Dans les profondeurs de ce sanctuaire, le parfum de l'encens et le bruit lointain des vagues étaient les seuls compagnons de Démosthène. Un homme qui, au fil des ans, avait élevé sa voix non seulement pour le bien d'Athènes mais pour l'écho d'une liberté universelle. Son ennemi intime: la Macédoine symbolisé par Philippe puis son fils, le Grand Alexandre. Chaque ligne sur son visage témoignait des batailles oratoires livrées, des nuits blanches passées à défendre une cause, des moments de doute et de triomphe.
En vain. Jadis, il fut humilié par Philippe lors d'une ambassade en Macédoine.
Cette fois c'est Antipater, régent de Macédoine et agissant sous les ordres d'Alexandre, déjà loin dans les terres asiatiques. Arrêté, il demande un temps calme, un bref délais afin de rédiger une lettre pour ceux qu'il aime. Il rentre dans le temple du dieu de l'ébranleur des terres, le frère de Zeus. Antipater accepte.
Alors que l'ombre de la mort approchait, il méditait. Les souvenirs de sa vie tourbillonnaient autour de lui - les visages de ceux qu'il aimait, les discours qu'il avait prononcés, les défaites et les victoires. Son esprit revint à sa jeunesse, quand tout semblait possible, quand Athènes était un phare d'espoir dans un monde tumultueux.
Mais le présent revenait rapidement. Le grincement des bottes, l'éclat métallique des armures annonçaient l'arrivée imminente de l'ennemi. L'air se refroidit alors que les Macédoniens, victorieux, pénétraient le temple.
Pour la plupart des mortels, ce serait un moment de désespoir, un moment de reddition. Mais Démosthène n'était pas un homme ordinaire. Même confronté à la mort, il cherchait une dernière opportunité, un dernier acte de rébellion. En demandant un moment pour écrire, il ne cherchait pas la pitié, mais une finalité digne de sa vie.
Les soldats, bien que habitués à la violence et à la mort, ne purent qu'observer avec horreur et respect l'acte final de l'orateur. Ce moment, où il choisit sa propre fin plutôt que de laisser son destin être décidé par d'autres, allait devenir l'une des images les plus puissantes de l'antiquité.
Feignant de remplir ses tablettes, il se plongea l'extrémité d'un poinçon empoisonné dans la bouche; il l'y maintint longuement. Une fois assuré de voir le poison Taire son effet, il se découvrit et, passant devant l'autel du dieu de la Mer, s'écria: « O Poseidon ! je quitte ton temple, mais les Macédoniens ne l'auront pas moins souillé par ma mort ». Il chancela et demanda qu'on le soutint. Brusquement, il poussa un profond soupir et tomba, foudroyé sans souffrances. Ainsi s'acheva la vie de l'une des plus hautes incarnations du patriotisme.
Quand la nouvelle de sa mort se répandit à travers les cités-états, un frisson parcourut la Grèce. Les rues d'Athènes étaient silencieuses, les marchés vides, les écoles fermées. La tragédie de Démosthène ne résidait pas seulement dans sa mort, mais dans le vide qu'il laissait derrière lui.
Des années plus tard, les poètes et les érudits écriraient sur cette journée tragique, transformant la douleur en mots, la perte en art. Mais au-delà des mots, la légende de Démosthène, l'orateur qui avait choisi de mourir en homme libre plutôt que de vivre en esclave, continuerait à inspirer des générations à venir.
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Ultime sacrifice pour un défenseur de la démocratie .
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