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Le blocus maritime


Le 19 avril 1861, Abraham Lincoln décrète la mise en place du blocus pour verrouiller l’accès des ports confédérés, soit 4.500 km de littoral. L’objectif est de stopper toute exportation de coton vers l’Europe et l’approvisionnement du Sud en denrées et équipements. Le blocus sera levé le 23 juin 1865.

Compte tenu du faible nombre de navires au début de la guerre, la marine de l’Union se concentre exclusivement sur les grands ports (Charleston, La Nouvelle-Orléans, Savannah, Wilmington, Mobile et Richmond) et tente d’intercepter tous les navires de la Confédération.
Le premier objectif de Gideon Welles, secrétaire d’Etat à la Marine, est de constituer une flotte importante. Pour ce faire, il ordonne la réquisition et l’armement des navires marchands assurant les liaisons commerciales avec les côtes du Sud. De plus, il confie à son beau-frère Morgan Welles, armateur, l’achat de bateaux à l’étranger. Par ailleurs, la marine profite de l’appareil industriel du Nord et d’ingénieurs expérimentés, comme Benjamin Isherwood, qui a construit des navires à aubes en Russie. Grâce à ces mesures d’exception, le Nord peut compter sur 160 navires à la fin de l’année 1861 contre 42. A la fin du conflit, 600 navires sont affectés au blocus.
Le ravitaillement en charbon pour les vapeurs pose un problème car les centres d’approvisionnement sont trop distants des zones d'opération. Le littoral sudiste est divisé en secteurs afin de rationaliser le blocus. Chaque secteur possède son propre commandement, sa base de soutien logistique et ses navires regroupés en escadre. Les garde-côtes, dirigés par Alexander D. Bache, jouent un rôle non négligeable dans le blocus de par leur connaissance des côtes et dans la lutte contre les contrebandiers.
Les navires fédérés se répartissent sur deux lignes assez éloignées du littoral pour éviter les récifs et les défenses côtières. Des petits navires servent d’éclaireurs et utilisent des sonnettes ou des fusées éclairantes pour avertir les navires de l’arrivé d’une cible. Le gouvernement et l’équipage se partagent à égalité le prix de la cargaison capturée. Voilà de quoi motiver les marins, car l’ennui les ronge. En effet, un navire assurant le blocus repère un ennemi toutes les trois semaines environ. L’USS Aeolus détient le record en 1864 avec un butin s’élevant à 40.000 dollars.
Les voiliers sont des proies faciles, car ils dépendent du vent et ne dépassent pas les 8 nœuds. Les vapeurs, atteignant une vitesse de 12 nœuds sont plus difficiles à intercepter. Néanmoins, les plus difficiles à intercepter restent les briseurs de blocus. Il s’agit de navires rapides, possédant une ligne de flottaison basse. Leur machinerie consomme un charbon particulier ne provoquant pas de fumée. Ils sont peints en gris pour se camoufler sur l’eau et dans la nuit. Certains hissent le pavillon nordiste dans l’espoir de passer pour un vapeur civil affecté à la surveillance des côtes. N’ayant pas signé la déclaration de Paris du 16 avril 1851, les Etats-Unis n’ont pas le droit d’intercepter un navire de commerce étranger et d’intervenir dans un port neutre, tel ceux de Nassau et de La Havane principales bases des forceurs. De plus, Washington ne reconnait pas officiellement la mise en place d’un blocus, afin d’éviter de donner un statut d’Etat belligérant au Sud. Ainsi, la plupart des capitaines et équipages capturés étaient vite relâchés sous peine d'incident diplomatique.

Durant la guerre de Sécession, la marine fédérale a capturé 136 vapeurs et détruit 85, sans compter les échouages et les naufrages. Les Nordistes considèrent les marins qui forcent le blocus comme des prisonniers de guerre. Cependant, ils relâchent ceux de nationalité étrangère afin d’éviter les incidents diplomatiques. L’augmentation du nombre de navires intercepteurs et la fermeture successive des ports confédérés ne dissuadent pas les capitaines. Motivés par l’espoir de réaliser des bénéfices mirobolants, ils tentent toujours leur chance. Les propriétaires des navires récupèrent leur investissement initial en deux allers-retours. Le coton qui passe le blocus se revend 10 fois plus cher qu'au début du conflit. Par exemple, le Syren réussit à passer 33 fois.
Ainsi, l’étanchéité du blocus de l'union fut loin d'être parfaite car à la fin de la guerre un tiers des navires réussissent toujours à passer. Les importations, bien que gênées, se poursuivent et permettent à la Confédération d’avoir les ressources nécessaires pour continuer la lutte. Elle réussit à importer de l’armement (fusils, poudre, cartouches, canon), des vêtements (chaussures, pantalons, capotes, chemises, sacs à dos, draps) et des matières premières (salpêtre, plomb, nitrate de potassium, fer, cuivre, acier). Les classes moyennes et populaires souffrent davantage que les classes aisées et l’armée qui est prioritaire. Le prix des produits de première nécessité explose du fait de leur rareté sur les marchés. En 1864, un kilo de beurre coûte 24$ et une dinde 100$, sachant que le salaire moyen d’un ouvrier est de 30$ par mois. De plus, les forceurs de blocus préfèrent amener dans leurs cargaisons des produits de luxe qui se vendent plus chers.

Pour être respecté par les autres nations, un blocus doit être effectif c'est-à-dire qu'il doit empêcher efficacement toute liaison entre le monde et les ports bloqués. La Confédération tente d'influencer les Etats européens en insistant sur le fait que le blocus n'est pas efficace, car en 1861 un navire sur dix seulement est stoppé par la marine fédérale.
De plus, les Sudistes utilisent la menace de l'embargo sur le coton pour forcer la main aux Français et aux Anglais, dont les industries textiles sont dépendantes du coton. Néanmoins, l'Angleterre et la France ne veulent pas se risquer dans un conflit avec les États-Unis. Londres dépend aussi grandement des importations de céréales américaines en provenance du Nord et a bien plus à perdre dans une guerre contre Washington. L'embargo sur le coton, mis en œuvre en 1862, permet tout d’abord aux Européens de vider leur stock. Durant une courte période, les industries engrangent des bénéfices, car elles vendent sans racheter de coton. Plus tard, les Européens cherchent d'autres fournisseurs notamment en Égypte et en Inde. La politique de l’embargo revient à donner la preuve que le blocus est effectif, puisque le coton ne parvient plus en Europe. Le Sud réussit à se faire reconnaitre par l'Angleterre et la France comme nation belligérante du fait de l'existence d'un blocus dirigé contre elle, Le blocus est perçu comme un acte de guerre, malgré les déclarations de Lincoln stipulant que les Sudistes sont des insurgés. En tant que nation belligérante, le Sud peut souscrire des emprunts à l'étranger, acheter des armes et posséder des navires de guerre.

Sources
Texte :
- Olivier MILLET, « Les briseurs de blocus », 20 avril 2014, sur le site Les Uniformes de la Guerre de Sécession : http://civil-war-uniforms.over-blog.com/2014/04/les-briseurs-de-blocus.html
- Mc PHERSON James, La Guerre de Sécession, Robert Laffont, Paris, 1991, 952p.
Image : histogames.com

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