L’élection d’Abraham Lincoln
Le 6 novembre 1860, l’élection d’Abraham Lincoln, tenant une
position abolitionniste, à la présidence américaine, est la goutte d’eau qui
fait déborder le vase pour le Sud.
Au début des années 1830, Lincoln
est un avocat de Springfield dans l’Illinois. Il rejoint les conservateurs. En
1834, il est élu député à la chambre des représentants, puis en 1846 sénateur
de l’Etat. Lincoln est favorable à l’abolition de l’esclavage. « L’achat
et la vente d’êtres humains est une honte pour le pays » déclare-t-il.
Lorsqu’il était batelier sur le Mississippi, l’attitude des populations du Sud
envers les Noirs l’a révoltée. Il se prononce contre l’extension de l’esclavage
aux nouveaux territoires de l’Ouest. En 1850, il dépose une proposition de loi
visant à abolir l’esclavage dans le District de Columbia et préconise
l’émancipation des enfants et un dédommagement des propriétaires. John Calhoun,
sénateur de Caroline du Nord, l’accuse de compromettre la stabilité politique
et commerciale du pays avec ce projet. Calhoun possède d’importantes
plantations de coton cultivées par des esclaves. Devant les attaques de Calhoun
et de ses partisans et ne trouvant pas d’appui au sein de son parti, Lincoln
renonce à son projet. Il n’est pas réélu et reprend ses fonctions d’avocat à
Springfield.
L’abrogation du compromis du
Missouri lui permet de revenir en politique. En 1857, il déclare :
« l’esclavage est une violation totale du droit sacré de l’Homme à se
gouverner lui-même garanti par la Constitution et ancre de salut du républicanisme
américain. » Les Pères fondateurs, hostiles au principe de l’esclavage, ne
l’avaient toléré que par nécessité. Lincoln se borne à vouloir limiter
l’extension de l’esclavage à de nouveaux Etats et dédommager financièrement
les propriétaires terriens du Sud.
Lincoln prend conscience que les
partis actuels (démocrates et conservateurs) ne permettent plus de dégager des
mouvements forts. En mars 1856, il réunit à Bloomington une convention qui
prend le nom officiel de Parti républicain. Aux élections présidentielles de
1857, le démocrate James Buchanan accède à l’investiture suprême. Le Parti
républicain arrive en seconde position. En 1858, l’Illinois procède à
l’élection de nouveaux sénateurs. Lincoln est opposé à Stephen Douglas, homme
politique de renom. La campagne se déroule sous fond de tension abolitionniste.
Lincoln échoue de justesse. Néanmoins, ses discours lui valent une popularité
de plus en plus croissante dans le Nord, mais la haine du Sud.
En mai 1860 à Chicago, le Parti
républicain doit choisir son candidat à l’élection présidentielle. Deux
candidats se dégagent sur les treize : Lincoln possédant l’image de
l’homme intègre et une excellente éloquence et William Seward possédant
davantage d’expérience et des soutiens dans les hautes sphères. Lincoln est
finalement choisi comme candidat.
Du 23 avril au 3 mai, le Parti
démocrate se réunit à Charleston en Caroline du Sud, afin de désigner leur
candidat, parmi six prétendants. A l’issue des débats, aucun des prétendants ne
réussit à obtenir les deux tiers des suffrages nécessaires. Une nouvelle
réunion a lieu à Baltimore dans le Maryland le 18 juin. Suite à l’échec d’une
motion pro-esclavagiste, les délégués du Sud quittent la réunion. Les
démocrates du Nord choisissent Douglas, un sudiste, en espérant récupérer le
maximum de votes dans le Sud. Les démocrates du Sud se réunissent le 28 et
choisissent John Breckinridge comme candidat dissident. La division du pays se
concrétise via le Parti démocrate qui présente deux candidats.
Le parti conservateur désigne
John Bell, un riche propriétaire du Tennessee, dont il fut sénateur, possédant
des esclaves et ancien secrétaire d’Etat à la guerre. Bell n’aborde aucune
question se rapportant à l’esclavage et ne reconnait aucune autre loi que la Constitution. Deux
autres petits partis participent à l’élection : le Parti du Peuple et le
Parti de la Liberté.
Lors des élections chaque
électeur vote au sein de son État pour ses représentants au sein du collège des
grands électeurs, dont le nombre de membres est identique à celui des
représentants de l'État siégeant au Congrès. Deux chambres parlementaires
composent le Congrès : la
Chambre des représentants et le Sénat. Le recensement de la
population de l’Etat détermine le nombre de représentants de celui-ci siégeant
à la Chambre. Les
Sénateurs sont au nombre de deux par État. Par conséquent, certains États
possèdent plus de grands électeurs que d’autres et sont plus intéressants à
remporter. Les citoyens votent pour une liste de grands électeurs du parti
soutenant le candidat à la présidence. La liste qui obtient la majorité des
votes populaires emporte tous les grands électeurs de l'État. Après ce vote,
les grands électeurs se réunissent pour élire le président. Ils accordent leur
voix aux candidats en général sur la base du vote populaire.
Les élections se déroulent dans
un climat tendu. Deux années à peine se sont écoulées depuis la fin des
troubles au Kansas. L’année précédente, John Brown s’attaquait à l’arsenal de
Harper’s Ferry. Le Sud considère Lincoln comme un tyran. Le Sud menace de faire
sécession en cas de victoire de Lincoln. Les républicains abordent davantage
les questions régionales, telles que les tarifs douaniers ou le développement
du chemin de fer.
Douglas est le seul candidat à
faire une campagne nationale. Il parcourt tous les Etats du pays, à l’exception
de la côte ouest en raison de son éloignement géographique et de l’absence de
moyens de communications rapides. Il prétend être le candidat de l’Union en
mettant l’accent sur le risque de sécession en cas de victoire des
républicains, qui n’hésiteraient pas à abolir l’esclavage et à détruire le mode
de vie du Sud. Cette manœuvre a déjà porté ses fruits lors de l’élection
présidentielle de 1856. Durant les troubles au Kansas, la menace de la sécession
avait une nouvelle fois ressurgi, tout comme en 1851 concernant le non respect du
Fugitive Slave Act dans le Nord. Dans ce principe, Douglas attaque la loi
soutenue par les républicains octroyant le droit de vote des Noirs dans l’Etat
de New York. Ces derniers rebondissent sur les affaires de corruption de l’administration
Buchanan issue du Parti démocrate. Le pays a besoin d’hommes nouveaux. Cette
fois, beaucoup de nordistes pensent que le Sud ne fera jamais sécession et qu’il
s’agit d’une énième tentative d’intimidation.
Le Parti conservateur est moqué
dans le Nord. Il est traité de parti de « vieux messieurs ». Il est
vrai que l’âge moyen des membres tourne autour de 60 ans. Le Sud trouve que
Bell se moque d’eux en éludant la question de l’esclavage. Bell se résout à
défendre le projet d’instituer un code de l’esclavage assez similaire à celui
des démocrates. Au final, les électeurs favorables à ce projet donnent leur
voix aux démocrates et les opposants se rallient aux républicains.
Le 6 novembre 1860, Abraham
Lincoln est élu président. Ce soir là, il dit aux journalistes présents :
« Eh ben les gars, vos ennuis sont maintenant terminés, les miens ne font
que commencer. »
Candidat
|
Vote populaire(%)
|
Nord (%)
|
Sud (%)
|
Grands électeurs (%)
|
Lincoln
|
40
|
54
|
4
|
59
|
Douglass
|
30
|
38
|
12
|
4
|
Breckinridge
|
18
|
5
|
45
|
24
|
Bell
|
13
|
3
|
35
|
13
|
Autres
|
0,01
|
0
|
Les résultats montrent la
division du pays. Lincoln s’est imposé dans 18 Etats, tous non-esclavagistes.
Onze Etats du Sud ont donné leurs voix à Breckinridge et trois à Bell. Lincoln
a profité de la scission du Parti démocrate.
Le Sud enrage et menace de faire
sécession. Pour calmer le Sud, Lincoln déclare qu’il n’abolira pas les
esclavages dans les Etats du Sud. En revanche, il l’interdira dans les nouveaux
Etats rejoignant l’Union. Dès le mois de l’élection, la Caroline du Sud conteste
l’autorité de Washington. Il est demandé à Lincoln de faire des concessions. Il
refuse et rétorque « des concessions nous feraient perdre tout ce que nous
avons gagné aux élections. »
Le pays ne tardera pas à
sombrer dans la guerre civile.
Sources
Texte :
- La Guerre de Sécession : à l’heure où deux
Amériques s’affrontent, Historia, n°94, mars-avril 2005, 87p.
- Mc PHERSON James, La Guerre de Sécession, Laffont, Paris, 1991,
973p.
- Logan Dooms, La
campagne présidentielle de 1860 et l’élection de Lincoln, publié le 22
octobre 2012, sur http://laguerredesecession.wordpress.com/
Image :
http://www.worldofstock.com/slides/PHI4704.jpg
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