En des temps anciens, dans le royaume florissant de Taligana au nord de l'Inde, régnait le Roi Belkib, un monarque aux désirs de divertissement insatiables. À cette époque, la cour du roi était un mélange vibrant de couleur et d'intelligence, accueillant des sages et des intellectuels de tous horizons. Parmi eux se trouvait Sissa, un brahmane vénérable aux yeux profonds et à la barbe fleurie, dont la sagesse était aussi vaste que les étoiles dans le ciel nocturne. Les brahmanes étaient des érudits et des prêtres, des détenteurs de la connaissance sacrée, et Sissa était l'un des plus respectés d'entre eux.
Sissa était à la cour du roi pour servir comme conseiller et éducateur, une lumière guidant le royaume à travers les méandres de la complexité sociale et politique. Toutefois, le roi Belkib était souvent troublé par l'ennui et cherchait une distraction qui pourrait aussi servir à aiguiser son esprit pour les défis du règne. C'est dans ce contexte que Sissa, avec une intention pédagogique, inventa le Chaturanga. Ce jeu, avec ses pièces représentant les différentes strates de l'armée - les éléphants, les chars, la cavalerie et l'infanterie - était conçu pour divertir le roi tout en lui inculquant les principes de la stratégie, les hiérarchies sociales et les conséquences des décisions. Chaque mouvement dans ce jeu était une danse de la logique et de la prévision, une réflexion sur le champ de bataille de la vie.
Le Roi Belkib, impressionné par la perspicacité de Sissa, honore sa demande et le jeu d'échecs commence à se répandre bien au-delà des frontières du royaume. Chaturanga, avec ses règles réfléchies et ses pièces symboliques, devient un prisme à travers lequel les élites et les stratèges comprennent les dynamiques du pouvoir et de l'autorité. Cet ancien jeu indien, représentant la guerre entre quatre armées, transcende rapidement le temps et l'espace, traversant les continents et les cultures. À mesure que le jeu voyageait le long des routes commerciales anciennes, il évoluait, prenant des formes nouvelles et familières, notamment Shatranj dans le monde arabe, et plus tard, le jeu d'échecs moderne en Europe.
À chaque étape de son voyage, le jeu d'échecs continuait d'enrichir les sociétés qu'il touchait, offrant un terrain pour l'exploration des concepts stratégiques et mathématiques. Il a également servi de miroir de réflexion à la hiérarchie sociale et aux valeurs culturelles, les pièces sur l'échiquier reflétant souvent les structures sociales des régions où il était joué. Avec le temps, les échecs devinrent une métaphore de l'ingéniosité humaine et de l'art de la guerre, évoquant des batailles mentales acharnées sur le damier.
Les récits de grands maîtres d'échecs, des intrigues de cour centrées autour du jeu, et les traités stratégiques inspirés par les échecs, ont tissé le jeu profondément dans le tissu culturel et historique de nombreuses civilisations. La légende de Sissa et son humble demande de grains de blé continuait à être racontée, rappelant aux générations futures l'énorme impact que peut avoir une simple idée lorsqu'elle est combinée avec une pensée profonde et innovante.
Mais revenons à Sissa. Car le roi veut le récompenser.
Dans la grande salle du trône, l'air était empli d'une anticipation silencieuse. Le roi Belkib, assis sur son trône orné, contemplait l'échiquier devant lui avec un éclat de fascination dans ses yeux. À ses côtés, Sissa attendait humblement, son visage calme dissimulant l'excitation qui bouillonnait en lui. Lorsque le roi leva les yeux vers lui, il y avait une lumière de reconnaissance dans son regard. "Sissa, vous avez apporté une lumière d'ingéniosité dans ma cour. Nommez votre récompense, et elle sera vôtre", déclara le roi avec une gratitude sincère. Sissa, après un moment de réflexion silencieuse, répondit avec une simplicité désarmante. Il demanda un grain de blé pour la première case de l'échiquier, deux pour la seconde, et ainsi de suite, le nombre de grains devant être doublé sur chaque case suivante.
Le roi sourit et acquiesça avant d’exploser de rire. Voilà bien une demande humble digne de son maître. Il ordonna qu’on lui offrit son cadeau. Les serviteurs s’exécutèrent. Mais l’élève avait encore beaucoup à attendre du maître.
La demande apparemment modeste de Sissa révèle un problème mathématique astucieux qui illustre la nature exponentielle de la croissance. En suivant la demande de Sissa, le nombre de grains de blé sur chaque case continue de doubler : 1, 2, 4, 8, 16, et ainsi de suite. Au moment où l'on atteint la case 20, le nombre de grains de blé sur cette seule case est de 524 288. À la case 40, le nombre grimpe à un colossal 549 755 813 888 grains.
Le nombre total de grains de blé requis pour l'ensemble de l'échiquier est astronomique. Après avoir placé les grains sur les 64 cases, en doublant le nombre de grains à chaque étape, le total s'élève à 18 446 744 073 709 551 615 grains de blé. Pour mettre ce chiffre en perspective, si un grain de blé pèse environ 0,065 gramme, le poids total des grains de blé serait d'environ 1,2 million de tonnes, surpassant de loin la production totale de blé du royaume, et même du monde entier à cette époque. Le problème de l'échiquier de Sissa met en lumière la puissance de la progression géométrique et la façon dont des augmentations apparemment minimes peuvent conduire à des résultats monumentaux lorsqu'elles sont répétées sur une séquence prolongée. C'est un aperçu élégant de l'énormité que peuvent atteindre des quantités apparemment négligeables lorsqu'elles sont multipliées de manière exponentielle, et continue d'être une leçon importante pour les étudiants en mathématiques et en sciences.
La légende ne raconte pas comment le roi a réagit. On l’espère avec philosophie comprenant qu’un bon maître passera son temps à faire la leçon à son élève.
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