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Le monde arabe du XVIe au XXe siècle

Sous l'Empire ottoman
A la fin du XVIe siècle, le monde arabe devient une composante de l'Empire ottoman. On assiste à décentrage du monde musulman au profit de l'Anatolie. Les provinces arabes évoluent différemment. Certaines sont intégrées au système administratif, militaire, judiciaire et fiscal. D'autres sont gouvernées par des pachas désignés par Istanbul, qui jouissent d'une plus ou moins grande autonomie.
Certaines grandes villes adoptent l'architecture turque. Certains mots turcs s'immiscent dans la langue arabe. L'empire favorise les échanges culturels et migratoires. Les Arabes occupent les charges religieuses à la cour, car l'Arabie est le berceau de l'Islam. En revanche, les charges administratives restent aux mains des Turcs ou des chrétiens d'Europe de l'Est. Les sultans se revendiquent comme les défenseurs de l'Islam et de la communauté musulmane. Pour les Arabes, les Turcs sont des étrangers par rapport à leur culture et leur langue. Les Ottomans introduisent une légitimation profane qui comporte des prescriptions, qui ne sont pas dans la charia, voire qui lui sont contraires. Ceci avive des révoltes en Egypte. Avec le temps, les choses se tassent. Progressivement, l'idée que le sultan ottoman est le successeur des grands califes s'impose. Il bénéficie de l'autorité spirituelle sur tous les musulmans. D'autant plus que les sultans protègent les lieux saints et assurent la sécurité des pèlerinages.
Au XIXe siècle, l'affaiblissement du pouvoir central permet des résurgence d'autonomie locale. Le cas le plus fameux est Mehmet Ali, vice-roi d'Egypte. Néanmoins, ces vice-rois aspirent à être reconnu par Istanbul.

Le rêve de l'unité arabe
Au début du XIXe siècle, les Arabes au sens de communauté d'individus partageant une langue et une culture, n'existent que chez les Occidentaux. Les Arabes se définissent eux-mêmes comme sujets ottomans ou comme musulmans. Ainsi lors de la campagne en Egypte, Napoléon Bonaparte ne reçoit aucun soutien lorsqu'il exhorte les Arabes à se rebeller. Les progrès techniques impliquent une rénovation de la langue arabe façonnée à Beyrouth et au Caire, les deux grands centres intellectuels.
Dans le contexte d'ouverture croissante au monde européen, les pouvoirs en place en Tunisie et en Egypte, devenus provinces autonomes, tentent de faire émerger une identité spécifique pour se distinguer du pouvoir central d'Istanbul. Lorsque les provinces deviennent des colonies ou des protectorats européens, cette identité locale est un vecteur de résistance contre la domination étrangère. L'existence d'une population arabe distincte des autres peuples de l'empire devient acceptée par tous. L'autoritarisme du régime ottoman favorise l'émergence d'un mouvement autonome arabe revendiquant une décentralisation du pouvoir. Durant la Première guerre mondiale, l'Entente noue des contacts avec Hussein, Chérif de la Mecque, dans le but de lancer une révolte arabe dans l'Empire ottoman.
Après la dislocation de l'empire, le Proche-Orient se retrouve sous mandat français ou britannique. Le nationalisme arabe se porte contre les Occidentaux et appelle à la construction d'un grand Etat arabe unifié allant du Maroc au golfe persique. L'expression "monde arabe" passe dans le langage courant.
Après 1950, le mouvement se radicalise dans un mélange de luttes sociales, d'indépendance et de transformations économiques. L'Arabisme se sépare de l'Islamisme, qui vise à regrouper tous les musulmans. Les arabistes se rapprochent du parti communiste pour moderniser la société. Les deux mouvements s'opposent par les armes sur fond de guerre froide. Les Soviétiques soutiennent les mouvements progressistes, tandis que les Etats-Unis soutiennent les mouvements conservateurs. Chaque régime s'adresse à la population de son Etat, mais aussi à l'ensemble des pays arabes. Il s'ensuit des ingérences et une méfiance permanente entre Etats. A partir des années 1970, un renversement s'opère entre l'Arabisme et l'Islamisme. Les régimes autoritaires s'appuient sur le nationalisme arabe. L'Islamisme adopte la voie révolutionnaire et lutte contre l'impérialisme.
La forte unité culturelle, qui s'étend du Maroc à l'Irak, permet aux populations de se sentir identiques. En revanche sur le plan politique, l'unité du monde arabe est difficile, car chaque Etat cherche à diriger le nouvel ensemble, même s’il existe la ligue des Etats arabes qui gère les questions communes.

Sources
Texte : "Les Arabes : de la Mecque aux banlieues de l'Islam", L'Histoire, n°spécial 272, janvier 2003, pp33-77.

Image : ftp.imarabe.org

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