Accéder au contenu principal

Néron, Britannicus et Locuste : La Danse Mortelle des Saturnales

La Rome impériale était, à l'époque de Néron, un creuset de complots, d'intrigues et d'ambitions démesurées. Chaque banquet, chaque réunion était une opportunité pour s'assurer du soutien de ses proches, ou à l'inverse, pour identifier et éliminer les menaces. Parmi les faits marquants de cette période, un événement majeur s’est déroulé lors des festivités des Saturnales, des fêtes somptueuses en l'honneur du dieu Saturne.


Les Saturnales, pour ceux qui ne seraient pas familiers, étaient l'une des fêtes les plus attendues de l'année romaine. Durant ces fêtes, les rôles sociaux étaient souvent inversés : les maîtres servaient leurs esclaves, et toute la ville s’adonnait à une frénésie de festivités et d’échanges de cadeaux. C'était un temps de célébration, mais également de prudence pour les élites romaines. 


Un jour, en plein cœur de cette période festoyante, l’empereur Néron décida de réunir quelques-uns de ses proches confidents. La salle était ornée de guirlandes d'or, et les chandelles jetaient une douce lueur, révélant les visages des convives, certains souriants, d'autres tendus. Au milieu de ces invités, se trouvait Britannicus, demi-frère de Néron et fils de l’empereur défunt, Claude. Le lien de parenté, dans le cercle restreint du pouvoir romain, était loin de garantir la sécurité. Britannicus, bien que membre de la famille impériale, était à la merci des humeurs changeantes de Néron.


La soirée était dédiée aux arts. Chacun, sans exception, devait montrer ses talents en poésie, chant ou danse. C’était une tradition que les invités redoutaient autant qu'ils l'attendaient avec impatience, car une prestation réussie pouvait renforcer des allégeances, tandis qu'une fausse note pouvait coûter cher.



Le tour de Britannicus arriva. Son choix ? Le chant. Et pas n’importe lequel. Tacite, l’historien romain, rapporte qu'il chanta des vers évoquant sa chute brutale de la haute sphère du pouvoir, rappelant à tous, et surtout à Néron, son héritage usurpé. Ce chant, tiré d'une tragédie dont Cicéron avait autrefois souligné le passage, était un défi audacieux et direct.


- Plus que la naissance, la chance me fait défaut.

- Sachez que je possédais un trône.

- Voyez donc

- De quelle fortune, de quelle puissance, de quelles richesses

- M'a précipité le sort.


L'atmosphère s'était tendue. Les convives échangèrent des regards inquiets. Comment Néron allait-il réagir face à cette audace ? La suite, hélas, nous la connaissons.


Certains historiens soutiennent que ce chant scella le sort de Britannicus. Mais Néron était-il réellement aussi prévisible ? Dans les semaines qui suivirent, Britannicus et Néron semblèrent inséparables et l’empereur le couvre de caresses. Un peu trop selon Tacite qui nous dit même que ces caresses sont allées un peu loin : « Avant le jour de l'empoisonnement, Néron abusa de l'enfance de Britannicus. »Pourtant, les apparences sont souvent trompeuses à la cour de Rome.


Le récit de Tacite, bien qu'entaché de rumeurs, raconte qu’après avoir abusé de la naïveté de Britannicus il décida de de le faire empoisonner, avec la complicité de Locuste, une spécialiste des poisons. Cette dernière réalisait elle-même ses propres poisons qu’elle faisait boire sur des esclaves afin d’en tester les symptômes et l’efficacité. Elle-même pratiquait la mithridatisation, à savoir qu’elle inoculait un peu de poison tous les jours afin d’en être immunisée. C’était donc LA spécialiste!


Tout est fin prêt…


Au cours d'un grand banquet, en présence de Néron et d'Agrippine, on présenta à Britannicus un mets empoisonné. 


La suite c’est Tacite qui nous le raconte:


« Comme tous ses mets et sa boisson sont préalablement goûtés par un esclave choisi, comme on ne voulait ni omettre cet usage ni déceler l'attentat par la mort de l'un et de l'autre, on trouve cet expédient : on présente à Britannicus, après l'essai, un breuvage non encore empoisonné, mais si chaud qu'il faut le renvoyer. Alors on verse dans l'eau froide le poison qui attaque tous ses membres si violemment qu'il lui ravit à la fois la parole et la vie. »


Britannicus était épileptique. Néron; cependant qu'on emporte le malheureux agonisant, rassure les convives : Britannicus vient simplement d'être atteint d'une de ses crises habituelles. Un peu plus tard, on annonce sa mort. 


Néron vient de commettre son premier crime.


L'un des plus monstrueux.




Découvrez d'autres histoires romaines en cliquant: ici


Retrouvez-nous sur Facebook en cliquant: ici


Un message à nous envoyer: lesitedelhistoire2@laposte.net


Toutes les images appartiennent à l'auteur. Si vous voulez les utiliser, merci de bien vouloir demander l'autorisation par mail.

Commentaires

Enregistrer un commentaire

Les articles les plus consultés

Lilith, la première femme de la Bible et d'Adam

Avez-vous d é j à lu la Bible? En entier? Peu l'ont fait! Au moins la Gen è se alors! La Gen è se? Mais si, le d é but, l'intro' ! Lorsque Dieu cr é e le ciel, la terre, les ê tres vivants et enfin l'homme Adam! Enfin, Adam et È ve... Vous connaissez cette histoire et souvent peu le reste. Lorsque je discute de la Bible avec des amis ou des é l è ves - pas toujours ignorants du fait religieux - je remarque souvent un ab î me d'ignorance de l'histoire biblique comme si on passait directement d'Adam à J é sus. Ah si: les gens connaissent aussi Abraham et Mo ï se. J'ai toujours aim é le d é but des histoires. La Bible ne fait pas exception. Je ne sais pas combien de fois j'ai pu lire et relire la Gen è se. Et puis un jour, un passage m'a turlupin é . Le sixi è me jour, Dieu d é cida de remplir la terre d'animaux, d'oiseaux et de bestioles. Puis, il est é crit: Chapitre 1: 26 Dieu dit : « Faisons l ’ homme à notre image, se

Alexandre le Grand homosexuel ? Le doute Hephaestion

Il est un fait, sur la possible homosexualité d’Alexandre, qu’il faut relever immédiatement. De toute sa vie, aucun acteur privilégié, c’est à dire proche du conquérant – et ils sont nombreux -  n’a jamais affirmé ou constaté de visu le voir pratiquer une relation sexuelle avec un autre homme. Cependant aucun non plus n’affirme qu’il n’en a jamais eue. La seule énigme tourne autour du seul et même homme avec qui il partage très souvent son quotidien: H é phaestion. Savoir si ces deux hommes ont un jour ou l’autre sauté cette fragile frontière qui sépare la grande amitié de l’amour restera pour l’éternité en suspens… du moins pour le moment ! Il faut s’attarder un instant sur l’ami intime d’Alexandre, celui qui lui sera toujours fidèle. H é phaestion naît à Pella, la même année qu’Alexandre. Fils d'Amyntas, un aristocrate macédonien, il reçoit également la même éducation que lui auprès du philosophe Aristote dans son adolescence. Il est un homme fort et beau. Certaines anecdo

Cléopâtre, son tapis et Jules César : Une Histoire d'Amour Épique et Mystérieuse qui a Bouleversé l'Empire Romain

Les amours passionnées entre la célèbre reine égyptienne Cléopâtre et le tout-puissant et charismatique Jules César forment un épisode à la fois mystérieux et envoûtant de l'histoire. Leur relation est digne des ébats charnels des dieux de l'Olympe. Au sein de leur amour naît un enfant légendaire et secret, Césarion, conférant à la reine une place singulière dans l'histoire et une renommée qui fait jaser du sénat romain jusqu'aux recoins les plus sombres de l'empire. Cléopâtre, descendante de Ptolémée Ier, général et compagnon d'Alexandre le Grand, est d'origine grecque, mais elle se distingue par son amour pour son peuple et son désir ardent de faire reconnaître l'Égypte comme la grande civilisation du monde méditerranéen, au même titre que Rome. Polyglotte, elle parle la langue de son peuple, une particularité sans précédent parmi les descendants de la dynastie des Ptolémées, qui règnent sur le trône depuis trois siècles.

Pasteur et la découverte du vaccin contre la rage

En 1879, Louis Pasteur, surnommé par René Dubos le « Franc-tireur de la science », a découvert le principe du vaccin et ceci grâce aux vacances d’été que celui-ci s’est octroyé. Tout grand esprit a besoin de repos. Le choléra des poules fait alors rage, depuis le printemps. Après plusieurs mois d’expériences infructueuses, Pasteur décide de se reposer et part rejoindre sa femme ainsi que toute sa famille dans sa maison de campagne. De retour dans son laboratoire, très détendu après ses congés estivaux, il reprend avec une grande motivation ses recherches, suivant le même procédé que celui établi jusque-là. Il inocule la bactérie du choléra sur des poules. Et il attend : une heure, deux heures. Aucune poule ne meurt. L’aiguille de l’horloge tourne et tourne pendant des heures, tout comme Pasteur dans son laboratoire. Rien ne se passe. Les poules sont toujours aussi pimpantes. Le chimiste de formation, loin d’être novice en matière d’expériences scientifiques, réfléchit : « Mais que

Hitler et Mussolini : quand l’élève dépasse le maître

En 1922, Benito Mussolini à la tête du parti fasciste italien, marche sur Rome et s’empare du pouvoir. Il transforme la démocratie en Etat fasciste. De l’autre côté des Alpes, Adolf Hitler observe ses actions. Mussolini est un modèle à suivre. Hitler organise son parti sur le modèle italien. L’année suivante, il tente lui aussi de marcher sur Berlin, pour s’emparer du pouvoir. C’est un échec. Il doit attendre les élections de 1933, pour accéder à la fonction de chancelier. La première entrevue entre les deux dictateurs se déroule à Rome en 1934. Le principal sujet réside dans la question autrichienne. Mussolini protège l’Autriche, qu’il considère comme une zone tampon face à l’Allemagne. Le meurtre du chancelier Dollfuss le 25 juillet 1934 par des sympathisants nazis est très mal vu par Rome. Mussolini envoie des troupes à la frontière, empêchant ainsi les nazis de prendre le pouvoir. Le Duce impose de par sa prestance. Vêtu de son bel uniforme, il apparaît comme l’homme fort au côté d

Aux origines de la galette bretonne

Chandeleur oblige, les crêpes sont de la partie ; et en Bretagne, qui dit crêpe, dit galette. L’histoire de la galette est étroitement associée à celle du blé noir, son principal ingrédient. C’est le parcours historique de cette céréale que nous allons retracer ici. Suivons à présent pas à pas la recette. Afin de réussir une bonne galette bretonne, accompagnons les croisés en Asie, au XIIe siècle. Après plusieurs milliers de kilomètres parcourus, des champs de fleurs roses s’étendent à perte de vue. Ce n’est pas un mirage, ni de simples fleurs d’ornement : les croisés découvrent le blé noir. Ils en prennent quelques plants, puis regagnent l’Europe avec des mules chargées de la précieuse semence. Mais le retour au Vieux Continent rime avec désillusion pour ces « chevaliers agricoles ». La culture de ce blé est exigeante et sa production reste faible. Néanmoins un espoir renaît du côté des exploitations d’une des régions françaises. Cet endroit est connu pour sa pluie :

Alexandre le Grand et Diogène: une rencontre de géant

Vous connaissez mon amour inconditionnel pour Alexandre le Grand. Aussi, aujourd'hui je vais vous conter un des épisodes qui m'a toujours marqué dans la vie du Macédonien : sa rencontre avec le célèbre philosophe cynique Diogène. De son entrevue, je crois, Alexandre en a retenu une leçon de vie qu'il essaiera, avec plus ou moins de bonheur ou de réussite, de s'appliquer tout au long de sa courte vie : l'humilité. Nous sommes en 335 avant notre ère. Alexandre n'est pas encore Alexandre le Grand et il n'a pas encore vingt-un ans. Pourtant, il est déjà craint par les Grecs... Bientôt par les Perses. En attendant, le jeune roi macédonien vient d'épater tous ceux qui doutaient encore de lui. Voilà quelques mois, son père Philippe mourrait sous les coups de couteaux de Pausanias - amant blessé - et la Grèce soumise décide alors de se révolter sous l'égide du meneur Démosthène et de la cité d'Athènes. Alexandre, fou de rage devant tant de traîtrise,

Hypatie d'Alexandrie, une femme seule face aux chrétiens

Alexandrie, ville de savoir ; ville de délices ; ville de richesses ! Et pourtant parfois, ville décadente et théâtre des pires atrocités faisant ressortir le vice animal, dénué de toute philosophie civilisatrice. En 415 de notre ère, cette Alexandrie, cité révérée et donnée en exemple, va connaître les premiers signes de sa décadence : elle assassine une des plus grandes savantes et philosophes de l’histoire de l'humanité, la belle et intelligente Hypatie. Née vers 370, Hypatie a environ dix ans lorsque l’empereur Théodose proclame la foi chrétienne comme étant la religion officielle de l’empire. Théodose met fin à un millénaire de stabilité religieuse et installe une religion qui tend à la prédominance   et qui, par l’intolérance qu’elle exerce, met l’empire en proie à des révoltes incessantes.  Moins d’un siècle suffira à le faire définitivement chuter ! Les chrétiens avaient été plusieurs fois massacrés – souvent injustement – servant de boucs émissaires quand la situation l’i

Le destructeur du nez du sphinx

Voilà bien longtemps que les hommes de la riche et nourricière terre d’Egypte le contemple. On vient également de loin pour se recueillir devant lui. Le Sphinx, cet être gigantesque que les plus grands hommes révèreront comme un dieu est un porte bonheur ! Né de la volonté du pharaon Khéphren, ce mastodonte taillé dans la roche garde depuis 2500 av. notre ère environ le plateau de Guizèh et ses somptueuses tombes : les pyramides de Khéops, Khéphren et Mykérinos. Le Sphinx parcourt les siècles avec aisance bien qu’il faille régulièrement le déterrer car le sable, inlassablement, vient le recouvrir jusqu’aux épaules. La chrétienté puis l’islam passent et le culte du dieu lion à tête d’homme s’éteint progressivement sans toutefois totalement disparaître. Les musulmans d’Egypte le considèrent tel un génie et l’admirent comme une œuvre d’art défiant la nature et rendant grâce au génie humain voulu par Dieu. Malheureusement, les belles heures théologiques, bien souvent plus intellectuelles