Accéder au contenu principal

Journal de Louis XV (4e partie)

 

1762  : Je prends décision de bannir les Jésuites de mon royaume. La tradition gallicane en France est opposée aux Jésuites, ordre inféodé au pape. L'occasion d'une attaque en règle est fournie par la faillite commerciale de l'établissement dirigé par le père Antoine Lavalette à la Martinique. Un de ses débiteurs, la maison Lionci et Gouffre de Marseille, se tourne vers la Compagnie auquel il réclame plus d’un million de livres. Les Jésuites optent pour le parlement de Paris qui les condamne à verser la somme réclamée. Mais l’abbé de Chauvelin saisit l'assemblée des Chambres afin qu'elle examine les Constitutions. Je tente d'obtenir du pape une réforme de la Constitution de l'ordre. Cependant, je me heurte à un refus. J’ai soutenu le Parlement, en espérant une souplesse de leur part en matière fiscale. Jean-Jacques Rousseau publie Le Contrat social, un appel pour un nouveau système politique basé sur l’égalité.

1763 : Je ratifie le traité de Paris mettant fin à la guerre Sept ans. Les Anglais acceptent la paix, d’une part, à cause du coût financier, et d’autre part à cause de l’attitude assez désinvolte à leur égard de Frédéric II. Sur le continent, le traité concrétise le statu quo. Ce n’est pas le cas des colonies. Nous recouvrons la Guadeloupe, la Martinique, Marie Galante, Gorée et nos comptoirs en Inde. Toutes nos autres possessions, dont le Québec, restent aux mains des Anglais. Nous acquérons Saint-Pierre et Miquelon, mais perdons la Louisiane en faveur de l’Espagne. Pour pouvoir récupérer Cuba, Madrid doit laisser la Floride aux Anglais.

1766 : Mon beau-père, Stanislas, décède. Par conséquent, les duchés de Lorraine et de Bar sont rattachés à la couronne de France. Cette année est marquée par une nouvelle affaire qui me porte encore en conflit avec le Parlement. Il s’agit de l’affaire La Chalotais du nom du procureur général du parlement de Bretagne. Il s'est fait un nom lors de l'expulsion des jésuites. Son grand rival à Rennes est le duc d'Aiguillon. L'affaire au parlement de Bretagne démarre par un refus d'enregistrement d'un édit qui maintenait le vingtième tout en atténuant d'autres points. Les choses s'enveniment rapidement. L’affaire provoque l'arrestation de La Chalotais, de son fils et de trois conseillers. Ces derniers m’adressent un courrier contenant des lettres qu'il a adressées à une de ses anciennes maîtresses Mademoiselle de Romans. Cet épisode joint à l'hostilité de la majorité des ministres à La Chalotais entraîne en réaction l'épisode dit de la flagellation. Je me rends au parlement de Paris, en présence tous les princes du sang, pour réaffirmer mon autorité.

1769 :La comtesse du Barry devient ma nouvelle maitresse. La Corse devient française. L’année dernière, j’ai passé un accord avec la République de Gênes. Mes troupes devaient pacifier l’île. Les Génois ne la conserveraient que s’ils ne pouvaient pas payer les dépenses de ladite pacification. Militairement, la campagne est marquée par deux combats majeurs. Tout d'abord, à la bataille de Borgo où Pascal Paoli remporte la victoire. À la suite de cet échec, un corps expéditionnaire débarque. Les nationaux sont finalement vaincus à la bataille de Ponte-Novo. Paoli part en exil en Angleterre et la Corse se soumet.

1770 : Je congédie Choiseul. Cette disgrâce a fait grand bruit. Ses partisans et les parlementaires l'attribuent à la comtesse du Barry. A la place, je nomme trois ministres intransigeants qui formeront le triumvirat. Son chef est le chancelier Maupeou, secondé par l’abbé Terray aux Finances et par le duc d’Aiguillon aux Affaires étrangères et à la Guerre.

1771 :Je réaffirme mon pouvoir envers les parlementaires provinciaux. Je supprime leur office et les exile dans leur résidence. Des agents royaux et des mousquetaires se présentent aux domiciles des parlementaires pour appliquer mes directives. Ensuite, je remplace les parlements régionaux par des hautes cours de justice civile et par six nouveaux hauts conseils régionaux. Seuls les pouvoirs du parlement de Paris demeurent largement inchangés. La suppression des parlements provinciaux me permet de promulguer de nouvelles lois et de lever de nouvelles taxes sans opposition.

1774 : On dit de moi que je possède un beau visage. Je me suis forgé un masque d’impassibilité difficile à percer. Je dissimule mes pensées autant par obligation de représentation, que par timidité et manque de confiance en soi. Pourtant, j’ai une excellente mémoire. J’aime lire. Mes résidences royales sont dotées de bibliothèques. Je suis curieux des connaissances scientifiques et techniques. Je suis aussi passionné d’architecture, de géographie et d'histoire de France. J’étonne mes interlocuteurs par la précision de mes connaissances liturgiques. La chasse demeure mon péché mignon. En France, l'opinion publique commence à s'imposer. Je n'en perçois pas l'importance. Je préfère connaître les positions des nobles et des robins. Je suis l’héritier d'une monarchie qui a renoncé à communiquer. Mon prédécesseur ne m'a légué ni les hommes, ni l'appareil en mesure d'élaborer et de diffuser les justifications et explications de ma politique. Ma propension au secret ne m’a pas incité à développer cet aspect. Ce manque de communication envers l'opinion publique est particulièrement gênant quand j’assume moi-même le pouvoir. En effet, l'opposition au roi et au christianisme publie beaucoup. Par ailleurs, là où les parlementaires adorent les discussions et les palabres, je leur réponds toujours de manière très laconique. En ce 10 mai, je rends mon âme à Dieu. Je succombe à une septicémie aggravée de complications pulmonaires, à l'âge de 64 ans et au terme de presque 60 ans de règne. Je laisse le trône à mon petit-fils Louis XVI. Il vous racontera son règne plus tard.

 

 

Sources

Texte

BORDONOVE Georges, Louis XV, Pygmalion Editions, 2002, 315p

Image : wikipédia.fr 

 

Commentaires

Les articles les plus consultés

Lilith, la première femme de la Bible et d'Adam

Avez-vous d é j à lu la Bible? En entier? Peu l'ont fait! Au moins la Gen è se alors! La Gen è se? Mais si, le d é but, l'intro' ! Lorsque Dieu cr é e le ciel, la terre, les ê tres vivants et enfin l'homme Adam! Enfin, Adam et È ve... Vous connaissez cette histoire et souvent peu le reste. Lorsque je discute de la Bible avec des amis ou des é l è ves - pas toujours ignorants du fait religieux - je remarque souvent un ab î me d'ignorance de l'histoire biblique comme si on passait directement d'Adam à J é sus. Ah si: les gens connaissent aussi Abraham et Mo ï se. J'ai toujours aim é le d é but des histoires. La Bible ne fait pas exception. Je ne sais pas combien de fois j'ai pu lire et relire la Gen è se. Et puis un jour, un passage m'a turlupin é . Le sixi è me jour, Dieu d é cida de remplir la terre d'animaux, d'oiseaux et de bestioles. Puis, il est é crit: Chapitre 1: 26 Dieu dit : « Faisons l ’ homme à notre image, se

Alexandre le Grand homosexuel ? Le doute Hephaestion

Il est un fait, sur la possible homosexualité d’Alexandre, qu’il faut relever immédiatement. De toute sa vie, aucun acteur privilégié, c’est à dire proche du conquérant – et ils sont nombreux -  n’a jamais affirmé ou constaté de visu le voir pratiquer une relation sexuelle avec un autre homme. Cependant aucun non plus n’affirme qu’il n’en a jamais eue. La seule énigme tourne autour du seul et même homme avec qui il partage très souvent son quotidien: H é phaestion. Savoir si ces deux hommes ont un jour ou l’autre sauté cette fragile frontière qui sépare la grande amitié de l’amour restera pour l’éternité en suspens… du moins pour le moment ! Il faut s’attarder un instant sur l’ami intime d’Alexandre, celui qui lui sera toujours fidèle. H é phaestion naît à Pella, la même année qu’Alexandre. Fils d'Amyntas, un aristocrate macédonien, il reçoit également la même éducation que lui auprès du philosophe Aristote dans son adolescence. Il est un homme fort et beau. Certaines anecdo

Cléopâtre, son tapis et Jules César : Une Histoire d'Amour Épique et Mystérieuse qui a Bouleversé l'Empire Romain

Les amours passionnées entre la célèbre reine égyptienne Cléopâtre et le tout-puissant et charismatique Jules César forment un épisode à la fois mystérieux et envoûtant de l'histoire. Leur relation est digne des ébats charnels des dieux de l'Olympe. Au sein de leur amour naît un enfant légendaire et secret, Césarion, conférant à la reine une place singulière dans l'histoire et une renommée qui fait jaser du sénat romain jusqu'aux recoins les plus sombres de l'empire. Cléopâtre, descendante de Ptolémée Ier, général et compagnon d'Alexandre le Grand, est d'origine grecque, mais elle se distingue par son amour pour son peuple et son désir ardent de faire reconnaître l'Égypte comme la grande civilisation du monde méditerranéen, au même titre que Rome. Polyglotte, elle parle la langue de son peuple, une particularité sans précédent parmi les descendants de la dynastie des Ptolémées, qui règnent sur le trône depuis trois siècles.

Pasteur et la découverte du vaccin contre la rage

En 1879, Louis Pasteur, surnommé par René Dubos le « Franc-tireur de la science », a découvert le principe du vaccin et ceci grâce aux vacances d’été que celui-ci s’est octroyé. Tout grand esprit a besoin de repos. Le choléra des poules fait alors rage, depuis le printemps. Après plusieurs mois d’expériences infructueuses, Pasteur décide de se reposer et part rejoindre sa femme ainsi que toute sa famille dans sa maison de campagne. De retour dans son laboratoire, très détendu après ses congés estivaux, il reprend avec une grande motivation ses recherches, suivant le même procédé que celui établi jusque-là. Il inocule la bactérie du choléra sur des poules. Et il attend : une heure, deux heures. Aucune poule ne meurt. L’aiguille de l’horloge tourne et tourne pendant des heures, tout comme Pasteur dans son laboratoire. Rien ne se passe. Les poules sont toujours aussi pimpantes. Le chimiste de formation, loin d’être novice en matière d’expériences scientifiques, réfléchit : « Mais que

Hitler et Mussolini : quand l’élève dépasse le maître

En 1922, Benito Mussolini à la tête du parti fasciste italien, marche sur Rome et s’empare du pouvoir. Il transforme la démocratie en Etat fasciste. De l’autre côté des Alpes, Adolf Hitler observe ses actions. Mussolini est un modèle à suivre. Hitler organise son parti sur le modèle italien. L’année suivante, il tente lui aussi de marcher sur Berlin, pour s’emparer du pouvoir. C’est un échec. Il doit attendre les élections de 1933, pour accéder à la fonction de chancelier. La première entrevue entre les deux dictateurs se déroule à Rome en 1934. Le principal sujet réside dans la question autrichienne. Mussolini protège l’Autriche, qu’il considère comme une zone tampon face à l’Allemagne. Le meurtre du chancelier Dollfuss le 25 juillet 1934 par des sympathisants nazis est très mal vu par Rome. Mussolini envoie des troupes à la frontière, empêchant ainsi les nazis de prendre le pouvoir. Le Duce impose de par sa prestance. Vêtu de son bel uniforme, il apparaît comme l’homme fort au côté d

Aux origines de la galette bretonne

Chandeleur oblige, les crêpes sont de la partie ; et en Bretagne, qui dit crêpe, dit galette. L’histoire de la galette est étroitement associée à celle du blé noir, son principal ingrédient. C’est le parcours historique de cette céréale que nous allons retracer ici. Suivons à présent pas à pas la recette. Afin de réussir une bonne galette bretonne, accompagnons les croisés en Asie, au XIIe siècle. Après plusieurs milliers de kilomètres parcourus, des champs de fleurs roses s’étendent à perte de vue. Ce n’est pas un mirage, ni de simples fleurs d’ornement : les croisés découvrent le blé noir. Ils en prennent quelques plants, puis regagnent l’Europe avec des mules chargées de la précieuse semence. Mais le retour au Vieux Continent rime avec désillusion pour ces « chevaliers agricoles ». La culture de ce blé est exigeante et sa production reste faible. Néanmoins un espoir renaît du côté des exploitations d’une des régions françaises. Cet endroit est connu pour sa pluie :

Alexandre le Grand et Diogène: une rencontre de géant

Vous connaissez mon amour inconditionnel pour Alexandre le Grand. Aussi, aujourd'hui je vais vous conter un des épisodes qui m'a toujours marqué dans la vie du Macédonien : sa rencontre avec le célèbre philosophe cynique Diogène. De son entrevue, je crois, Alexandre en a retenu une leçon de vie qu'il essaiera, avec plus ou moins de bonheur ou de réussite, de s'appliquer tout au long de sa courte vie : l'humilité. Nous sommes en 335 avant notre ère. Alexandre n'est pas encore Alexandre le Grand et il n'a pas encore vingt-un ans. Pourtant, il est déjà craint par les Grecs... Bientôt par les Perses. En attendant, le jeune roi macédonien vient d'épater tous ceux qui doutaient encore de lui. Voilà quelques mois, son père Philippe mourrait sous les coups de couteaux de Pausanias - amant blessé - et la Grèce soumise décide alors de se révolter sous l'égide du meneur Démosthène et de la cité d'Athènes. Alexandre, fou de rage devant tant de traîtrise,

Hypatie d'Alexandrie, une femme seule face aux chrétiens

Alexandrie, ville de savoir ; ville de délices ; ville de richesses ! Et pourtant parfois, ville décadente et théâtre des pires atrocités faisant ressortir le vice animal, dénué de toute philosophie civilisatrice. En 415 de notre ère, cette Alexandrie, cité révérée et donnée en exemple, va connaître les premiers signes de sa décadence : elle assassine une des plus grandes savantes et philosophes de l’histoire de l'humanité, la belle et intelligente Hypatie. Née vers 370, Hypatie a environ dix ans lorsque l’empereur Théodose proclame la foi chrétienne comme étant la religion officielle de l’empire. Théodose met fin à un millénaire de stabilité religieuse et installe une religion qui tend à la prédominance   et qui, par l’intolérance qu’elle exerce, met l’empire en proie à des révoltes incessantes.  Moins d’un siècle suffira à le faire définitivement chuter ! Les chrétiens avaient été plusieurs fois massacrés – souvent injustement – servant de boucs émissaires quand la situation l’i

Le destructeur du nez du sphinx

Voilà bien longtemps que les hommes de la riche et nourricière terre d’Egypte le contemple. On vient également de loin pour se recueillir devant lui. Le Sphinx, cet être gigantesque que les plus grands hommes révèreront comme un dieu est un porte bonheur ! Né de la volonté du pharaon Khéphren, ce mastodonte taillé dans la roche garde depuis 2500 av. notre ère environ le plateau de Guizèh et ses somptueuses tombes : les pyramides de Khéops, Khéphren et Mykérinos. Le Sphinx parcourt les siècles avec aisance bien qu’il faille régulièrement le déterrer car le sable, inlassablement, vient le recouvrir jusqu’aux épaules. La chrétienté puis l’islam passent et le culte du dieu lion à tête d’homme s’éteint progressivement sans toutefois totalement disparaître. Les musulmans d’Egypte le considèrent tel un génie et l’admirent comme une œuvre d’art défiant la nature et rendant grâce au génie humain voulu par Dieu. Malheureusement, les belles heures théologiques, bien souvent plus intellectuelles