Au matin du 20 janvier 532, depuis les balcons du palais, Théodora, impératrice de Byzance et épouse de Justinien Ier, observe les rues de Constantinople suffocant dans la cendre et le sang. Depuis le début de l’année, le peuple est mécontent de la pression fiscale. Depuis l’avènement du nouvel empereur, le couple impérial ne regarde pas à la dépense pour faire construire des églises, des hôpitaux, divers bâtiments publics et reconquérir des terres prises par les barbares. Cette politique a un coût que le peuple ne veut plus endurer. Des émeutes ont embrasé les rues. Théodora a exhorté son mari et les généraux à mater la révolte avec sévérité. Justinien a engagé des mercenaires Goths pour intervenir. Les rapports font état de 30.000 morts, dont certains seront enterrés sous l’arène de l’hippodrome. Théodora s’en moque. Elle souhaite que plus personne n’ose contester son pouvoir. Elle a eu trop de mal à conquérir le pouvoir. Elle ne veut en aucun cas l’abandonner. Rien ne la prédestinait à s’asseoir sur le trône impérial, elle, la petite fille du peuple.
En effet, Théodora est issue d’une famille populaire. Sa mère est comédienne et son père employé à l’hippodrome de Constantinople. La fille est destinée à suivre la même carrière que la mère. A cette époque, le métier de comédien a mauvaise réputation et les actrices sont perçues comme des prostituées. Parvenue à l’adolescence, sa beauté est à couper le souffle. Lorsqu’elle se promène dans la ville, les femmes détournent le regard et les hommes deviennent blêmes de plaisir. Elle se produit dans des spectacles érotiques.
Des petits théâtres licencieux au métier de courtisane, il n’y a qu’un pas, que Théodora franchit allègrement. Elle a compris qu’elle tient entre ses cuisses le moyen d’échapper à la précarité de sa situation. Tout autant que sa beauté, son charisme et son audace la rendent irrésistible. Elle est en capacité de choisir ses amants. Elle les veut riches et puissants.
A 18 ans, elle devient la concubine d’Hékébolos, un armateur de Tyr. Celui-ci l’emmène à Apollonia en Libye, où il occupe un poste de gouverneur. Auprès de lui, Théodora apprend à tenir une demeure aristocratique et découvre les arcanes politiques. Seulement, une courtisane n’est jamais en sécurité. Un jour, son amant la répudie et elle se retrouve à la rue pour une raison indéterminée. Théodora reprend le chemin de Constantinople par voie de terre. Elle va d’institutions charitables en bordels. Durant son périple, sa foi religieuse se renforce et elle développe son réseau.
A Antioche, elle rencontre la courtisane Macédonia, proche de Justinien, le neveu de l’empereur. L’héritier du trône est âgé d’une quarantaine d’années. Il se passionne pour le droit et la théologie. Ce dernier tombe immédiatement sous le charme de Théodora. Il est convaincu d’avoir trouvé la femme de sa vie. Il pousse son oncle à l’anoblir, puis à abolir l’interdiction pour les anciennes actrices de contracter un mariage. A l’âge de 25 ans, Théodora épouse le futur empereur byzantin. Dorénavant, elle n’aura plus qu’un seul homme dans sa vie, son époux, son partenaire, son allié dans les sphères du pouvoir. Une fois sur le trône, le couple impérial aura à cœur de montrer un couple uni.
Théodora exerce son autorité sur le palais défendant avec ardeur ses convictions politiques et religieuses. Elle participe à la réalisation du code justinien. Elle souhaite donner un nouveau statut pour la femme dans le cadre familial. Elle fait ajouter ou modifier un certain nombre de lois : mesures de protection à l'égard des comédiennes et des courtisanes, peines allégées pour les femmes en cas d'adultère, loi contre la « traite des blanches », possibilité pour les épouses de demander le divorce, droit à l'héritage pour les filles, mesures de protection de leur dot en faveur des veuves. Elle fait également prendre à Justinien des mesures contre les propriétaires de maisons de tolérance, dépense de fortes sommes pour aider les prostituées, fonde une maison pour pécheresses repenties.
Sa foi sincère la pousse à protéger personnellement des prêtres monophysites (qui ne reconnaissent qu’une nature dans la personne du Christ) jugés hérétique par Rome. A tel point que le 12 février 2000, le patriarche d’Antioche fait béatifier Théodora en souvenir de son action pour les chrétiens monophysites.
Pour les uns Théodora est une femme subversive et dangereuse, pour les autres elle est l’impératrice protectrice de la vraie foi. A sa mort en 548, Théodora laisse l'image d'une femme au tempérament affirmé, l'une des souveraines les plus influentes de son temps et un exemple remarquable d'ascension sociale.
Sources :
Texte :
GIROD Virginie, « Théodora : une courtisane à la tête de l’empire
byzantin », Ca m’intéresse Histoire,
n°57, nov-dec 2019, pp78-81.
Image : Wikipedia.fr
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