Jusqu'ici, Henri, roi de Navarre, futur roi de France (et de Navarre) sous le nom d’Henri IV, avait côtoyé des femmes qui suivaient les troupes ou des paysannes de Nérac, petite commune du sud-ouest de la France, sans y accorder plus d'attention qu'à un copieux festin. Dans la cour décadente et en déclin des Valois, il put trouver consolation à son épouvantable mariage ensanglanté avec Marguerite, la fameuse reine Margot, dans les bras de « l'escouade volante », ces belles dames que Catherine de Médicis manipulait pour ses desseins politiques. C'est Charlotte de Sauve que la reine-mère choisit pour devenir la favorite du roi de Navarre et de son beau-frère Alençon, dans le but de semer la zizanie entre les deux hommes. Mais elle ne connaissait visiblement pas le Vert-Galant qui, sans attachement sentimental, ne connaissait pas la jalousie et considérait que Charlotte avait suffisamment de désir pour satisfaire les deux hommes sans cesse en chasse. Marguerite, de son côté, ne montrait aucune offense. Elle voyait son mariage avec Henri comme une alliance.
« Il m'avait toujours parlé, a-t-elle écrit dans ses mémoires, de ce caprice, aussi librement qu'à une sœur, sachant bien que je n'étais aucunement jalouse, ne souhaitant que son bonheur. »
Après les atrocités de la Saint-Barthélemy, la vie au manoir familial de Nérac où les jeunes époux s'étaient installés ressemblait à un doux printemps. Henri y vivait « à la campagne », loin des tumultes de la ville, comme un noble rural. Si la chasse et les célébrations avaient leur place, l'amour occupait la première. Henri courtisait et multipliait les romances avec avidité la petite Tignonville, Mlle d'Ayelle, la Rebours, Mme de Montagu, Mme d'Allous, Aimée Le Grand, une certaine Armandine, la femme Cachicot, épouse d'un charbonnier, une tout aussi inconnue surnommée « la fille d'un certain Goliath », et enfin Catherine de Luc qui, lorsqu'il l'eut abandonnée, préféra mourir de faim plutôt que de vivre pour l'enfant que le roi lui laissait en souvenir. Anne de Cambefort, elle, adepte de méthodes plus directes, se jeta par la fenêtre lorsque son amant royal s’ennuya d’elle.
Il semblerait que les femmes de Nérac se seraient senties déshonorées si elles n'avaient pas été choisies - au moins une fois - par le maître des lieux. Chacune avait sa chance ! Étant donné que la maîtresse de maison, fuyant « l'odeur désagréable de l'ail et du pied » de son mari, agissait de la même manière avec les seigneurs de la petite cour, il n'est pas nécessaire d'avoir une imagination débordante pour évoquer l'ambiance extravagante qui devait régner au château de Nérac.
La seule conquête du roi qui fit battre un tant soit peu son cœur fut la très jeune Françoise de Montmorency, dite la Fosseuse. Elle était si jeune qu'il l'appelait « ma fille » alors qu'il n'avait lui-même que vingt-cinq ans. La petite Fosseuse avait de l'appétit et Henri lui fit d'abord la cour en régalant la jeune fille de mets sucrés et de gâteaux, sans parler de ce que les gens appelaient des « caresses bizarres » (je vous laisse ici à votre imagination). Elle céda, assez aisément, poussée d'ailleurs par la reine qui la trouvait « toute enfant et toute bonne ». Tout homme volage rêverait d’une Marguerite pour épouse ! Mais… lorsque l'enfant devint trop femme et cessa de « se conduire avec honneur », Margot changea d'avis.
Cela n'empêcha pas la reine, à la demande du roi qui vint la réveiller en pleine nuit, d'aider la Fosseuse à accoucher. « Dieu a voulu qu'elle ne fasse qu'une fille, dira Marguerite, qui plus est, était morte. ». La reine avait donc si peu de sentiments ! Cette première bâtarde connue ouvrira une liste impressionnante.
Cette ribambelle de bâtards du Béarnais, sa nature de collectionneur, jointe à son exubérance, à son éloquence, à sa gentillesse et à son humour, devait donner naissance au personnage légendaire qui fait du « bon roi Henri » le souverain le plus aimé de l'histoire de France. Une réputation presque… Française !
La Fosseuse fut bien vite oubliée dès que le Vert-Galant, une chaude nuit d'été 1583, rencontra Corisande. Ce ne sont pas ses parents qui l’affublèrent d'un prénom aussi difficile à porter; c'est elle qui changea son prénom de Diane contre celui de Corisande, héroïne de l'Amadis des Gaules, un roman de chevalerie espagnol. Cette liaison fut tout à fait honorable car elle allait interrompre pendant sept – longues - années la « longue débauche royale ».
Maurice Andrieux l'a dit de son côté, « si on enlevait de l'histoire amoureuse d'Henri IV l'épisode de Diane d'Andouins, sa vie sentimentale apparaîtrait comme une suite de liaisons assez dégradantes. » Leur amour était plus guidé par les battements de leur cœur que par les exigences de la sensualité - pour ne pas dire de l'érotisme royal.
La belle Corisande était la veuve de Philibert de Gramont, comte de Guiche, tué au siège de La Fère en 1579. Sa moralité était parfaite; elle n'en accepta pas moins de devenir la maîtresse de son roi, d'abord parce qu'elle aimait Henri de toute son âme et parce qu'elle était libre. Ce rôle, elle le tint avec rigueur, enthousiasme et don de soi jusqu'au moment où son Amant de Navarre devint roi de France. C'est alors qu'il quitta modestement « ses services ».
Alors que Henri s'engageait dans une nouvelle phase de sa vie amoureuse, ses amantes passées étaient loin d'être oubliées. Chacune avait apporté quelque chose à la vie de ce roi aux multiples facettes, son rôle évoluant au fil des années. Corisande, la femme qui lui avait montré ce qu'était un amour véritable et profond, avait également été celle qui avait révélé le potentiel de son influence royale.
Pendant les années suivantes, Henri ajouta encore à sa collection d'amantes. Il y avait Gabrielle d'Estrées (qui fera peut-être l’objet d’un autre article), bien sûr, mais aussi une ribambelle de femmes de toutes les strates de la société, de l'aristocratie à la paysannerie. Le roi ne fait, en amour, aucune distinction sociale.
La rumeur de ses escapades amoureuses s'est répandue à travers la France et même l’Europe, alimentant les potins et les ragots de la cour. Cependant, malgré la nature prolifique de ses amours, on se rappelle d’Henri IV comme un souverain généreux et bien-aimé. Sa réputation de "Vert-Galant" et sa capacité à mener sa cour avec charme et humour ont contribué à faire de lui une figure populaire dans l'histoire de la France.
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