Accéder au contenu principal

Chajar ad-Durr : L'Ascension Légendaire de la Sultane d'Égypte en Terre d'Islam

Dans les méandres du XIIIe siècle, une époque où les croisades dessinent les contours d'un monde en perpétuel conflit, l'Égypte, joyau du monde arabe, se tient comme un phare de culture et de puissance. C'est dans ce creuset de l'histoire, sous le règne des sultans ayyoubides, que s'épanouit l'extraordinaire destinée de Chajar ad-Durr. Le Caire, la capitale rayonnante de l'Égypte, est un carrefour de civilisations, un lieu où se mêlent les savoirs, les arts et les intrigues politiques. C'est dans cette ville, où les minarets s'élèvent vers le ciel et où les ruelles bruissent des échos du passé, que Chajar ad-Durr va laisser son empreinte indélébile.


Dans l'écrin mystérieux de cette histoire, Chajar ad-Durr brille tel un joyau aux multiples facettes. Ses origines, enveloppées dans les brumes de l'inconnu, ajoutent à son aura un charme mystique. Est-elle une fleur des montagnes arméniennes, un éclat de lune de Géorgie, ou une étoile scintillante du firmament turc ? Peu importe son passé, car c'est son présent qui captive tous les regards.

Telle une vision sortie d'un conte des Mille et Une Nuits, elle incarne la quintessence de la beauté et de l'élégance. Sa peau a la douceur du satin, ses yeux scintillent tels des saphirs, et sa chevelure, telle une cascade de nuit, encadre un visage d'une délicatesse exquise. Chaque geste qu'elle fait est empreint de grâce et de dignité, chaque parole qu'elle prononce est comme une mélodie qui charme l'âme. As-Salih Ayyûb, le puissant sultan ayyoubide, ne peut résister à l'envoûtante aura de Chajar ad-Durr. Elle n'est pas seulement sa favorite, elle est son trésor le plus précieux, un rêve devenu réalité. Dans un élan de passion et d'admiration, il la baptise « arbre de pierres précieuses », un nom qui résonne comme un hymne à sa splendeur inégalée. Ce nom n'est pas seulement un titre, c'est une reconnaissance de sa valeur inestimable, un symbole de l'amour et de l'estime que lui porte le sultan. Il abandonne toutes ses épouses pour ne garder qu’elle près de cœur et de son corps.

As-Salih Ayyûb, défait à Damiette par les armées françaises, est un lion affaibli par la maladie, son ombre s'étendant faiblement sur son royaume autrefois puissant. Dans ces heures sombres, il se tourne vers Chajar ad-Durr, sa confiance en elle inébranlable. Elle est son roc, son havre, et maintenant, son héritière politique. Avec une sagesse et une acuité qui dépassent les attentes de tous, elle prend en main les rênes d'un empire vacillant. Elle organise la défense du royaume contre les raids croisés du roi de France Saint Louis. Dans les couloirs secrets du palais, Chajar ad-Durr tisse avec habileté les fils d'une stratégie audacieuse. Elle est désormais indispensable.


Lorsque la mort du sultan est finalement scellée par le destin, Chajar ad-Durr, avec une résolution de fer, garde ce secret tel un trésor de guerre. Son visage ne trahit aucune émotion, aucune faiblesse. Elle porte son masque de fermeté comme une armure, préservant l'illusion de la stabilité pour son peuple. Dans le silence de ses appartements, elle pleure peut-être le sultan, mais devant son peuple, elle est l'incarnation de la force et de la détermination. Alors, contre toute attente, les généraux du sultan décédé se tournent vers la nouvelle veuve. Elle devient sultane, défiant alors les normes et les attentes. Son accession au trône est un événement sans précédent, un tourbillon qui bouleverse les fondements du monde arabe. Elle n'est pas une figure de l'ombre, manipulée par des forces invisibles ; elle est un phare d'espoir, une source de force inébranlable pour son peuple.

Son règne, de trois mois, est marqué par une audace et une détermination qui transcendent les barrières du sexe et des traditions. Chaque vendredi, dans les mosquées, la khutba résonne, non pas au nom d'un sultan absent ou d'un héritier lointain, mais au nom de Chajar ad-Durr elle-même. Ces mots, prononcés avec respect et autorité, ne sont pas seulement des formules rituelles ; ils sont la reconnaissance de son pouvoir, un hommage à sa capacité à diriger en des temps troublés. Les pièces de monnaie frappées sous son règne portent son effigie, un geste audacieux qui grave son image dans le métal et dans l'histoire et un défi lancé aux normes d'un monde dominé par les hommes en terre d’Islam. Ces pièces circulent de main en main, traversant les villes et les villages, racontant l'histoire d'une femme qui a osé s'asseoir sur le trône d'Égypte.


L'histoire de Chajar ad-Durr, tissée de gloire et de pouvoir, prend une tournure tragique, illustrant la complexité des liens entre l'amour et la domination. En femme intelligente et anticipatrice, elle comprend vite que sa condition de femme à la tête de l’Égypte ne peut pas plaire longtemps. Puis vient Aybak, choisi par les émirs, un mamelouk qui va changer le cours de son destin. Chajar ad-Durr, dans un mélange d'amour, d'intérêt commun et d'ambition, tisse un lien indissoluble avec Aybak. Il devient lui aussi, fou amoureux de l’ancienne concubine. Leur mariage, le 21 juillet 1250, est un chant d'amour et de pouvoir, une union qui défie les normes et les attentes. Pendant les sept années qui suivent, Chajar ad-Durr, telle une reine dans l'ombre, est la véritable force dirigeante. Elle signe les décrets, frappe la monnaie à son nom, et ose même se faire appeler sultan. Son règne, bien que non officiel, est un témoignage de sa force et de sa détermination, un chapitre audacieux dans l'histoire de l'Égypte.


Pourtant, toutes les fleurs finissent par faner.


Lorsque Aybak, son époux et compagnon de règne, évoque l'idée de prendre une nouvelle épouse, ce fut pour Chajar ad-Durr une trahison insupportable. Dans un élan de désespoir et de colère, elle ourdit un complot qui va sceller son destin. L'assassinat d'Aybak, orchestré dans l'ombre des palais, est un acte de passion autant que de pouvoir, un geste qui révèle la fragilité de son règne. Ce meurtre, loin d'assurer sa position, précipite sa chute. Les fondations de son pouvoir, déjà ébranlées par les murmures et les complots, s'effondrent. Autrefois vénérée et crainte, elle se retrouve isolée, trahie par ceux qu'elle avait autrefois commandés. La vengeance de l'ancienne compagne d'Aybak est impitoyable et brutale. Les servantes, armées de leur colère et de leur chagrin, infligent à Chajar ad-Durr un châtiment cruel et final.

La mort de Chajar ad-Durr est un dénouement brutal et poignant pour une vie qui a brillé si intensément. Son parcours, de l'esclavage au trône, de la favorite à la souveraine, puis de la reine à la paria, est un récit d'ambition, de passion et de pouvoir. Sa fin tragique résonne comme un écho sombre, un rappel que même les plus grands peuvent chuter, et que l'histoire, souvent, ne pardonne pas. Aujourd'hui, dans la quiétude d'un mausolée au Caire, repose celle qui fut la lumière et l'ombre de l'Égypte. Chajar ad-Durr, l'arbre de pierres précieuses, demeure un symbole éternel dans l'histoire, un phare dans les annales du temps. 




Découvrez d'autres histoires de femmes extraordinaires en cliquant : ici


Retrouvez-nous sur Instagram en cliquant : ici

Retrouvez-nous sur Facebook en cliquant: ici


Un message à nous envoyer: lesitedelhistoire2@laposte.net


Toutes les images d'illustration appartiennent à l'auteur. Si vous voulez les utiliser, merci de bien vouloir demander l'autorisation par mail.

Commentaires

Les articles les plus consultés

Lilith, la première femme de la Bible et d'Adam

Avez-vous d é j à lu la Bible? En entier? Peu l'ont fait! Au moins la Gen è se alors! La Gen è se? Mais si, le d é but, l'intro' ! Lorsque Dieu cr é e le ciel, la terre, les ê tres vivants et enfin l'homme Adam! Enfin, Adam et È ve... Vous connaissez cette histoire et souvent peu le reste. Lorsque je discute de la Bible avec des amis ou des é l è ves - pas toujours ignorants du fait religieux - je remarque souvent un ab î me d'ignorance de l'histoire biblique comme si on passait directement d'Adam à J é sus. Ah si: les gens connaissent aussi Abraham et Mo ï se. J'ai toujours aim é le d é but des histoires. La Bible ne fait pas exception. Je ne sais pas combien de fois j'ai pu lire et relire la Gen è se. Et puis un jour, un passage m'a turlupin é . Le sixi è me jour, Dieu d é cida de remplir la terre d'animaux, d'oiseaux et de bestioles. Puis, il est é crit: Chapitre 1: 26 Dieu dit : « Faisons l ’ homme à notre image, se

Alexandre le Grand homosexuel ? Le doute Hephaestion

Il est un fait, sur la possible homosexualité d’Alexandre, qu’il faut relever immédiatement. De toute sa vie, aucun acteur privilégié, c’est à dire proche du conquérant – et ils sont nombreux -  n’a jamais affirmé ou constaté de visu le voir pratiquer une relation sexuelle avec un autre homme. Cependant aucun non plus n’affirme qu’il n’en a jamais eue. La seule énigme tourne autour du seul et même homme avec qui il partage très souvent son quotidien: H é phaestion. Savoir si ces deux hommes ont un jour ou l’autre sauté cette fragile frontière qui sépare la grande amitié de l’amour restera pour l’éternité en suspens… du moins pour le moment ! Il faut s’attarder un instant sur l’ami intime d’Alexandre, celui qui lui sera toujours fidèle. H é phaestion naît à Pella, la même année qu’Alexandre. Fils d'Amyntas, un aristocrate macédonien, il reçoit également la même éducation que lui auprès du philosophe Aristote dans son adolescence. Il est un homme fort et beau. Certaines anecdo

Cléopâtre, son tapis et Jules César : Une Histoire d'Amour Épique et Mystérieuse qui a Bouleversé l'Empire Romain

Les amours passionnées entre la célèbre reine égyptienne Cléopâtre et le tout-puissant et charismatique Jules César forment un épisode à la fois mystérieux et envoûtant de l'histoire. Leur relation est digne des ébats charnels des dieux de l'Olympe. Au sein de leur amour naît un enfant légendaire et secret, Césarion, conférant à la reine une place singulière dans l'histoire et une renommée qui fait jaser du sénat romain jusqu'aux recoins les plus sombres de l'empire. Cléopâtre, descendante de Ptolémée Ier, général et compagnon d'Alexandre le Grand, est d'origine grecque, mais elle se distingue par son amour pour son peuple et son désir ardent de faire reconnaître l'Égypte comme la grande civilisation du monde méditerranéen, au même titre que Rome. Polyglotte, elle parle la langue de son peuple, une particularité sans précédent parmi les descendants de la dynastie des Ptolémées, qui règnent sur le trône depuis trois siècles.

Pasteur et la découverte du vaccin contre la rage

En 1879, Louis Pasteur, surnommé par René Dubos le « Franc-tireur de la science », a découvert le principe du vaccin et ceci grâce aux vacances d’été que celui-ci s’est octroyé. Tout grand esprit a besoin de repos. Le choléra des poules fait alors rage, depuis le printemps. Après plusieurs mois d’expériences infructueuses, Pasteur décide de se reposer et part rejoindre sa femme ainsi que toute sa famille dans sa maison de campagne. De retour dans son laboratoire, très détendu après ses congés estivaux, il reprend avec une grande motivation ses recherches, suivant le même procédé que celui établi jusque-là. Il inocule la bactérie du choléra sur des poules. Et il attend : une heure, deux heures. Aucune poule ne meurt. L’aiguille de l’horloge tourne et tourne pendant des heures, tout comme Pasteur dans son laboratoire. Rien ne se passe. Les poules sont toujours aussi pimpantes. Le chimiste de formation, loin d’être novice en matière d’expériences scientifiques, réfléchit : « Mais que

Hitler et Mussolini : quand l’élève dépasse le maître

En 1922, Benito Mussolini à la tête du parti fasciste italien, marche sur Rome et s’empare du pouvoir. Il transforme la démocratie en Etat fasciste. De l’autre côté des Alpes, Adolf Hitler observe ses actions. Mussolini est un modèle à suivre. Hitler organise son parti sur le modèle italien. L’année suivante, il tente lui aussi de marcher sur Berlin, pour s’emparer du pouvoir. C’est un échec. Il doit attendre les élections de 1933, pour accéder à la fonction de chancelier. La première entrevue entre les deux dictateurs se déroule à Rome en 1934. Le principal sujet réside dans la question autrichienne. Mussolini protège l’Autriche, qu’il considère comme une zone tampon face à l’Allemagne. Le meurtre du chancelier Dollfuss le 25 juillet 1934 par des sympathisants nazis est très mal vu par Rome. Mussolini envoie des troupes à la frontière, empêchant ainsi les nazis de prendre le pouvoir. Le Duce impose de par sa prestance. Vêtu de son bel uniforme, il apparaît comme l’homme fort au côté d

Aux origines de la galette bretonne

Chandeleur oblige, les crêpes sont de la partie ; et en Bretagne, qui dit crêpe, dit galette. L’histoire de la galette est étroitement associée à celle du blé noir, son principal ingrédient. C’est le parcours historique de cette céréale que nous allons retracer ici. Suivons à présent pas à pas la recette. Afin de réussir une bonne galette bretonne, accompagnons les croisés en Asie, au XIIe siècle. Après plusieurs milliers de kilomètres parcourus, des champs de fleurs roses s’étendent à perte de vue. Ce n’est pas un mirage, ni de simples fleurs d’ornement : les croisés découvrent le blé noir. Ils en prennent quelques plants, puis regagnent l’Europe avec des mules chargées de la précieuse semence. Mais le retour au Vieux Continent rime avec désillusion pour ces « chevaliers agricoles ». La culture de ce blé est exigeante et sa production reste faible. Néanmoins un espoir renaît du côté des exploitations d’une des régions françaises. Cet endroit est connu pour sa pluie :

Alexandre le Grand et Diogène: une rencontre de géant

Vous connaissez mon amour inconditionnel pour Alexandre le Grand. Aussi, aujourd'hui je vais vous conter un des épisodes qui m'a toujours marqué dans la vie du Macédonien : sa rencontre avec le célèbre philosophe cynique Diogène. De son entrevue, je crois, Alexandre en a retenu une leçon de vie qu'il essaiera, avec plus ou moins de bonheur ou de réussite, de s'appliquer tout au long de sa courte vie : l'humilité. Nous sommes en 335 avant notre ère. Alexandre n'est pas encore Alexandre le Grand et il n'a pas encore vingt-un ans. Pourtant, il est déjà craint par les Grecs... Bientôt par les Perses. En attendant, le jeune roi macédonien vient d'épater tous ceux qui doutaient encore de lui. Voilà quelques mois, son père Philippe mourrait sous les coups de couteaux de Pausanias - amant blessé - et la Grèce soumise décide alors de se révolter sous l'égide du meneur Démosthène et de la cité d'Athènes. Alexandre, fou de rage devant tant de traîtrise,

Hypatie d'Alexandrie, une femme seule face aux chrétiens

Alexandrie, ville de savoir ; ville de délices ; ville de richesses ! Et pourtant parfois, ville décadente et théâtre des pires atrocités faisant ressortir le vice animal, dénué de toute philosophie civilisatrice. En 415 de notre ère, cette Alexandrie, cité révérée et donnée en exemple, va connaître les premiers signes de sa décadence : elle assassine une des plus grandes savantes et philosophes de l’histoire de l'humanité, la belle et intelligente Hypatie. Née vers 370, Hypatie a environ dix ans lorsque l’empereur Théodose proclame la foi chrétienne comme étant la religion officielle de l’empire. Théodose met fin à un millénaire de stabilité religieuse et installe une religion qui tend à la prédominance   et qui, par l’intolérance qu’elle exerce, met l’empire en proie à des révoltes incessantes.  Moins d’un siècle suffira à le faire définitivement chuter ! Les chrétiens avaient été plusieurs fois massacrés – souvent injustement – servant de boucs émissaires quand la situation l’i

Le destructeur du nez du sphinx

Voilà bien longtemps que les hommes de la riche et nourricière terre d’Egypte le contemple. On vient également de loin pour se recueillir devant lui. Le Sphinx, cet être gigantesque que les plus grands hommes révèreront comme un dieu est un porte bonheur ! Né de la volonté du pharaon Khéphren, ce mastodonte taillé dans la roche garde depuis 2500 av. notre ère environ le plateau de Guizèh et ses somptueuses tombes : les pyramides de Khéops, Khéphren et Mykérinos. Le Sphinx parcourt les siècles avec aisance bien qu’il faille régulièrement le déterrer car le sable, inlassablement, vient le recouvrir jusqu’aux épaules. La chrétienté puis l’islam passent et le culte du dieu lion à tête d’homme s’éteint progressivement sans toutefois totalement disparaître. Les musulmans d’Egypte le considèrent tel un génie et l’admirent comme une œuvre d’art défiant la nature et rendant grâce au génie humain voulu par Dieu. Malheureusement, les belles heures théologiques, bien souvent plus intellectuelles