Accéder au contenu principal

L’Hôtel Gaillard – Paris (75)

 


Merveilleux, magnifique, étonnant, féérique, les mots n’ont pas manqué dans la presse des années 1880, pour décrire la nouvelle demeure de Monsieur Emile Gaillard, située dans le 17e arrondissement de Paris. En effet, le bâtiment, par ses toits élancés et ses fines tourelles surplombant des murs de briques, a tout pour étonner et enchanter les passants.

 

Emile Gaillard est un important banquier d’origine grenobloise. Il participe au financement des chemins de fer, gère les biens du comte de Chambord descendant des Bourbons ou de Victor Hugo. Il apprend la musique auprès de Chopin, qui lui dédie l’une de ses mazurkas. Passionné par le Moyen Age et la Renaissance, il réunit une incroyable collection constituée de tableaux, mobiliers, tapisseries, vases et autres objets. Émile Gaillard est le digne représentant de l’engouement pour la période médiévale qui sévit durant le milieu du XIXe siècle. En effet, le romantisme a réveillé le goût pour le style gothique. Victor Hugo a publié le roman Notre-Dame de Paris en 1830. Viollet-Le-Duc restaure des abbayes et des cathédrales. Le château de Blois vient d’être rénové. Par ailleurs, les bourgeois de la révolution industrielle se retrouvent dans les valeurs et mode de vie des marchands du XVe siècle.

En 1878, Émile Gaillard achète deux terrains dans la plaine Monceau, gagnée par l’urbanisation parisienne. Il confie à l’architecte Jules Février l’édification d’un hôtel particulier dans le style gothique flamboyant, s’inspirant des châteaux de Gien et surtout de Blois. Il fait également construire deux hôtels particuliers adjacents. L’ensemble forme un U, enserrant une cour destinée aux équipages. À la différence des hôtels particuliers classiques, l’édifice ne se cache pas derrière un grand porche, car l’entrée donne sur la rue et non pas sur la cour. L’édifice sert à la fois de résidence privée, de lieu de réception mondain et d’écrin pour la collection. Les appartements privés se situent au rez-de-chaussée. Au 1er étage, se trouvent les pièces de réception, richement décorées : le petit salon, le grand salon et la galerie de tableaux. Le 2e étage est réservé à son fils aîné, Eugène. Pour la pendaison de crémaillère de leur nouvelle demeure en 1885, M. et Mme Gaillard donnent un bal costumé de plus de 2 000 invités en costume d’époque Renaissance. La fête dure toute la nuit et fait la une des journaux du lendemain. En 1902, Emile Gaillard décède. Son hôtel est mis en vente et sa collection dispersée.

 

Il faut attendre 1919 pour que cet immense bâtiment atypique trouve un acquéreur. En effet, la Banque de France l’achète pour 2 millions de francs, un prix bien inférieur aux 11 millions qu’a couté la construction. La Banque de France souhaite disposer d’une succursale dans ce quartier où résident nombres d’industriels. Les travaux sont confiés à l’architecte Alphonse Defrasse et au décorateur Jean-Henri Jansen. Les deux hommes conservent l’originalité du bâtiment, tout en l’aménageant et en le modernisant dans un style art déco. La cour centrale est recouverte d’une voute incrémentée de verrières et permet de réunir les trois bâtiments. La salle des coffres se situe sous la cour centrale. Elle contient 3874 coffres de dimensions variés répartis sur deux niveaux. Une lourde porte blindée marque l’entrée. On y accède via une sorte de pont-levis électrique. Une douve remplie d’eau entoure la salle des coffres. La succursale fonctionne jusqu’au 1er juillet 2006.

En 2011, la Banque de France conçoit le projet d’une Cité de l’économie dans l’enceinte de l’hôtel Gaillard. Néanmoins, le projet est suspendu dans une période de crise financière qui exige de la rigueur dans la gestion des finances publiques. En 2014, l'association des amis du général Dumas propose de faire de l'hôtel Gaillard un « centre Dumas » abritant un mémorial de l’esclavage et une maison des outre-mer. La Banque de France refuse de céder ses locaux. Deux ans plus tard, le projet de la Cité de l’Economie est confirmé. Les travaux débutent.

 

La Cité de l’Economie ou Citéco est inaugurée en 2019. Alliant modernité et lieu historique à l’architecture particulière, ce musée tend à expliquer les notions et les mécanismes de l'économie. Pour ce faire, il mise sur plusieurs variétés de supports : panneaux explicatifs, vidéos, écrans interactifs et de nombreux jeux. Vous pourrez ainsi vous mettre dans la peau d’un banquier, d’un trader ou d’un chef d’entreprise. La salle des coffres contient une salle d’exposition sur l’histoire de la monnaie abritant des monnaies et des billets de toutes les époques et de plusieurs zones géographiques. A côté de la fameuse planche à billets, vous pourrez même concevoir et imprimer vos propres billets dans la monnaie locale du musée le Gaillard. Un lieu merveilleux, magnifique, étonnant, féérique à découvrir en famille.

 

Le site de la Citéco : https://www.citeco.fr/

La mazurka de Chopin : https://www.youtube.com/watch?v=xbRRq4Sz4nw

 

Sources

Texte :

- Visite de la Citéco effectuée le 19 mars 2023

- Nota Bene : « Ce banquier organise une fête avec 2000 personnes ! - Hôtel Gaillard », vidéo publiée sur Youtube en mai 2022 : https://www.youtube.com/watch?v=XEaIDfc9lSA

Image : Benjamin Sacchelli photo prise le 19 mars 2023

Commentaires

Les articles les plus consultés

Lilith, la première femme de la Bible et d'Adam

Avez-vous d é j à lu la Bible? En entier? Peu l'ont fait! Au moins la Gen è se alors! La Gen è se? Mais si, le d é but, l'intro' ! Lorsque Dieu cr é e le ciel, la terre, les ê tres vivants et enfin l'homme Adam! Enfin, Adam et È ve... Vous connaissez cette histoire et souvent peu le reste. Lorsque je discute de la Bible avec des amis ou des é l è ves - pas toujours ignorants du fait religieux - je remarque souvent un ab î me d'ignorance de l'histoire biblique comme si on passait directement d'Adam à J é sus. Ah si: les gens connaissent aussi Abraham et Mo ï se. J'ai toujours aim é le d é but des histoires. La Bible ne fait pas exception. Je ne sais pas combien de fois j'ai pu lire et relire la Gen è se. Et puis un jour, un passage m'a turlupin é . Le sixi è me jour, Dieu d é cida de remplir la terre d'animaux, d'oiseaux et de bestioles. Puis, il est é crit: Chapitre 1: 26 Dieu dit : « Faisons l ’ homme à notre image, se

Alexandre le Grand homosexuel ? Le doute Hephaestion

Il est un fait, sur la possible homosexualité d’Alexandre, qu’il faut relever immédiatement. De toute sa vie, aucun acteur privilégié, c’est à dire proche du conquérant – et ils sont nombreux -  n’a jamais affirmé ou constaté de visu le voir pratiquer une relation sexuelle avec un autre homme. Cependant aucun non plus n’affirme qu’il n’en a jamais eue. La seule énigme tourne autour du seul et même homme avec qui il partage très souvent son quotidien: H é phaestion. Savoir si ces deux hommes ont un jour ou l’autre sauté cette fragile frontière qui sépare la grande amitié de l’amour restera pour l’éternité en suspens… du moins pour le moment ! Il faut s’attarder un instant sur l’ami intime d’Alexandre, celui qui lui sera toujours fidèle. H é phaestion naît à Pella, la même année qu’Alexandre. Fils d'Amyntas, un aristocrate macédonien, il reçoit également la même éducation que lui auprès du philosophe Aristote dans son adolescence. Il est un homme fort et beau. Certaines anecdo

Cléopâtre, son tapis et Jules César : Une Histoire d'Amour Épique et Mystérieuse qui a Bouleversé l'Empire Romain

Les amours passionnées entre la célèbre reine égyptienne Cléopâtre et le tout-puissant et charismatique Jules César forment un épisode à la fois mystérieux et envoûtant de l'histoire. Leur relation est digne des ébats charnels des dieux de l'Olympe. Au sein de leur amour naît un enfant légendaire et secret, Césarion, conférant à la reine une place singulière dans l'histoire et une renommée qui fait jaser du sénat romain jusqu'aux recoins les plus sombres de l'empire. Cléopâtre, descendante de Ptolémée Ier, général et compagnon d'Alexandre le Grand, est d'origine grecque, mais elle se distingue par son amour pour son peuple et son désir ardent de faire reconnaître l'Égypte comme la grande civilisation du monde méditerranéen, au même titre que Rome. Polyglotte, elle parle la langue de son peuple, une particularité sans précédent parmi les descendants de la dynastie des Ptolémées, qui règnent sur le trône depuis trois siècles.

Pasteur et la découverte du vaccin contre la rage

En 1879, Louis Pasteur, surnommé par René Dubos le « Franc-tireur de la science », a découvert le principe du vaccin et ceci grâce aux vacances d’été que celui-ci s’est octroyé. Tout grand esprit a besoin de repos. Le choléra des poules fait alors rage, depuis le printemps. Après plusieurs mois d’expériences infructueuses, Pasteur décide de se reposer et part rejoindre sa femme ainsi que toute sa famille dans sa maison de campagne. De retour dans son laboratoire, très détendu après ses congés estivaux, il reprend avec une grande motivation ses recherches, suivant le même procédé que celui établi jusque-là. Il inocule la bactérie du choléra sur des poules. Et il attend : une heure, deux heures. Aucune poule ne meurt. L’aiguille de l’horloge tourne et tourne pendant des heures, tout comme Pasteur dans son laboratoire. Rien ne se passe. Les poules sont toujours aussi pimpantes. Le chimiste de formation, loin d’être novice en matière d’expériences scientifiques, réfléchit : « Mais que

Hitler et Mussolini : quand l’élève dépasse le maître

En 1922, Benito Mussolini à la tête du parti fasciste italien, marche sur Rome et s’empare du pouvoir. Il transforme la démocratie en Etat fasciste. De l’autre côté des Alpes, Adolf Hitler observe ses actions. Mussolini est un modèle à suivre. Hitler organise son parti sur le modèle italien. L’année suivante, il tente lui aussi de marcher sur Berlin, pour s’emparer du pouvoir. C’est un échec. Il doit attendre les élections de 1933, pour accéder à la fonction de chancelier. La première entrevue entre les deux dictateurs se déroule à Rome en 1934. Le principal sujet réside dans la question autrichienne. Mussolini protège l’Autriche, qu’il considère comme une zone tampon face à l’Allemagne. Le meurtre du chancelier Dollfuss le 25 juillet 1934 par des sympathisants nazis est très mal vu par Rome. Mussolini envoie des troupes à la frontière, empêchant ainsi les nazis de prendre le pouvoir. Le Duce impose de par sa prestance. Vêtu de son bel uniforme, il apparaît comme l’homme fort au côté d

Aux origines de la galette bretonne

Chandeleur oblige, les crêpes sont de la partie ; et en Bretagne, qui dit crêpe, dit galette. L’histoire de la galette est étroitement associée à celle du blé noir, son principal ingrédient. C’est le parcours historique de cette céréale que nous allons retracer ici. Suivons à présent pas à pas la recette. Afin de réussir une bonne galette bretonne, accompagnons les croisés en Asie, au XIIe siècle. Après plusieurs milliers de kilomètres parcourus, des champs de fleurs roses s’étendent à perte de vue. Ce n’est pas un mirage, ni de simples fleurs d’ornement : les croisés découvrent le blé noir. Ils en prennent quelques plants, puis regagnent l’Europe avec des mules chargées de la précieuse semence. Mais le retour au Vieux Continent rime avec désillusion pour ces « chevaliers agricoles ». La culture de ce blé est exigeante et sa production reste faible. Néanmoins un espoir renaît du côté des exploitations d’une des régions françaises. Cet endroit est connu pour sa pluie :

Alexandre le Grand et Diogène: une rencontre de géant

Vous connaissez mon amour inconditionnel pour Alexandre le Grand. Aussi, aujourd'hui je vais vous conter un des épisodes qui m'a toujours marqué dans la vie du Macédonien : sa rencontre avec le célèbre philosophe cynique Diogène. De son entrevue, je crois, Alexandre en a retenu une leçon de vie qu'il essaiera, avec plus ou moins de bonheur ou de réussite, de s'appliquer tout au long de sa courte vie : l'humilité. Nous sommes en 335 avant notre ère. Alexandre n'est pas encore Alexandre le Grand et il n'a pas encore vingt-un ans. Pourtant, il est déjà craint par les Grecs... Bientôt par les Perses. En attendant, le jeune roi macédonien vient d'épater tous ceux qui doutaient encore de lui. Voilà quelques mois, son père Philippe mourrait sous les coups de couteaux de Pausanias - amant blessé - et la Grèce soumise décide alors de se révolter sous l'égide du meneur Démosthène et de la cité d'Athènes. Alexandre, fou de rage devant tant de traîtrise,

Hypatie d'Alexandrie, une femme seule face aux chrétiens

Alexandrie, ville de savoir ; ville de délices ; ville de richesses ! Et pourtant parfois, ville décadente et théâtre des pires atrocités faisant ressortir le vice animal, dénué de toute philosophie civilisatrice. En 415 de notre ère, cette Alexandrie, cité révérée et donnée en exemple, va connaître les premiers signes de sa décadence : elle assassine une des plus grandes savantes et philosophes de l’histoire de l'humanité, la belle et intelligente Hypatie. Née vers 370, Hypatie a environ dix ans lorsque l’empereur Théodose proclame la foi chrétienne comme étant la religion officielle de l’empire. Théodose met fin à un millénaire de stabilité religieuse et installe une religion qui tend à la prédominance   et qui, par l’intolérance qu’elle exerce, met l’empire en proie à des révoltes incessantes.  Moins d’un siècle suffira à le faire définitivement chuter ! Les chrétiens avaient été plusieurs fois massacrés – souvent injustement – servant de boucs émissaires quand la situation l’i

Le destructeur du nez du sphinx

Voilà bien longtemps que les hommes de la riche et nourricière terre d’Egypte le contemple. On vient également de loin pour se recueillir devant lui. Le Sphinx, cet être gigantesque que les plus grands hommes révèreront comme un dieu est un porte bonheur ! Né de la volonté du pharaon Khéphren, ce mastodonte taillé dans la roche garde depuis 2500 av. notre ère environ le plateau de Guizèh et ses somptueuses tombes : les pyramides de Khéops, Khéphren et Mykérinos. Le Sphinx parcourt les siècles avec aisance bien qu’il faille régulièrement le déterrer car le sable, inlassablement, vient le recouvrir jusqu’aux épaules. La chrétienté puis l’islam passent et le culte du dieu lion à tête d’homme s’éteint progressivement sans toutefois totalement disparaître. Les musulmans d’Egypte le considèrent tel un génie et l’admirent comme une œuvre d’art défiant la nature et rendant grâce au génie humain voulu par Dieu. Malheureusement, les belles heures théologiques, bien souvent plus intellectuelles