Nabuchodonosor Ier et la conquête du royaume d'Élam
Le Moyen-Orient du XIIe siècle av. J.-C. est marqué par une profonde réorganisation géopolitique, conséquence des bouleversements survenus autour de 1177 av. J.-C. Comme toujours pour cette période, j’aime rappeler le livre qui m’a beaucoup inspiré. En effet, Ces troubles, décrits dans l’ouvrage 1177 av. J.-C. : Le jour où la civilisation s’effondra d’Eric H. Cline, virent l’effondrement des grands royaumes et cités-États du monde méditerranéen et proche-oriental. Mycènes, Hattusa, Ougarit, et bien d’autres centres de pouvoir s’écroulent sous la pression des invasions, des guerres, des catastrophes naturelles et des troubles économiques. En Mésopotamie, ces bouleversements provoquent un vide de pouvoir que des rois ambitieux cherchent à combler. Parmi eux, Nabuchodonosor Ier, roi de Babylone, règne en 1125 av. J.-C. Héritier d'une d’une cité riche et puissante, il rêve de restaurer la gloire perdue de Babylone face à son ennemi redouté : l'Élam, l’ancienne Perse. Situé à l'est de la Mésopotamie, le royaume d'Élam représente une menace constante pour les Babyloniens. Riches en ressources et en soldats, les Élamites se révèlent aussi stratégiques qu'impitoyables. Depuis des décennies, ils ravagent les territoires babyloniens, s’attaquent même aux temples et pillent les trésors sacrés, provoquant l’ire des rois mésopotamiens.
L’histoire commence par un échec cuisant. En 1126 av. J.-C., Nabuchodonosor Ier lance une première expédition contre l'Élam, galvanisé par l'idée de rétablir la grandeur de Babylone. Fort de milliers de soldats aguerris et d’une logistique méticuleusement préparée, il s'engage dans une campagne ambitieuse, espérant en finir rapidement avec cette menace séculaire. Cependant, la marche vers l'Élam s’avère longue et difficile. Les plaines sèches de la Mésopotamie cèdent la place à des régions marécageuses, où l’air lourd colle à la peau des soldats. Le bourdonnement incessant des insectes et la chaleur suffocante rendent chaque pas plus pénible que le précédent. Les troupes babyloniennes traversent des régions inhospitalières où les conditions climatiques mettent à l'épreuve leur endurance. Mais c’est une menace invisible qui se révèle être le coup fatal pour cette première campagne : la peste.
Cependant, Namtar, le dieu des maladies, envoyés par la déesse des enfers Ereshkigal allait maudire les Babyloniens.
Les premiers signes de la maladie apparaissent alors que les troupes de Nabuchodonosor progressent dans les terres étouffantes à la frontière de l’Élam. Ce fléau se propage à une vitesse fulgurante, frappant sans distinction les soldats et les officiers. En quelques jours, la maladie décime les rangs, plongeant les Babyloniens dans un chaos où règnent la terreur et le désespoir. Nabuchodonosor, impuissant, voit ses plans s'effondrer. Comment mener une guerre avec des soldats mourants, rongés par la fièvre et la douleur ? Le roi passe ses nuits à scruter les cieux, cherchant désespérément un signe des dieux pour comprendre cette malédiction. Avait-il négligé un rite ? Oublié un sacrifice ? L’échec est total. Nabuchodonosor Ier, accablé par cette épidémie, n’a d’autre choix que de battre en retraite pour préserver le peu de troupes encore en état de combattre. La défaite est amère, et il sait que le peuple babylonien ne manquera pas de voir cet échec comme un signe de malédiction divine. L’honneur de Babylone est ébranlé, et les Élamites, enhardis par ce revers inattendu, deviennent plus que jamais une menace imminente.
Revenu à Babylone, Nabuchodonosor ne peut se résoudre à accepter cette défaite. Ce roi est un homme de foi, et il sait que la lutte contre l’Élam n’est pas seulement militaire ; elle est aussi spirituelle. L'un des plus grands trésors de Babylone, la statue sacrée du dieu Marduk, a été capturée des années auparavant par les Élamites. Pour Nabuchodonosor, il s’agit autant de récupérer cette relique que de vaincre un ennemi. La défaite face à la peste n’est qu’un obstacle temporaire : il est convaincu que les dieux lui accorderont leur faveur s’il persévère.
Les mois suivants sont marqués par des cérémonies religieuses. Le roi supervise lui-même les rituels, s’agenouillant dans le grand temple de Babylone, face à la représentation vide de Marduk, une absence douloureuse qui alimente sa rage et sa détermination. Les prêtres récitent des hymnes anciens, appelant les dieux à accorder leur aide. En parallèle, Nabuchodonosor renforce son armée, recrute de nouveaux soldats et améliore sa logistique. Il observe les mouvements de ses ennemis, et une idée audacieuse commence à se former dans son esprit. Il a appris des erreurs de la première campagne. Cette fois-ci, il n’attaquera pas l’Élam au printemps, lorsque les Élamites s’y attendent le plus, mais en plein été, une période où nul ne songe à mener une guerre dans cette région écrasée de chaleur.
L’été arrive, et le soleil brûle les terres de l’Élam sans merci. Les Élamites sont persuadés que les Babyloniens n’oseraient jamais attaquer à une telle période. Les plaines se transforment en fournaises, et même les rivières semblent s’assécher sous l’implacable soleil. Les Babyloniens avancent de nuit pour éviter les températures étouffantes du jour. Arrivant aux abords de Suse, la capitale de l’Élam, ils prennent les Élamites complètement par surprise. La vision des soldats de Nabuchodonosor apparaissant comme des spectres dans la lueur de l’aube déstabilise complètement l’ennemi. La bataille qui s’ensuit est brutale. Les Élamites, désorganisés, ne parviennent pas à contenir l’assaut babylonien.
Enfin Babylone redevient la principale puissance de la région.
La victoire ne se résume pas à la prise de Suse. Il y a un épisode que j’aime imaginer. Nabuchodonosor pénètre dans le sanctuaire principal et récupère la statue de Marduk. La statue, ternie par le temps, mais intacte, est le symbole de son triomphe spirituel autant que militaire.
Mais au cours de son exploration des trésors de Suse, un autre artefact attire son attention. Dans une salle reculée, entourée de gravats et de vestiges anciens, une imposante stèle de basalte noir se dresse fièrement. Sur ce monolithe, haut de plusieurs mètres, des rangées d’inscriptions en cunéiforme s’étalent dans une rigueur divine. En haut, une scène gravée représente Hammurabi, celui qui a fait de Babylone la cité la plus puissante du monde antique, recevant les lois du dieu Shamash. Le roi s’approche lentement, son regard fixant les textes gravés, témoignages d’une époque glorieuse. S’agenouillant devant la stèle, Nabuchodonosor pose sa main sur la pierre froide. Il murmure une prière, demandant aux dieux et à Hammurabi de bénir son règne. Ce moment, empreint de recueillement, est pour lui un rappel que sa mission va au-delà des conquêtes : il porte sur ses épaules l’héritage de Babylone. Le roi décide de la laisser sur place marquant la présence de Babylone sur Suse.
Aujourd’hui, cette stèle, connue sous le nom de Code d’Hammurabi, repose au Musée du Louvre, à Paris. Découverte en 1901 dans cette même Suse où elle avait été laissée, elle attire des millions de visiteurs fascinés par ce chef-d’œuvre de l’Antiquité. À travers cette stèle, Nabuchodonosor et Hammurabi restent liés, chacun incarnant une ère de puissance babylonienne : l’un par ses lois, l’autre par ses conquêtes. Leur héritage se perpétue, rappelant la grandeur de Babylone et de ses rois visionnaires.
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