La dernière bataille de Richard Cœur de Lion : le roi foudroyé par le destin

Richard Cœur de Lion. Roi français ou anglais ? Probablement le roi d’Angleterre le plus français. Il vécut plus longtemps sur ses terres françaises que dans sa lointaine Angleterre, pluvieuse et moins raffinée. Mais Richard avait toujours eu la bougeotte. Entre croisades et guerres pour maintenir ses possessions, il passa sa vie sur les champs de bataille. Aussi, nous voilà partis au crépuscule de son existence. Le vent s’engouffrait dans les collines du Limousin, charriant l’odeur des feux de camp et des chevaux fatigués. Sous le ciel gris de ce 26 mars 1199, l’armée anglaise encerclait le château de Châlus-Chabrol, une forteresse sans envergure, une épine insignifiante dans le flanc du plus redoutable des rois. Richard Cœur de Lion, vétéran des croisades, conquérant de citadelles imprenables, était là pour mater un simple vassal récalcitrant. Il ignorait qu’il venait d’entrer dans sa dernière bataille.


Depuis cinq ans, Richard tentait de réparer les dégâts causés par sa longue absence. En 1192, de retour de croisade, il avait été capturé par Léopold V d’Autriche et livré à l’empereur Henri VI du Saint-Empire. Son frère Jean sans Terre et son rival Philippe Auguste en avaient profité pour grignoter son empire. Après 15 mois d’emprisonnement, il était enfin libre… mais son royaume était en péril. Sa mère, Aliénor d’Aquitaine, alors âgée de 70 ans, avait parcouru l’Europe pour collecter l’énorme rançon exigée pour sa libération. Grâce à elle, Richard avait pu rentrer en Angleterre, mais il n’y resta que quelques semaines avant de repartir défendre ses possessions continentales. Dès 1194, il avait repris la guerre contre Philippe Auguste, repoussant les Français et consolidant son autorité en Normandie, en Anjou et en Aquitaine. En mars 1199, il menait une expédition punitive contre Adémar V de Limoges. Officiellement, c’était pour mater un vassal rebelle. Officieusement, une rumeur parlait d’un trésor découvert sur ses terres et que le vicomte refusait de remettre à son suzerain. L’armée anglaise, dirigée par son fidèle capitaine Mercadier, mit le siège devant Châlus-Chabrol, une place forte à peine capable de résister. Le roi, sûr de sa victoire, déambulait sans armure sous les remparts, observant les derniers combats avec une assurance presque insolente. Ses chevaliers l’avertirent du danger. Il haussa les épaules. Qui oserait blesser Cœur de Lion ?

Un silence. Un sifflement bref. Un carreau d’arbalète, tiré d’une meurtrière au crépuscule, fendit l’air et se ficha dans l’épaule gauche du roi. Le choc le fit tressaillir, mais il ne tomba pas. Il porta la main à la plaie et, avec un rictus amusé, arracha lui-même le projectile. Ce n’était qu’une égratignure. Il avait survécu aux embuscades, aux prisons impériales, aux batailles rangées. Il survivrait bien à cela. Mais ce qu’il ne savait pas, c’est que ce carreau était souillé. Le fer portait en lui le venin de la gangrène.


Le lendemain, la fièvre l’envahit. Sa plaie, au lieu de cicatriser, devint noire et nauséabonde. L’odeur de putréfaction se répandit dans la tente royale. Ses chevaliers, impuissants, échangeaient des regards inquiets. Richard Cœur de Lion, le plus grand guerrier de son temps, était en train de mourir non sous l’acier d’un roi ennemi, mais à cause d’un simple arbalétrier. Les heures passaient, la douleur devenait insupportable. Allongé sur un lit de fortune, il savait que la mort rôdait. Sa mère, Aliénor d’Aquitaine, arriva à son chevet, parcourant des centaines de kilomètres pour voir une dernière fois son fils bien-aimé. Il fit appeler son tireur, un certain Pierre Basile. Richard, dans un dernier sursaut de grandeur, lui accorda son pardon. Peut-être souriait-il en prononçant ces mots, amusé par la cruauté du sort. Lui, le roi invincible, tombé sous un coup aveugle. Mais ce pardon ne sauva pas l’arbalétrier : à peine Richard mort, son capitaine Mercadier ordonna l’exécution du prisonnier, qui fut probablement écartelé.


Dans la nuit du 6 avril 1199, Richard Cœur de Lion expira, vaincu par la maladie et non par l’épée.

Le corps du roi fut emmené dans un silence pesant. Ses hommes, pourtant aguerris, savaient qu’une ère venait de s’achever. À Fontevraud, on l’inhuma aux côtés de son père Henri II et plus tard de sa mère Aliénor d’Aquitaine. Son cœur fut envoyé à Rouen, en Normandie, dernier témoignage de son amour pour cette terre qu’il chérissait. Ses entrailles restèrent à Châlus, probablement en raison de la décomposition rapide de son corps. Son cœur, précieusement conservé à Rouen, a été analysé en 2012 par une équipe de chercheurs. Ils y ont trouvé des traces de mercure et d’encens, des substances utilisées pour l’embaumement des rois, preuve du soin accordé à sa dépouille. Le destin avait été cruel : lui qui avait défié les plus grands rois était tombé devant une forteresse sans importance. Mais son nom ne s’éteignit pas. Il continua de vivre dans les légendes anglaises, dans les récits de chevaliers et même dans les histoires de Robin des Bois. Le vent soufflait à travers les ruines de Châlus, effaçant peu à peu les traces de son sang sur la pierre. Le lion avait rugi une dernière fois. Mais l’écho de son nom, lui, ne s’est jamais tu.


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