La société féodale
Sous l’empire carolingien, les
comtes administrent des territoires au nom de l’empereur qui les nomme. Ils
sont liés par un serment de fidélité et peuvent être révoqués ou déplacés. Avec
l’arrêt de l’expansion territoriale de l’empire, le nombre de terres à
distribuer aux comtes diminue, ce qui engendre des luttes entre eux. Le traité
de Verdun de 843 partage l’empire en trois royaumes. Ne pouvant plus se
déplacer autant, les comtes s’enracinent dans une région. Ils transforment le
prestige de leur titre en patrimoine foncier. En Francie Occidentale, le roi
Charles II le Chauve parvient à s’assurer la fidélité des comtes en échange
de l’impossibilité de les destituer de leur territoire. Le roi reconnait
l’hérédité des charges, des domaines et des bénéfices. Dorénavant, les
aristocrates sont implantés sur des terres qu’ils lèguent à leurs descendants.
Les seigneurs locaux assurent les fonctions de justice et de défense que le
pouvoir royal n’est plus capable d’assurer comme sous les Carolingiens.
Autour de l’an Mil, le pouvoir se
partage désormais entre ducs, comtes, vicomtes et personnages de haut rang, qui
sont très souvent les héritiers des élites carolingiennes. Maîtres de la terre
et des hommes, ils exercent leurs prérogatives à l’échelle de leur seigneurie.
Le rapport à la royauté est variable selon l’éloignement et l’autorité du
souverain. Le pouvoir royal est plus fort en Germanie et en Angleterre qu’en
France ou en Italie. La hiérarchisation des seigneurs s’effectue en fonction du
degré de puissance et du patrimoine. Du comte au simple châtelain, chaque
seigneur participe à son niveau à l’exercice de la justice et de la protection
militaire. L’ancrage territorial des seigneurs se matérialise par la
multiplication des châteaux. Au Nord, la transmission s’effectue au profit de
l’aîné, tandis qu’au Sud, le partage se fait entre tous les enfants mâles, ce
qui engendre des coseigneuries. Des ecclésiastiques (abbé, évêque) sont aussi
des seigneurs. Les relations entre seigneurs sont structurées par des liens
vassaliques et par le biais du serment. Les guerres entre seigneurs se limitent
à des actions ciblées. Les adversaires se réunissent ou font appel à un tiers
pour parvenir à un compromis.
Les premiers châteaux forts
apparaissent dès la fin du IXe siècle. Les premiers édifices sont des mottes
castrales : une butte de terre artificielle ou un promontoire naturel
surmonté d’une tour et cernée d’une palissade en bois. La tour abrite les
logements du seigneur, de sa famille et de ses gardes. La basse cour abrite les
domestiques et divers bâtiments (écuries, forges, moulins). Le tout étant
protégé par une palissade en bois et un fossé. Le château est la marque dans le
paysage de la puissance et de l’autorité du seigneur. Sa taille varie en fonction
du statut social du châtelain. La motte castrale répond également à un besoin
défensif contre les autres seigneurs et contre les menaces extérieures
(Sarrasins, Normands, Hongrois). Au fil du temps, les fonctions du château
s’étoffent. Il devient un centre administratif et une cour de justice.
A la fin du Xe siècle, les riches
seigneurs optent pour la pierre. Les murs s’épaississent. Les fenêtres sont
petites. La porte d’entrée du donjon, placée à plusieurs mètres au dessus du
sol, n’est accessible que par une échelle ou un pont mobile. Le donjon comprend
la salle d’honneur (aula), des logements, une chapelle, des celliers, des
prisons. Les remparts plus massifs s’ornent de tours aux angles eu milieu des
courtines et un chemin de ronde est aménagé. L’édifice est isolé par un large
fossé.
Au Xe siècle, l’autorité royale
s’exerce seulement sur le domaine royal, c'est-à-dire les terres appartenant au
roi. Le reste du royaume forme une mosaïque de principautés régionales. Le roi
est le suzerain des autres grands seigneurs. Il occupe une position
honorifique. Le sacre lui confère une autorité supérieure à celle des ducs,
comtes et barons, car il tient son pouvoir de Dieu. Cette cérémonie le lie avec
l’Eglise et lui accorde en théorie le soutien des évêques.
A partir du XIIe siècle, les rois
capétiens parviennent à accroître par divers moyens leur pouvoir et leur
territoire. En s’appuyant sur les liens vassaliques, ils exigent des grands
seigneurs qu’ils leur prêtent hommage et leur procurent aide et conseil. Un édit
les rend justiciables à la cour du roi et met en place le principe de la
commise, c'est-à-dire que les seigneurs convoqués qui ne s’y rendent pas, sont
dépossédés de leur fief. La réversion du fief, autre procédé employé par les
rois dont Philippe Auguste, consiste pour le roi à récupérer les terres d’un
seigneur décédé sans héritier. De plus, il est interdit aux seigneurs de
laisser le fief d’un vassal décédé aux fils ainés. Le fief doit être partagé
entre tous les fils, ce qui appauvrit le domaine et force les détenteurs à les
revendre. Le mariage constitue un moyen accroître son territoire. A partir du
XIIIe siècle, le roi nomme des baillis pour le représenter dans les provinces.
Le Parlement de Paris est instauré. Il s’agit d’une cour de justice royale
suprême, dont les jugements sont incontestables. La monnaie nationale supplante
les monnaies locales.
Au début du XIVe siècle, il reste
seulement quatre grandes principautés : la Bretagne , la Flandre , la Bourgogne et la Guyenne. Le roi ne se fait plus
appeler « roi des Francs », mais « roi de France ».
Le monde paysan est très
hétérogène. La majorité d’entre eux sont des serfs. Ils ne possèdent pas la
terre et ne peuvent pas quitter la seigneurie, dont ils font intégralement
partie. Leurs droits sont limités. Ils doivent payer une taxe, le formariage,
pour épouser une personne d’une autre seigneurie et sont assujettis aux corvées
(entretien des terres et des bâtiments du seigneur).
Les vilains sont des paysans
livres qui possèdent leur terre et sont exemptés de certains impôts. Un serf
peut devenir un vilain en achetant sa liberté. Cette possibilité d’émancipation
est liée à l’augmentation de la production agricole. Cet accroissement tient à un meilleur investissement des paysans dans leur travail en raison de la
valorisation sociale dont ils font l’objet. En effet, au XIIe siècle, leur
labeur est perçu comme une vertu et non plus comme un châtiment. Les surplus
leur permettent de s’enrichir et le droit facilite l’acquisition de terres. Les
officiers seigneuriaux, issus du monde paysan, profitent de leur place pour
gravir l’échelle sociale.
Le réseau des villes, hérité de
l’Antiquité, perdure sous les Mérovingiens et les Carolingiens. A partir du IXe
siècle, l’Europe occidentale connait un essor démographique. Grâce à cet afflux
de main d’œuvre, les terres agricoles produisent davantage. Ces surplus
permettent de nourrir les artisans et commerçants résidant dans les villes et
qui ne vivent pas du travail de la terre. De nouvelles villes voient le jour. Les
seigneurs octroient des chartes de libertés à leurs villes pour y attirer de
nouveaux habitants. Ils financent la construction d’infrastructures. Les
bourgeois prennent en charge certaines tâches déléguées par le seigneur. A
partir du XIIe siècle, les marchands créent des compagnies de commerce et
deviennent des experts en valeur monétaire et en lettres de change. Ils prêtent
de l’argent aux seigneurs en échange de prérogatives, de titres ou de terres.
Cette dynamique est stoppée au XIVe siècle par la peste noire et le Guerre de
cent ans.
Au Xe siècle, le chevalier est un
guerrier à cheval au service d’un seigneur. La chevalerie est une catégorie
socioprofessionnelle regroupant les fils de la riche paysannerie, qui possède
les moyens financiers de posséder un cheval et l’équipement militaire de base.
C’est un outil de promotion sociale. Un noble l’est de par sa naissance, alors
que le chevalier le devient. Son code est fondé sur l’obéissance et la
vaillance au combat. Au fur et à mesure que la cavalerie devient la pièce
maîtresse du champ de bataille, le chevalier devient un guerrier d’élite.
L’aristocratie s’empare de ces valeurs que sont la loyauté et le respect. Les
chansons de geste et les troubadours font des chevaliers de véritables héros.
L’aristocratie, friande de ces récits, tente de les imiter. Elle se retrouve
dans les vertus de la chevalerie. Elle les utilise pour se différencier de la
bourgeoisie qui commence à s’enrichir et à prendre de l’importance à partir du
XIIIe siècle. L’Église ajoute des valeurs chrétiennes (sagesse, modestie) pour
canaliser les guerriers et les exhorter à combattre pour le Christ.
Sources
Texte :
- « L’âge féodal », Les Cahiers de science et vie, n°144,
avril 2014, 98p.
- BARTHELEMY Dominique, « La Féodalité de Charlemagne
à la guerre de cent ans », La
documentation photographique, n°8095, septembre-octobre 2013.
Image : http://www.linquisitionpourlesnuls.com/
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