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Arib et Shariyah : Un Duel Poétique au Cœur du Califat Abbaside à Bagdad

Dans les ruelles sinueuses et les palais opulents de Bagdad, deux étoiles de la poésie arabe, Arib al-Ma'muniyya et Shariyah, brillent de mille feux. Nous sommes au début du IXe siècle et, les rues de la ville, telles des veines palpitantes, vibrent au rythme des marchés animés et des conversations animées. Les palais, avec leurs dômes dorés scintillant sous le soleil ardent et leurs murs ornés de mosaïques aux couleurs éclatantes, témoignent de la grandeur et de la richesse de la capitale abbasside.


Arib, née esclave, gravit les échelons de la société avec la grâce d'une gazelle. Sa renommée se construit sur un talent incontestable pour la poésie, le chant et une maîtrise inégalée du oud, cet instrument à cordes qui pleure et rit sous ses doigts agiles. Lorsqu'elle joue, les notes s'envolent comme des oiseaux libérés, captivant l'auditoire par leur mélodie envoûtante. Shariyah, quant à elle, émane de Bassora, une ville où les eaux du Tigre et de l'Euphrate se mêlent en un doux murmure. Bassora, avec ses marchés parfumés d'épices et ses cafés où les sages discutent de philosophie, est un berceau de culture et d'érudition. Les rues résonnent des murmures des poètes et des mélodies des musiciens, créant une symphonie de sons et de sens. Shariyah, avec sa voix claire comme l'eau de source et ses vers aussi tranchants que l'épée d'un guerrier, est une incarnation vivante de l'esprit poétique de sa ville natale.


Bagdad, sous le règne éclairé du Calife Al-Ma'mun, brille comme un joyau au cœur du monde islamique, un creuset bouillonnant de culture et de savoir. La ville, telle une mosaïque vivante, est un carrefour où se mêlent poètes, savants, et artistes de tous horizons, créant un tissu social riche et diversifié. Les jardins du palais, véritables oasis urbaines, sont un dédale de verdure et de couleurs. Des allées bordées de palmiers et de cyprès mènent à des bassins miroitants, où l'eau chante doucement. Les parterres de fleurs, tels des tapis brodés par les mains d'une divinité, déploient un arc-en-ciel de teintes, de la pourpre profonde des roses de Damas au jaune éclatant des tulipes. L'air est saturé des parfums de jasmin et de musc, créant une atmosphère presque irréelle, un paradis terrestre. À l'intérieur du palais, les salles de réception sont des chefs-d'œuvre d'architecture et de décoration. Les plafonds voûtés, peints de scènes célestes et ornés de motifs géométriques complexes, semblent raconter des histoires d'un autre monde. Les murs sont recouverts de tapisseries détaillées, où des scènes de chasse, de batailles et de festivités sont tissées avec une précision stupéfiante. Les lustres, suspendus comme des constellations de lumière, projettent des éclats scintillants sur les convives, baignant la pièce dans une lumière douce et dorée. C'est dans ce décor somptueux, entre les murs chargés d'histoire et les jardins qui chuchotent des secrets anciens, que le destin réunit Arib et Shariyah. Leur rencontre, prédestinée par les étoiles, devient une légende, un moment suspendu dans le temps où la poésie et la musique s'entrelacent pour créer une magie éternelle.

Un soir, alors que les étoiles scintillent comme des joyaux dans le ciel de Bagdad, une grande célébration bat son plein dans les salons majestueux du palais. Les invités, vêtus de soieries chatoyantes et de brocarts, se mêlent dans une danse de couleurs et de rires, tandis que les musiciens jouent des mélodies envoûtantes. Le Calife Al-Ma'mun, assis sur son trône orné de pierres précieuses, observe la scène avec un sourire bienveillant. Son regard s'arrête sur Arib al-Ma'muniyya, dont la présence illumine la salle. Elle est là, éblouissante, sa voix tissant des mélodies aussi captivantes que les récits des meilleurs conteurs. Le Calife, charmé par ses talents exceptionnels, décide de lancer un défi qui entrera dans les annales de la cour.


Se levant, il annonce d'une voix forte et claire : « Ce soir, nous serons témoins d'un duel de poésie d'une rare intensité. » Tous les regards se tournent vers lui, curieux. « Arib, votre art est sans pareil, mais j'aimerais voir si vous pouvez surpasser en poésie une invitée mystérieuse. » À ces mots, une silhouette s'avance depuis l'ombre, se révélant sous les lumières tamisées. C'est Shariyah, dont la réputation de poétesse et de musicienne a traversé les déserts et les villes, pour murmurer son nom jusqu'aux oreilles du Calife. Elle porte une robe d'un bleu profond, brodée d'étoiles d'argent, et son regard brille d'une assurance tranquille. Le défi est lancé : un duel de poésie où chaque vers sera un affrontement de sagesse, d'esprit et de beauté. Les convives retiennent leur souffle, anticipant un affrontement poétique d'une élégance rare. Arib et Shariyah se font face, leurs yeux reflétant à la fois le respect mutuel et la flamme de la compétition.

La salle tombe dans un silence respectueux alors qu'Arib al-Ma'muniyya se lève, son oud en main. Elle commence à jouer, les cordes de l'instrument chantant sous ses doigts habiles, émettant des mélodies qui semblent capturer l'essence même de la nuit. Sa voix, douce et envoûtante, s'élève, tissant des vers qui parlent d'amour, de perte et de la grandeur de Bagdad. Chaque mot est un pinceau peignant des images de rues animées, de palais majestueux et de cœurs passionnés. Les notes de son oud se mêlent à sa voix, créant une harmonie qui enveloppe l'auditoire dans un voile de rêverie.


Puis, lorsque le dernier écho de la voix d'Arib s'estompe, Shariyah prend sa place. Elle ne porte pas d'instrument, mais ses mots sont suffisants, tranchants et éloquents, armes et outils à la fois. Elle parle de Bassora, de ses rues baignées de soleil et de ses nuits étoilées, de rêves brisés et de la résilience de ceux qui osent encore rêver. Sa poésie est un fleuve puissant, ses vers des vagues qui emportent l'auditoire dans un voyage à travers les émotions humaines les plus profondes.

Le public, suspendu à leurs lèvres, se laisse transporter par le flux et le reflux de leur poésie. Chaque mot prononcé ajoute une couche supplémentaire à l'enchantement qui s'est emparé de la salle. Le Calife lui-même, un connaisseur de l'art et de la littérature, semble captivé, son regard oscillant entre admiration et émerveillement. Dans ses yeux se reflète la reconnaissance d'un moment unique dans l'histoire, un duel poétique qui transcendera le temps et l'espace. Le Calife Al-Ma'mun, se levant de son trône, déclare avec une voix empreinte d'admiration : « Ce soir, nous avons été témoins d'un affrontement poétique d'une rare beauté. Mais une étoile a brillé plus fort que toutes les autres. Arib al-Ma'muniyya, par la profondeur de votre art et la beauté de vos mots, vous êtes la victorieuse de ce duel. »


Arib, les yeux brillants d'émotion, incline la tête en signe de respect et de gratitude. À ses côtés, Shariyah, bien que félicitant sa rivale avec une élégance et une grâce dignes, ne peut dissimuler une lueur de rancœur dans son regard. Derrière ses mots de reconnaissance envers le talent exceptionnel d'Arib, se cache une étincelle de jalousie, un sentiment amer de défaite qui contraste avec la magnanimité de son geste. La soirée se termine dans une atmosphère de célébration, mais pour Shariyah, ce moment est teinté d'une douce amertume, un mélange complexe d'admiration et de rivalité inassouvie. Les invités, émerveillés par le spectacle auquel ils ont assisté, repartent avec le sentiment d'avoir vécu un moment unique, un fragment d'éternité capturé dans les vers de deux des plus grandes poétesses de leur temps. Arib al-Ma'muniyya, la victorieuse, restera dans les mémoires comme une légende, une voix qui a su capturer l'essence même de l'âme de Bagdad. Et Shariyah, bien que dans l'ombre de cette victoire, demeure une figure emblématique, une artiste dont la rivalité avec Arib ne fera que renforcer le mythe et la légende de leur art poétique.


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