques années plus tôt par son ami Erasme. En 1511, l’humaniste de Rotterdam a publié L’Eloge de la Folie et dit à More d’écrire la suite. L’ouvrage de More apparait dans un siècle de profonds bouleversements en Europe. Les grandes découvertes modifient les représentations du monde. Dans ce nouveau et lointain continent qu’est l’Amérique tous les possibles sont imaginables.

L’Utopie se compose en deux parties. Dans le livre I, More présente sa visée politique : critiquer sa patrie au miroir d’une société idéale. Cette critique prend la forme d’un débat entre Thomas More, son éditeur Pierre Gilles et un personnage fictif nommé Raphaël Hythlodée, navigateur de son état, tout juste revenu d’une expédition dans de lointaines contrées. More aborde les sujets de la guerre, les inégalités, les lois répressives et la sottise de certains clercs. Autant de réalités que Hythlodée compare aux sociétés qu’il vient de découvrir où l’on partage la richesse et le pouvoir.

Dans le livre II, Hythlodée présente la République heureuse et perdurable dans laquelle il a passé 5 ans. Là-bas, la société repose sur la vie en commun. Les Utopiens n’ont pas besoin de lois. Ils dinent ensemble, donnent la parole à chacun, échangent les points de vue dans le respect d’autrui et recherchent l’amitié. Les chefs sont élus par le peuple et ne jouissent d’aucun privilège. Pour se défendre, les Utopiens refusent simplement de commercer avec leur ennemi. Ils misent sur la force d’esprit et la subtilité. Les ressources sont partagées. Ils cultivent la vertu du travail. Ils changent de maison tous les dix ans par tirage au sort, alternent année de labeur aux champs et à la ville, travaillent six heures par jour, reçoivent les mêmes vêtements, n’ont pas de monnaie. L’absence d’argent et de propriété privée garantissent la paix sociale. Les Utopiens se contentent du nécessaire. Ils se régalent des plaisirs simples. Points de tavernes, ni de bordels, de jeux de hasard, d’adultère.

La religion des Utopiens symbolise le purisme tolérant de Thomas More. Toutes les croyances sont acceptées. La figure divine n’est représentée nulle part, pour n’imposer d’image à personne. Lorsque l’un d’eux blâme les autres cultes, il est envoyé en exil pour ne pas troubler l’harmonie. Le narrateur raconte que nombre d’habitants se sont convertis spontanément au christianisme tant leur philosophie est proche de celle de Jésus et ses apôtres. More accepte les défauts humains. Il montre comment les surpasser par la spiritualité. L’Eglise, en dépit de ses abus, permet de cultiver une sagesse, qui sans elle, se serait perdue. More va jusqu’à la défendre contre le roi. En 1530, Henri VIII qui cherche à divorcer, affirme sa suprématie sur l’Eglise d’Angleterre. En désaccord profond sur ce sujet, il démissionne de son poste de premier chancelier. Il est emprisonné en 1534, puis exécuté l’année suivante.

L’œuvre de Thomas More est un succès immédiat. Quatre ans après le décès de More, huit éditions paraissent. Le modèle devient un genre littéraire, qui se décline sous de multiples formes, avant d’atteindre son paroxysme avec les utopies socialistes du XIXe siècle.

Thomas More est fait saint-patron des parlementaires et des gouvernants par Jean-Paul II en 2000. Son amour de la philosophie, sa carrière de juriste et son souci des grâces intérieures le rapprochent de Saint Augustin. Il figure également sur un obélisque à la gloire des pères communistes dans les jardins du Kremlin. En effet, dans l’Utopie apparaissent l’absence de propriété privée, le revenu universel, la glorification du travail.

Sources :

Texte : VINCENT Alizée, « Thomas More, père d’Utopie », Les grands dossiers des sciences humaines – Histoire, hors-série n°10, décembre 2021 – janvier 2022, pp24-31.

Image : https://litterature.fandom.com/fr/wiki/Utopie

Voir notre article sur l’Atlantide

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