Accéder au contenu principal

Les Noirs dans la Guerre de Sécession



 
La question de l’esclavage et par extension de celle de la population noire occupent une place majeure dans la Guerre de Sécession.

Au Nord, les abolitionnistes sont les opposants les plus virulents à la Sécession. Ils ne constituent pas la majorité. Beaucoup de Nordistes considèrent l’esclavage comme un moyen de contrôler une population étrangère. Même s’ils s’opposent à sa diffusion, ils ne sont pas automatiquement favorables à l’émancipation. Ainsi bien que l’esclavage soit aboli, les Noirs demeurent victimes de ségrégation et d’inégalités. Les préjugés à leur encontre sont monnaie courante. L’égalité devant la loi n’est pas à l’ordre du jour dans l’esprit de nombreux Blancs. Dans plusieurs Etats, ils ne jouissent pas du même statut, ni les mêmes droits. Certains Etats du Nord ont adopté des lois électorales excluant les Noirs. L'accès à certains postes leur est interdit, dont l'armée. Des hommes blancs et noirs se battent pour faire évoluer les choses, tel Frederick Douglass, ancien esclave lui-même.
La question du sort des affranchis, puis des esclaves libérés durant le conflit se pose. Certains politiciens proposent que les Noirs libérés migrent en Amérique centrale ou retournent en Afrique. En 1822, une société américaine de colonisation crée le Libéria à cette intention. L’origine de la création de cet Etat perdure dans le drapeau, qui ressemble à celui des Etats-Unis. Lincoln résout le problème sur le court terme en les incorporant à l’armée. Ainsi, tout en privant l’ennemi de main d’œuvre, il renforce ses effectifs. De plus, il se donne le beau rôle vis-à-vis de l’étranger en affichant son combat pour la libération des esclaves.
Au début de l’année 1862, les officiers constituent des régiments à partir des esclaves libérés. A cette période, ils sont considérés comme du matériel militaire pouvant être employé. La situation change au moment de la proclamation d’émancipation en mai 1862. A ce moment, les Noirs ont le droit d’intégrer l’armée. Beaucoup d’entre eux s’engagent pour libérer leurs frères asservis dans le Sud. Cependant, les réticences demeurent nombreuses. On doute de la capacité des Noirs à faire de bons soldats. Ils sont considérés comme peu fiables et pleutres et cantonnés à des postes subalternes. Seuls des officiers blancs sont habilités à diriger des troupes de soldats noirs. Créer des régiments mixtes est inenvisageable. Leur solde est moindre. Certains obtiennent des grades de sous-officiers. Quelques rares deviennent capitaine.
Les soldats noirs représentent 10% des effectifs de l’armée fédérale, soit environ 200.0000. Les deux tiers d’entre eux sont d’anciens esclaves. C’est la première fois dans l’histoire des Etats-Unis que des unités noires combattent. 37000 périssent durant les batailles ou suite à des blessures. 25 d’entre eux reçoivent la médaille d’honneur.

Les Etats du Sud recensent quatre millions de Noirs. Ils travaillent dans les plantations, les grandes maisons ou dans les villes. Un Sudiste ne peut concevoir qu’un Noir serve dans l’armée. D’un point de vue idéologique, il serait moins bon soldat qu’un Blanc. D’un point de vue pratique, il n’est pas question d’armer une population risquant de se retourner contre ses propriétaires. Intégrer les noirs à l’armée irait à l’encontre de l’idéologie de la Confédération. Ils demeurent cantonnés à des tâches d’intendance. En cas de capture, un Fédéré noir est réduit en esclavage ou fusillé.
La question de l’enrôlement des Noirs se pose lorsque les hommes disponibles deviennent de plus en plus rares. Le général Robert Lee proclame que si l'entrée des Noirs dans l'armée peut sauver la Confédération, alors il ne faut pas hésiter. Le 13 mars 1865, la Confédération autorise l’intégration des soldats noirs, afin de pallier le manque d’effectif. Le gouvernement incite les propriétaires à verser à l’armée jusqu’à 25% de leur cheptel humain. Deux régiments noirs sont ainsi constitués. Ces mesures bouleversent la hiérarchisation raciale et l’idéologie des Etats confédérés. Des témoignages de Fédérés mentionnent la présence de Noirs portant l’uniforme gris avant 1865. Il convient de distinguer les militaires des domestiques au service des officiers. Il est vrai que l’Etat de Louisiane intègre des noirs à ses régiments où il existe une forte communauté africaine. Ces derniers rejoindront l’armée fédérale en 1862 après la chute de La Nouvelle-Orléans. Les historiens ne s’accordent pas sur le nombre de soldats noirs dans les armées confédérées avant 1865. Seulement deux compagnies de soldats noirs sont mises sur pied et aucune d'entre elles ne participe aux combats. Les soldats confédérés haïssent les soldats noirs. Ils sont scandalisés de servir aux côtés d’anciens esclaves. Certains n’hésitent pas à les assassiner. A ce titre, beaucoup de Noirs désertent et se rendent aux Fédérés.

La décennie post-conflit voit la condition de la population noire s’améliore, notamment grâce à leur participation aux combats. En effet, les lois Jim Crow de 1877 permettent aux Etats de Sud de contourner les trois amendements établissant l’égalité de droits entre blancs et noirs. La ségrégation s’installe avec le lot de violence jusqu’à leur abolition en 1965.

Sources

Texte :
- KEEGAN John, La Guerre de Sécession, Perrin, Paris, 2013
- MILLET Olivier, « Les soldats noirs dans la guerre de Sécession », publié le 28 août 2015 sur le site http://civil-war-unforms.over-blog.com

Image :
https://www.thinglink.com/scene/598968447526764545

Commentaires

Les articles les plus consultés

Lilith, la première femme de la Bible et d'Adam

Avez-vous d é j à lu la Bible? En entier? Peu l'ont fait! Au moins la Gen è se alors! La Gen è se? Mais si, le d é but, l'intro' ! Lorsque Dieu cr é e le ciel, la terre, les ê tres vivants et enfin l'homme Adam! Enfin, Adam et È ve... Vous connaissez cette histoire et souvent peu le reste. Lorsque je discute de la Bible avec des amis ou des é l è ves - pas toujours ignorants du fait religieux - je remarque souvent un ab î me d'ignorance de l'histoire biblique comme si on passait directement d'Adam à J é sus. Ah si: les gens connaissent aussi Abraham et Mo ï se. J'ai toujours aim é le d é but des histoires. La Bible ne fait pas exception. Je ne sais pas combien de fois j'ai pu lire et relire la Gen è se. Et puis un jour, un passage m'a turlupin é . Le sixi è me jour, Dieu d é cida de remplir la terre d'animaux, d'oiseaux et de bestioles. Puis, il est é crit: Chapitre 1: 26 Dieu dit : « Faisons l ’ homme à notre image, se

Alexandre le Grand homosexuel ? Le doute Hephaestion

Il est un fait, sur la possible homosexualité d’Alexandre, qu’il faut relever immédiatement. De toute sa vie, aucun acteur privilégié, c’est à dire proche du conquérant – et ils sont nombreux -  n’a jamais affirmé ou constaté de visu le voir pratiquer une relation sexuelle avec un autre homme. Cependant aucun non plus n’affirme qu’il n’en a jamais eue. La seule énigme tourne autour du seul et même homme avec qui il partage très souvent son quotidien: H é phaestion. Savoir si ces deux hommes ont un jour ou l’autre sauté cette fragile frontière qui sépare la grande amitié de l’amour restera pour l’éternité en suspens… du moins pour le moment ! Il faut s’attarder un instant sur l’ami intime d’Alexandre, celui qui lui sera toujours fidèle. H é phaestion naît à Pella, la même année qu’Alexandre. Fils d'Amyntas, un aristocrate macédonien, il reçoit également la même éducation que lui auprès du philosophe Aristote dans son adolescence. Il est un homme fort et beau. Certaines anecdo

Cléopâtre, son tapis et Jules César : Une Histoire d'Amour Épique et Mystérieuse qui a Bouleversé l'Empire Romain

Les amours passionnées entre la célèbre reine égyptienne Cléopâtre et le tout-puissant et charismatique Jules César forment un épisode à la fois mystérieux et envoûtant de l'histoire. Leur relation est digne des ébats charnels des dieux de l'Olympe. Au sein de leur amour naît un enfant légendaire et secret, Césarion, conférant à la reine une place singulière dans l'histoire et une renommée qui fait jaser du sénat romain jusqu'aux recoins les plus sombres de l'empire. Cléopâtre, descendante de Ptolémée Ier, général et compagnon d'Alexandre le Grand, est d'origine grecque, mais elle se distingue par son amour pour son peuple et son désir ardent de faire reconnaître l'Égypte comme la grande civilisation du monde méditerranéen, au même titre que Rome. Polyglotte, elle parle la langue de son peuple, une particularité sans précédent parmi les descendants de la dynastie des Ptolémées, qui règnent sur le trône depuis trois siècles.

Pasteur et la découverte du vaccin contre la rage

En 1879, Louis Pasteur, surnommé par René Dubos le « Franc-tireur de la science », a découvert le principe du vaccin et ceci grâce aux vacances d’été que celui-ci s’est octroyé. Tout grand esprit a besoin de repos. Le choléra des poules fait alors rage, depuis le printemps. Après plusieurs mois d’expériences infructueuses, Pasteur décide de se reposer et part rejoindre sa femme ainsi que toute sa famille dans sa maison de campagne. De retour dans son laboratoire, très détendu après ses congés estivaux, il reprend avec une grande motivation ses recherches, suivant le même procédé que celui établi jusque-là. Il inocule la bactérie du choléra sur des poules. Et il attend : une heure, deux heures. Aucune poule ne meurt. L’aiguille de l’horloge tourne et tourne pendant des heures, tout comme Pasteur dans son laboratoire. Rien ne se passe. Les poules sont toujours aussi pimpantes. Le chimiste de formation, loin d’être novice en matière d’expériences scientifiques, réfléchit : « Mais que

Hitler et Mussolini : quand l’élève dépasse le maître

En 1922, Benito Mussolini à la tête du parti fasciste italien, marche sur Rome et s’empare du pouvoir. Il transforme la démocratie en Etat fasciste. De l’autre côté des Alpes, Adolf Hitler observe ses actions. Mussolini est un modèle à suivre. Hitler organise son parti sur le modèle italien. L’année suivante, il tente lui aussi de marcher sur Berlin, pour s’emparer du pouvoir. C’est un échec. Il doit attendre les élections de 1933, pour accéder à la fonction de chancelier. La première entrevue entre les deux dictateurs se déroule à Rome en 1934. Le principal sujet réside dans la question autrichienne. Mussolini protège l’Autriche, qu’il considère comme une zone tampon face à l’Allemagne. Le meurtre du chancelier Dollfuss le 25 juillet 1934 par des sympathisants nazis est très mal vu par Rome. Mussolini envoie des troupes à la frontière, empêchant ainsi les nazis de prendre le pouvoir. Le Duce impose de par sa prestance. Vêtu de son bel uniforme, il apparaît comme l’homme fort au côté d

Aux origines de la galette bretonne

Chandeleur oblige, les crêpes sont de la partie ; et en Bretagne, qui dit crêpe, dit galette. L’histoire de la galette est étroitement associée à celle du blé noir, son principal ingrédient. C’est le parcours historique de cette céréale que nous allons retracer ici. Suivons à présent pas à pas la recette. Afin de réussir une bonne galette bretonne, accompagnons les croisés en Asie, au XIIe siècle. Après plusieurs milliers de kilomètres parcourus, des champs de fleurs roses s’étendent à perte de vue. Ce n’est pas un mirage, ni de simples fleurs d’ornement : les croisés découvrent le blé noir. Ils en prennent quelques plants, puis regagnent l’Europe avec des mules chargées de la précieuse semence. Mais le retour au Vieux Continent rime avec désillusion pour ces « chevaliers agricoles ». La culture de ce blé est exigeante et sa production reste faible. Néanmoins un espoir renaît du côté des exploitations d’une des régions françaises. Cet endroit est connu pour sa pluie :

Alexandre le Grand et Diogène: une rencontre de géant

Vous connaissez mon amour inconditionnel pour Alexandre le Grand. Aussi, aujourd'hui je vais vous conter un des épisodes qui m'a toujours marqué dans la vie du Macédonien : sa rencontre avec le célèbre philosophe cynique Diogène. De son entrevue, je crois, Alexandre en a retenu une leçon de vie qu'il essaiera, avec plus ou moins de bonheur ou de réussite, de s'appliquer tout au long de sa courte vie : l'humilité. Nous sommes en 335 avant notre ère. Alexandre n'est pas encore Alexandre le Grand et il n'a pas encore vingt-un ans. Pourtant, il est déjà craint par les Grecs... Bientôt par les Perses. En attendant, le jeune roi macédonien vient d'épater tous ceux qui doutaient encore de lui. Voilà quelques mois, son père Philippe mourrait sous les coups de couteaux de Pausanias - amant blessé - et la Grèce soumise décide alors de se révolter sous l'égide du meneur Démosthène et de la cité d'Athènes. Alexandre, fou de rage devant tant de traîtrise,

Hypatie d'Alexandrie, une femme seule face aux chrétiens

Alexandrie, ville de savoir ; ville de délices ; ville de richesses ! Et pourtant parfois, ville décadente et théâtre des pires atrocités faisant ressortir le vice animal, dénué de toute philosophie civilisatrice. En 415 de notre ère, cette Alexandrie, cité révérée et donnée en exemple, va connaître les premiers signes de sa décadence : elle assassine une des plus grandes savantes et philosophes de l’histoire de l'humanité, la belle et intelligente Hypatie. Née vers 370, Hypatie a environ dix ans lorsque l’empereur Théodose proclame la foi chrétienne comme étant la religion officielle de l’empire. Théodose met fin à un millénaire de stabilité religieuse et installe une religion qui tend à la prédominance   et qui, par l’intolérance qu’elle exerce, met l’empire en proie à des révoltes incessantes.  Moins d’un siècle suffira à le faire définitivement chuter ! Les chrétiens avaient été plusieurs fois massacrés – souvent injustement – servant de boucs émissaires quand la situation l’i

Le destructeur du nez du sphinx

Voilà bien longtemps que les hommes de la riche et nourricière terre d’Egypte le contemple. On vient également de loin pour se recueillir devant lui. Le Sphinx, cet être gigantesque que les plus grands hommes révèreront comme un dieu est un porte bonheur ! Né de la volonté du pharaon Khéphren, ce mastodonte taillé dans la roche garde depuis 2500 av. notre ère environ le plateau de Guizèh et ses somptueuses tombes : les pyramides de Khéops, Khéphren et Mykérinos. Le Sphinx parcourt les siècles avec aisance bien qu’il faille régulièrement le déterrer car le sable, inlassablement, vient le recouvrir jusqu’aux épaules. La chrétienté puis l’islam passent et le culte du dieu lion à tête d’homme s’éteint progressivement sans toutefois totalement disparaître. Les musulmans d’Egypte le considèrent tel un génie et l’admirent comme une œuvre d’art défiant la nature et rendant grâce au génie humain voulu par Dieu. Malheureusement, les belles heures théologiques, bien souvent plus intellectuelles