L'Atlantide entre récit politique et légende



La création du mythe
Au -IVe siècle dans le Critias et dans le Timée, Platon décrit l’Atlantide, une fédération de cité-Etats, située sur une gigantesque île dans l’Océan Atlantique au-delà des colonnes d’Hercule (Détroit de Gibraltar). L’île est sous la protection de Poséidon, dont le fils Atlas est couronné roi. Le sous-sol contient tous les métaux. La nature environnante offre une nourriture abondante. Les cultures sont irriguées par un système de canaux concentriques formant plusieurs îlots. L’île du centre abrite l’Acropole et le temple de Poséidon recouvert d’or, d’argent et d’ivoire.
Pour créer son mythe, Platon a puisé dans de nombreux récits. Pour donner plus de crédibilité à son récit, il utilise des passages des œuvres historiques d’Hérodote et de Thucydide. La guerre entre Athènes et l’Atlantide fait penser aux Guerres médiques. La description de la ville ressemble à celle de Babylone avec ses immenses murailles et portes. Platon a également exploité les évènements naturels qui se sont déroulés. La disparition de l’Atlantide fait songer à l’explosion du volcan ayant englouti une partie de l’île de Santorin vers -1450. Néanmoins, c’est sans doute plus le tremblement de terre à Hélice en -373, contemporain de Platon, qui l’a inspiré. La cité, située sur le golfe de Corinthe, disparait sous les eaux en une nuit. Enfin, il puise dans la mythologie, comme les luttes entre Poséidon et Athéna et la théorie des âges d’Hésiode.

Le miroir d’Athènes
Platon met en garde ses concitoyens sur leur avenir, à savoir la chute inéluctable d’une cité démocratique et belliciste. Dans son récit, Athènes est en guerre contre l’Atlantide, cette superpuissance maritime pervertie par la richesse, le commerce et le goût du pouvoir. La fin tragique de l’Atlantide peut se reproduire si les Athéniens continuent d’offusquer les dieux en poursuivant leur politique impérialiste. Au –IVe siècle, Athènes possède la flotte la plus puissante du monde égéen. Elle fédère autour d’elle les cités grecques dans la ligue athénienne.
Platon est un aristocrate qui condamne la démocratie. Ce système repose sur un mensonge en prétendant que n’importe quel citoyen peut s’occuper des affaires publiques. La démocratie engendre démagogie, impiété et désunion. Seuls les aristocrates peuvent gouverner, car ils possèdent en eux le savoir. Or ce savoir n’est pas inné, il s’acquiert par une solide éducation prodiguée par les philosophes.
Platon est hostile au parti démocratique favorable à la politique d’enrichissement et de contrôle de la mer. Le philosophe rejette ce qui vient de la mer. Pour lui, les ports sont des lieux où se croisent des gens de toutes origines et de mœurs mercantiles. C’est un lieu de corruption morale. Au départ, Athènes est une cité sans port, tournée vers l’agriculture et donc régie par des lois morales et rigoureuses.

L’Atlantide à travers les âges
Malgré les efforts de Platon pour faire paraitre son récit comme historique, peu de ses contemporains le prennent comme authentique. Les Romains le mentionnent sans s’attarder sur le sujet. Avec la chute de l’empire, l’Atlantide sombre réellement, mais dans l’oubli cette fois. Les intellectuels du Moyen Age n’en parlent pas.
En 1485, l’Italien Marcile Fircin traduit le Critias en latin et le fait publier. Avec la découverte de l’Amérique, les Européens pensent pouvoir retrouver ce continent perdu. Certains pensent que les Amérindiens sont les descendants des Atlantes, qui ont fui la disparition de l’île. Le conquistador Francisco Lopez remarque que le mot eau se dit « atl » en aztèque, les trois premières lettres d’Atlantide.
Au XVIIe siècle, il apparait évident que l’Amérique est trop vaste pour être l’Atlantide. Au  siècle suivant, les philosophes des Lumières ont d’autres préoccupations plus sérieuses. En 1779, Guiseppe Bartoli, professeur de grec, étudient les textes originaux de Platon. Sa conclusion est simple : l’Atlantide n’est rien d’autre qu’Athènes. Le mythe est balayé vers les milieux ésotériques et dans la fiction.
Au tournant des XIX et XXe siècles, les nouvelles connaissances en géologie et en paléontologie prouvent que la Terre est plus ancienne qu’on le pensait. Les continents ont bougé. Des terres ont disparu. Des civilisations ont peut-être disparu. Le géologue français Pierre Termier explore les Açores et conclut que l’Atlantide aurait pu être engloutie par une éruption volcanique. Après la Seconde Guerre mondiale, l’archéologue grec Spyridon Marinatos fouille les vestiges d’Akrotiri à Santorin. La cité de culture minoenne a été détruite par l’éruption d’un volcan. Seulement, les vestiges retrouvés ne correspondent pas aux descriptions de Platon, sans parler de la localisation. A la fin des années 1980, Zdenek Kikal dresse le bilan des recherches et conclut à l’absence de toutes traces de l’Atlantide.

Sources
Texte : « Le rêve de Platon, l’Atlantide : une quête sans fin », Les Cahiers de Sciences et vie, n°159, février 2016, pp26 à 75.

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