Les tirailleurs sénégalais dans la grande guerre
Durant la Première guerre mondiale,
l’armée française compte 185.000 tirailleurs sénégalais. Ces derniers
combattent sur tous les fronts : en Grèce, en France et en Afrique contre
les colonies allemandes (Cameroun, Togo).
L’implantation française en
Afrique noire se fait à partir de comptoirs commerciaux, qui constituent des
escales sur la route des Indes. En 1765, pour assurer la protection des
comptoirs, la France
forme le corps des Laptots constitué de soldats africains. Les soldats
européens s’adaptent mal aux conditions climatiques de l’Afrique. Ce corps,
utile pour des actions de police, n’est pas en mesure de lutter contre une
armée ennemie. Ainsi durant les guerres napoléoniennes, les Britanniques déciment
les Laptots.
En 1857, la France crée un corps
militaire professionnel sénégalais. Les soldats africains sont encadrés par des
officiers français. Ils portent un uniforme ayant des caractéristiques
ottomanes, car ils sont musulmans. De nombreux hommes s’enrôlent, car l’armée
leur permet de gagner suffisamment d’argent pour se vêtir et se nourrir. Ils
peuvent gravir les échelons jusqu’aux grades de sous-officier. Ils ne peuvent
être promus au-delà, car il est impensable que des Noirs commandent des Blancs.
De plus, ils ont le droit d’être accompagnés de leur famille même en campagne.
En effet, les officiers estiment que les Sénégalais sont plus efficaces si leur
famille est présente. Ainsi, il n’est pas rare de voir les épouses sur les
champs de bataille occupées à recharger les fusils de leur mari.
Avant la Première guerre mondiale,
l’Etat-major français reste sur l’idée que la supériorité numérique conditionne
la victoire. Or en 1914, la population française s’élève à 40 millions
d’habitants contre 60 pour les Allemands. Afin de compenser ce déficit, la France fait appel à ses
colonies. Comme beaucoup d’officiers ayant servi en Afrique, le colonel Mangin
insiste sur les qualités guerrières des Africains. Selon lui, ces hommes
naissent guerrier et ont le sentiment de la discipline.
Chaque ville et village doit
fournir un quota d’hommes âgés d’au moins vingt ans. Dans les villages, le choix
est laissé au chef, qui choisit les volontaires, ce qui ne va pas sans
entrainer du favoritisme, des vengeances et de la corruption. Si le quota n’est
pas atteint, l’Administration procède à une rafle pour compléter l’effectif.
Dans les villes, beaucoup d’hommes se portent volontaires espérant ainsi
acquérir la nationalité française. En effet, les Africains ne sont pas citoyens
de plein droit s’ils n’ont pas effectué un service militaire. Clemenceau nomme
le député sénégalais, Blaise N’Diaye, au poste de commissaire au recrutement.
Les marabouts, sorte de guides religieux, aident les recruteurs en donnant
l’exemple, en enrôlant leurs propres enfants. D’autres parents suivent cet
exemple. Au fur et à mesure que la guerre perdure, les enrôlements sont de plus
en plus forcés pour combler les déficits. Pour éviter d’être enrôlés, les
hommes se mutilent, fuient vers les colonies portugaises ou se rebellent. Les
révoltes sont réprimées avec violence causant des milliers de morts.
Les tirailleurs se considèrent
comme français. A ce titre, ils défendent leur patrie. Ils possèdent le même
esprit patriotique que les Blancs et sont fiers de se battre à leur côté. Les
Sénégalais ne sont jamais impliqués dans les mutineries. La question de
l’honneur est très importante en Afrique. Il ne faut pas jeter la honte sur soi
et sa famille.
Du côté français comme du côté
allemand, la propagande insiste sur l’aspect sauvage des Noirs. Les Français
rassurent la population et effrayent l’ennemi en mettant en avant les valeurs
guerrières des indigènes. En Afrique, le guerrier est celui qui va jusqu’au
bout. Les Allemands rabaissent les Français en expliquant que leurs ennemis
sont faibles et incapables de se défendre sans faire appel à des sauvages.
Sur le front, les tirailleurs
sénégalais vivent dans les mêmes conditions que les soldats de métropole.
Habitués à des températures très élevées, ils supportent mal les rigueurs de
l’hiver. Il n’est pas rare que leurs doigts de main et de pied gèlent. Les
médecins les amputent. Durant les hivers rigoureux, les tirailleurs sénégalais
sont déplacés dans le sud de la
France en attendant le retour des beaux jours.
Les Sénégalais ont plus tendance
à ressentir le mal du pays. En effet, ces jeunes de 18-25 ans ont été arrachés
à leur famille et se trouvent loin de leur foyer. A la différence de leurs
collègues de métropole, ils ne peuvent pas retourner chez eux lors des
permissions. Pour remédier à cette situation, le gouvernement a développé le
système de marraines qui tiennent compagnie aux soldats.
Contrairement à une image souvent
véhiculée, ceux qui reviennent dans leur village ne sont pas ovationnés. A l’inverse,
les Français sont reconnaissants de l’effort fourni par les tirailleurs
sénégalais durant la guerre. La dureté des combats et des conditions de vie
font que les soldats se comportent entre eux comme des frères et ce
indifféremment à la couleur de peaux. De nombreux généraux reconnaissent la
bravoure, le courage et le dévouement des unités africaines. L’Etat rencontre
des difficultés pour payer les pensions. Certaines veuves en Afrique ne
reçoivent plus d’argent.
Les régiments de Sénégalais sont
plus touchés lors des batailles que les régiments de blancs, car ils sont
toujours en première ligne. Par exemple en 1917, aux Chemins des Dames, 7.000
Africains sont mis hors d’état de nuire par les armes lourdes allemandes. Sur
les 134.000 Sénégalais mobilisés sur le front, 30.000 sont morts et 86.000 ont
été blessés.
Sources
Texte :
Mamadou KONE, Les tirailleurs sénégalais
dans la grande guerre : grandeurs et misères, conférence donnée le 7
novembre 2015, Espace Coluche – Les Clayes-Sous-Bois.
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