Khéphren, la statuaire du Pharaon au faucon

L’Egypte pharaonique a laissé bien des chefs d’œuvres avec son histoire qui s’étale sur plus de 3000 ans. De ces êtres mi-dieu, mi-humain, que sont les pharaons, nous connaissons les œuvres grandioses telles que les pyramides et les temples. Cependant, à quoi ressemblaient ces souverains immortels il y a plus de 5000 ans, comment se faisaient-ils représenter pour l’éternité et quelles fonctions remplissaient leurs statues ? L’art égyptien ne poursuivait pas seulement des fins esthétiques, mais remplissait avant tout des fonctions politiques et liturgiques. La statue du pharaon, placée à un endroit précis, remplaçait le corps même du souverain : elle indiquait donc la place du roi au sein de la société. Les sources écrites sont trop peu nombreuses pour que l’on puisse véritablement se faire une idée précise de la royauté en Égypte ancienne, et ainsi trancher sur la perception qu’avaient les anciens habitants de leur souverain.

Les égyptologues sont aujourd’hui partagés sur quels aspects du pharaon il faudrait insister : sur son caractère divin et sacré ou bien sur l’homme d’Etat ? Le pharaon était un intermédiaire entre les dieux et les hommes. Il avait donc un double statut : celui de roi homme sur terre, descendant d’Horus, devenant Osiris à sa mort. La question légitime serait de se demander en quoi la statuaire peut-elle nous renseigner sur la nature même de la fonction du pharaon dès le IIIe millénaire ?

La statuaire de l’Ancien Empire.
L’Ancien Empire s’étale sur une vaste période de 5OO ans entre approximativement 2670 et 2165 avant notre ère environ. Il est contemporain des Dynasties Archaïques et de l’Empire d’Akkad en Mésopotamie. Des quatre dynasties qui ont régné, on retiendra les noms de grands pharaons bâtisseurs de pyramides, avec tout en premier lieu Djoser et sa fameuse pyramide à degré construite à Saqqarah par le génial Imhotep. Puis ce fut le tour des pyramides sur le plateau de Gizeh par Snéfrou, Khéops, Khéphren et enfin Mykérinos. Outre ces chefs d’œuvres d’architectures antiques, ces rois ont laissé derrière eux un grand nombre de statues à leurs effigies. On pourrait s’accorder à dire que la statuaire royale remplissait la même fonction culturelle que la statuaire réservée aux divinités. Mais sous l’Ancien Empire, le nombre de statues royales est largement supérieur au nombre de statues représentant des dieux. Le fait que les archéologues les aient découvertes principalement dans des temples funéraires nous fait réfléchir à leur fonction : elles servaient au culte du souverain après sa mort, aussi, représentaient-elles le roi idéalisé en Osiris ou reflétaient-elles fidèlement l’effigie du roi pendant sa vie terrestre ?

Caractéristiques de la statuaire royale de l’Ancien Empire.
Certaines caractéristiques sont propres à la statuaire royale, qu’elles soient du domaine de la fabrication ou de l’esthétisme. La statuaire n’est pas l’apanage d’une période ou d’une dynastie. Des reproductions de statues sur des empreintes de sceaux et des vases en pierre datant de la Ier dynastie (entre le XXXIIe et XXXe siècle) prouvent l’existence de la production de statues royales aux origines même de la civilisation égyptienne. Divers matériaux ont servi à leur fabrication comme le cuivre et l’or (surtout pour les statues représentant des divinités), l’ivoire, le bois, l‘albâtre, mais c’est la pierre qui fut la plus utilisée comme le calcaire ou le granite. Des blocs étaient dégagés d’une carrière, dégrossis sur place avant d’être transportés à l’atelier. Là les blocs étaient d’abord taillés pour dégager les limites des futures statues. Les contours étaient ensuite précisés à l’aide de craies pour être taillés affinés. Enfin les statues étaient polies et gravées.
     -Esthétisme.
Quel que soit le matériau, un certain nombre d’attributs distinguaient l’image du roi du simple sujet. D’abord la coiffure, codifiée selon la couronne qui pouvait être de Haute et/ou de Basse Egypte, ou bien simplement parée d’une coiffe royale, le némès. Parfois, on retrouvait le cobra (uroeus) sur la coiffe et une barbe postiche.  L’habit du pharaon était fort simple. La plupart du temps on le représentait vêtu d’une robe longue ou bien portant un pagne chendjit. Enfin, on retrouvait dans ses mains ou tout près de lui les instruments de son pouvoir comme le fléau, la crosse ou encore la massue.
     -L’attitude royale.
On distingue plusieurs attitudes propres au caractère royal du souverain représenté. Debout les pieds joints ou bien la jambe gauche en avant, les bras souvent le long du corps et les poings fermés. Sa posture pouvait être aussi assise sur un trône, agenouillée présentant des offrandes dans des vases ou des pots, et enfin accroupie la main sur la bouche. Le souverain pouvait être représenté seul ou accompagné de ses reines ou de certaines divinités. La posture la plus symbolique et non dénuée d’une quelconque connotation religieuse était de représenter le pharaon en sphinx, dont le plus célèbre exemple est le sphinx de Gizeh portant les traits du pharaon Khéphren.

 -Le visage royal.
Les traits du visage ont également leurs particularités. L’archéologue Reisner a distingué deux types d’ateliers de sculpteur en étudiant les traits des visages des souverains égyptiens. Bien que sa thèse soit discutée, il n’est pas inutile de citer ces ateliers : Le premier, le « sculpteur A », est un style hérité des traditions où la sévérité des traits du visage est accentuée. Le second, le « sculpteur B » se caractérise par des traits plus jeunes, plus sensibles et plus réalistes.
L’étude de référence en ce qui concerne la statuaire royale de l’Ancien Empire étant celle du pharaon Khéphren, intéressons-nous de près au chef d’œuvre que représente cette sculpture représentant le maître de l'Égypte assis sur son trône et protégé par le dieu faucon, Horus.
                



Khéphren, un pharaon vieux de 4500 ans.
 Khéphren, quatrième pharaon de la IVe dynastie (-2625 à -2510), a régné sur l'Égypte vers -2558 à -2533. Nous ne connaissons de ce roi que ses grandes constructions et sa nombreuse statuaire. Il fut le bâtisseur de la seconde pyramide de Gizeh, de sa pyramide satellite et, toujours à Gizeh, de deux temples funéraires, l’un sur le plateau, l’autre dans la vallée. Toujours sur le plateau, Khéphren aurait fait construire le célèbre sphinx, lequel porterait les traits du visage du souverain, aujourd’hui détérioré par le temps et les guerres (son nez a été brisé par les Mamelouks au XVIe siècle de notre ère).

 Khéphren assis ou Khéphren au faucon : une merveille du monde antique.

Cette splendide statue représentant le pharaon assis a été découverte en 1860 par l’archéologue français Auguste Mariette à l’intérieur d’un puits du temple de Khéphren dans la vallée de Gizeh. Conservée au musée du Caire, elle est considérée à juste titre comme un chef d’œuvre de l’art égyptien par les égyptologues et les historiens d’art. Elle a été taillée dans un bloc de gneiss anorthositique provenant des carrières de Nubie au sud de l'Égypte. Sa hauteur atteint 1m68 ce qui pourrait signifier une représentation à l’échelle du souverain. Le gneiss anorthositique est une roche très difficile à tailler, mais qui a la particularité optique très rare de rayonner d’une couleur bleutée à la lumière du soleil.
Cette particularité devait offrir une aura divine et magique à la statue. Malheureusement cette dernière est aujourd’hui éclairée par les lumières artificielles du musée et ne reflète pas sa belle couleur bleutée.

Le roi est assis sur un trône bas dont les côtés sont décorés du sema-taouy qui est l’association du hiéroglyphe sema, signifiant « union », et le hiéroglyphe des deux terres d'Égypte, symbolisée chacune par une plante : le papyrus pour le nord et une fleur de lotus pour le sud. Le motif du trône royal rappelle que le roi est le garant de l’unité entre la Haute et la Basse Égypte.
Simplement vêtu d’un pagne chendjit finement plissé, le roi est coiffé du némès surmonté d’un cobra uroeus collé à la coiffe. Une barbe, attribut de sa fonction de pharaon, est attachée à son menton. Son bras gauche est posé sur sa cuisse et sa main à plat sur son genou. Son bras droit est lui aussi posé sur sa cuisse mais son poing droit est fermé et devait probablement tenir le mekes, rouleau de papyrus contenant le « testament des dieux », texte qui confiait le pays au roi.
Le pharaon, être qui évoque l’éternité, le pouvoir et la justice, est figé, serein et le visage bienveillant. Il mène également ses hommes à la victoire, son corps est donc athlétique. Son visage est celui d’un homme jeune dégageant une grande maturité. Bien que âgés, les pharaons, à l’image de Ramsès II, se faisaient représenter toute leur vie, jeune.

 Bien que légitimé par le trône, les inscriptions et les attributs royaux, le pharaon est accompagné par le dieu dynastique à tête de faucon, Horus, qui protège le souverain en enserrant sa nuque de ses ailes. La présence d’Horus est tout aussi symbolique que sa sculpture est harmonieuse dans la composition de cette œuvre. Le faucon ne dépasse pas la coiffure royale et ne déséquilibre pas la vision car il est impossible de le voir autrement que de profil.  

La statuaire royale de l’Ancien Empire en Égypte est une des plus riches que nous ait laissé cette brillante civilisation. La statue du pharaon remplissait des fonctions politiques et religieuses où le corps du souverain exprimait à la fois bienveillance, puissance et sagesse. Autant de qualités que l’on pourrait sans problème rapprocher de celles des dieux tous puissants. La statuaire royale voulait montrer que le pharaon était à la fois homme et dieu et qu’on lui devait respect et obéissance. La magnifique statue du pharaon Khéphren illustre à la perfection ces fonctions. On retiendra toutefois, autant que l’aspect psychologique, l’aspect esthétique de cette représentation qui impose un grand respect.  A n’en point douter, au vue des différentes statues et autres représentations que nous a laissées ce souverain, nous possédons avec cette statue une représentation, certes idéalisée, mais ressemblante de ce pharaon qui a régné il y a plus de 4500 ans.

Commentaires

  1. je dois faire un exposer sur Khephren et je trouvais ceci très intéressant et très instructif sauf peut-être que vous n'expliquez rien au sujet de sa famille

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  2. je ne trouve pas sa réalisation militaire et politique et social ou religieux pour mon exposé orale :(

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  3. Pourquoi la statue de Khephren est elle exposée au musée du Caire

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    1. Il est heureux que les chefs-d'oeuvre du monde antique n'aient pas tous été "expatriés" à Paris, Londres, Munich ou New-York...

      Et il est donc normal que certaines des plus belles pièces soient restées en Egypte (ou Rome ou Athènes...).

      Si la question est de savoir pourquoi elle a été sortie de sa pyramide, je suppose qu'il est plus facile, pour le plus grand nombre, d'en profiter dans un musée, plutôt que de faire défiler ce même monde à l'intérieur de la pyramide de Khéphren

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