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Hammurabi de Babylone, son Code et la loi du talion

Hammurabi, roi il y a près de 3800 ans, a été célébré pour sa magnificence pendant une grande partie de l’Antiquité. Son nom hantait probablement encore les rues de la cité de Babylone lorsqu’Alexandre le Grand la conquise au IVe siècle av. notre ère. La monté en puissance de la cité voisine de Ctésiphon, l’ère chrétienne et les sables du désert mésopotamien auront raison de Babylone et de celui qui l’a érigée comme capitale du monde antique.

Arrivé sur le trône vers 1792 av. notre ère, Hammurabi va faire de sa cité la capitale du monde Mésopotamien et installer Babylone dans la légende. En repoussant les Elamites, puis en conquérant le vieux monde sumérien et en détruisant les puissantes Larsa, Mari et Eshnunna, Hammurabi crée un  véritable empire. A sa mort vers 1750, on ne désignait plus traditionnellement la Mésopotamie comme le « Pays de Sumer et d’Akkad » mais bien comme étant la Babylonie ! Maitre d’un immense territoire comprenant l’ensemble des terres qui bordent les fleuves du Tigre et de l’Euphrate, du Golfe Persique jusqu’à à l’Assyrie, le roi légifère afin que les différents peuples soient régi par une seule loi : la sienne !

Le code Hammurabi est une des plus belles merveilles du monde antique. Non pas parce que cette lourde et haute pierre noire est une œuvre d’art, mais bien parce qu’elle renferme un trésor judiciaire qui, par miracle, nous est parvenu quasiment intact. Ce n’est pas non plus la plus ancienne pierre de ce type qui nous soit arrivée puisqu’on connait le code de loi d’Ur-Nammu antérieure de quatre siècles, mais son état, sa taille et la renommée de celui qui l’a faite inscrire en font un objet à part dans l’histoire de l’humanité. Après sa découverte dans la lointaine cité de Suse en Perse où elle avait été ramenée en butin et son déchiffrement par le père Scheil à la fin du XIXe siècle, la pierre a tout de suite été célèbre, notamment grâce à une loi, très lapidaire mais au sens certain: la loi du Talion (un mot qui vient du latin talis qui signifie « semblable » ou « pareil »).

Afin de mieux gérer l’explosion des us et coutumes des dizaines de peuples nomades et sédentaires que comprend désormais son immense royaume, Hammurabi dicte sa loi. De plus, pour qu’elle soit rependue et appliquée partout, il fait tailler de grandes pierres sur lesquelles on inscrit les lois dans une forme simplifiée de l’akkadien, la langue la plus couramment parlée à cette époque. Le roi décrète que le mauvais n’affaiblira pas le bon, que la femme qui trompe son mari sera sévèrement punie ou encore que si un homme casse la dent d’un autre homme… sa dent, on la lui cassera également…

« Si un homme détruit/crève l’œil d’un autre homme on détruira/crèvera son œil ; Si un homme casse la dent d’un autre homme on lui cassera une dent »

Tiens tiens, cela me rappelle quelque chose ! Je me précipite dans ma bibliothèque (bon sur internet je le reconnais !), parcours la Bible, tombe sur l’Exode (21,23-25) et lis : « Mais si malheur arrive, tu paieras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure… ». Puis, me rappelant des Evangiles, je retrouve Mathieu (5,38-4) : « Vous avez appris qu’il a été dit : ‘œil pour œil et dent pour dent’. Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre. À qui veut te mener devant le juge pour prendre ta tunique, laisse aussi ton manteau. Si quelqu’un te force à faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos. »


Ce célèbre adage, que l’on doit à Mathieu citant Jésus, fut la parole la plus représentative et la plus parabolique du Christ. En effet, raillant l’ancien système de vendetta juif emprunté à la justice babylonienne « œil pour œil ; dent pour dent » Jésus affirme qu’à l’inverse, si on lui frappait une joue, il tendrait l’autre joue. La soumission plutôt que la vengeance. Les exégètes de la Bible savaient-ils que cette pratique judiciaire remontait à Hammurabi (qui possiblement l’avait reprise d’une loi encore plus ancienne)?

Cependant, en analysant un peu, on découvre qu’au contraire d’une vendetta, la loi d’Hammurabi a justement été crée afin de l’éviter. En effet, le code explique que le roi intervient directement dans le conflit entre deux hommes et ordonne que la victime n’a pas le droit d’exiger autre chose que ce que le coupable lui a fait subir : un œil pour un œil, une dent pour une dent ! Une vendetta peut aller plus loin dans la réparation à un outrage et s’étaler sur des siècles pour des motifs parfois absurdes (parfaitement parodié dans Astérix chez les Corses. Telle est la véritable origine de la loi du Talion et comment à travers un simple petit code de loi du XVIIIe siècle av. notre ère, la philosophie de plusieurs religions monothéistes ont été influencés dans leur fondement et s’impose encore dans notre manière de vivre. 




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