Le basculement du Japon dans un Etat autoritaire et vers la guerre (1928-1938)

 


A la fin des années 1920, le Japon est un pays en pleine modernisation. Les 55 millions d’habitants se sentent à l’étroit dans l’archipel. Néanmoins, son économie est fragile, car le pays dépend des ressources extérieures. La crise économique de 1929 n’épargne pas l’archipel. Les tensions favorisent la montée des extrémistes. C’est le développement de mouvements nationalistes radicaux avec à leurs têtes des chefs charismatiques comme Ikki Kita. Ils prônent la restauration du Japon ancestral, la libération de la Chine et de l’Inde du joug occidental, le rejet des institutions démocratiques constituant des barrières entre l’empereur et son peuple. Il faut dire que la classe dirigeante est empêtrée dans des affaires de corruption à répétition. Les responsables politiques sont accusés de faire preuve de mollesse face aux Occidentaux.

 

L’armée, elle-même, est divisée en deux courants : les conservateurs respectueux des traditions et les ultranationalistes prônant un État totalitaire et une politique expansionniste. En 1928, des officiers proposent d’envahir la Mandchourie qui pourrait servir de grenier à blé. L’empereur retoque le projet.

Le 18 septembre 1931 en Mandchourie, une section de voie de chemin de fer exploitée par une compagnie japonaise est détruite par une explosion. Les officiers japonais accusent les Chinois et utilisent ce prétexte pour envahir la région. L’armée se lance dans une conquête autonome du pouvoir politique. Elle crée un État fantoche baptisé Mandchoukouo, placé sous l’autorité théorique de l’empereur de Chine. L’empereur du Japon est mis devant le fait accompli. La communauté internationale s’en émeut. Les sanctions pleuvent sur Tokyo.

En février et mars 1932, les militaires nationalistes assassinent Junnosuke Inoue, chef du parti démocratique constitutionnel et Dan Takuma, directeur de la banque Mitsui. En août, ils assassinent le directeur du bureau des Affaires militaires. Le 15 février 1936, 1500 conjurés s’emparent des principaux lieux de pouvoir (parlement, ministère de la Guerre, quartier général de la police). Le grand chambellan, le ministre des finances et le général Watanabe sont exécutés. A l’inverse, le premier ministre, ainsi que le proche conseiller de l’empereur réussissent à s’échapper. Les nationalistes réclament la dissolution du gouvernement et la nomination à la tête du cabinet des ministres d’un officier issu de leur rang. L’empereur intervient pour apaiser la situation. Le 28 février, il ordonne aux mutins de regagner leurs casernes. Pour calmer les esprits, il augmente le budget de l’armée. Les nationalistes, respectant la personne de l’empereur, lui obéissent. Tous ces incidents démontrent que le gouvernement n’exerce plus la moindre autorité. L’armée est devenue une entité politique à part entière. Elle invoque la volonté impériale pour justifier ses agissements.

En 1937, le Japon lance une guerre de conquête en Chine, ce qui provoque un embargo des Etats-Unis sur l’aluminium et le pétrole, des ressources dont le Japon est dépendant. Tokyo n’a que deux solutions. La première consiste à retirer ses troupes de Chine, ce qui aux yeux des nationalistes constituerait un déshonneur. La seconde consiste à se rendre maitre des ressources et donc à procéder à de nouvelles conquêtes, notamment en Indonésie. Pour ce faire, il faut amoindrir la seule force capable de l’en empêcher, à savoir les États-Unis. Le Japon se lance donc dans le conflit mondial imaginant qu’il s’agit de la seule solution lui permettant de survivre.

 La suite : L'alliance Berlin-Tokyo =>

Sources

Texte : « Et les militaires s’emparèrent du pouvoir », Géohistoire, n°33, janvier 2022, pp55-61.

Image : https://www.herodote.net/De_la_guerre_sino_japonaise_a_la_guerre_du_Pacifique-synthese-2026.php

 

Commentaires