L’Os d’Ust-Ishim : La Clé des Origines Humaines en Eurasie ?

Après l’espace et les airs laissez-moi vous vous emmener dans les couloirs du temps. Plus loin que l’Histoire. Partons rencontrer un ancêtre lointain. Cependant notre histoire commence il y a paradoxalement peu de temps. En effet, les plus grandes découvertes naissent d’un simple hasard. En 2008, un sculpteur russe, Nikolaï Peristov, parcourait les berges du fleuve Irtych prête du district d’Ust-Ishim en Sibérie occidentale, à la recherche d’ivoire de mammouth pour ses créations artistiques. Il ne savait pas encore qu’il allait tomber sur l’un des ossements humains les plus précieux de l’histoire de l’humanité. Ce fragment de fémur, noirci par le temps, allait se révéler être celui d’un Homo sapiens ayant vécu il y a environ 45 000 ans. Mais ce n’est pas tout : l’ADN extrait de cet os est le plus ancien ADN humain complet jamais séquencé. Une fenêtre extraordinaire sur un passé oublié, sur les premières populations humaines d’Eurasie… et sur les mystérieux croisements entre Homo sapiens et Néandertal.

Ce jour-là, Nikolaï Peristov fouille les rives de l’Irtych, un fleuve qui serpente à travers la Sibérie. Parmi les débris charriés par l’eau et la glace, il repère un os à l’aspect particulier. Noir, dense, minéralisé, il ressemble aux ossements de mammouth qu’il ramasse habituellement. Intrigué, il décide de l’apporter à la police locale. Les enquêteurs, d’abord perplexes, écartent vite l’idée d’un crime récent : cet os est ancien, très ancien. Son apparence et sa texture rappellent celles des fossiles du Paléolithique. Pour en avoir le cœur net, l’os est envoyé à l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutionniste, où il atterrit entre les mains du généticien Svante Pääbo et ce que son équipe va découvrir dépasse toutes les attentes. En effet, les analyses révèlent rapidement que ce fragment de fémur appartenait à un Homo sapiens ayant vécu il y a 45 000 ans. Mais l’aspect le plus fascinant réside dans son génome remarquablement bien conservé, grâce aux conditions glaciales de la Sibérie. Après des mois de séquençage minutieux, les chercheurs parviennent à reconstituer l’intégralité de son ADN, ce qui en fait le plus ancien génome humain jamais décrypté.


Mais une autre surprise attend les scientifiques : l’homme d’Ust-Ishim est un témoin direct du métissage entre Homo sapiens et Néandertal.


Depuis plusieurs années, les paléoanthropologues savent que les humains modernes se sont croisés avec les Néandertaliens en Eurasie. Mais jusqu’ici, il était difficile d’en établir une datation précise.

L’analyse du génome de l’homme d’Ust-Ishim change la donne :

  • Il porte des segments d’ADN néandertalien longs et intacts. Plus les générations passent, plus cet ADN se fragmente dans le génome des humains modernes.
  • En analysant ces segments, les chercheurs calculent que l’un de ses ancêtres a eu un enfant avec un Néandertalien entre 1 500 et 2 000 ans avant sa naissance.
  • Ce métissage aurait donc eu lieu il y a environ 46 000 à 47 000 ans.

Cela signifie que l’homme d’Ust-Ishim n’était pas un descendant lointain de ce métissage, mais un témoin direct des premières rencontres entre espèces humaines.

Malgré cette proximité avec nous, l’homme d’Ust-Ishim n’a laissé aucune descendance dans les populations modernes. Son peuple appartenait à une lignée humaine aujourd’hui éteinte, qui n’a pas contribué à la génétique des Européens ou des Asiatiques actuels. Ce n’est pas la seule surprise. Les chercheurs constatent qu’il ne partage aucun lien génétique avec les Dénisoviens, ces mystérieux cousins de Néandertal qui peuplaient la Sibérie orientale. Pourtant, il vivait non loin de la grotte de Denisova, où l’on a retrouvé des traces de leur présence. Pourquoi cette absence de contact ? Était-il issu d’une migration différente, arrivée par l’ouest plutôt que par le sud ? Cette découverte remet en question nos certitudes sur les mouvements des premiers Homo sapiens en Eurasie.


L’homme d’Ust-Ishim n’est pas le seul humain préhistorique retrouvé en Sibérie. À Yana, bien plus au nord, des restes d’Homo sapiens vieux de 48 000 ans ont été découverts. Pourtant, ces « anciens Sibériens du Nord » sont totalement distincts de l’homme d’Ust-Ishim. Pire encore : nous savons, grâce à l’analyse des carcasses de mammouths et de loups, que des humains ont chassé dans les régions polaires bien avant 48 000 ans. Mais nous n’avons jamais retrouvé leurs ossements, ni leurs outils, ni leurs camps. Une humanité fantôme, dont on ignore tout… Alors, qui étaient ces premiers habitants de l’Arctique ? Cette question reste entière. Mais une chose est sûre : les premiers Homo sapiens ont colonisé le nord bien plus tôt qu’on ne le pensait.

Si l’homme d’Ust-Ishim a rencontré Néandertal, où cette rencontre a-t-elle eu lieu ? Les Dénisoviens vivaient dans des régions plus méridionales de Sibérie. Mais les Néandertaliens, eux, auraient pu occuper des zones bien plus septentrionales. Certains chercheurs se demandent aujourd’hui si Néandertal était lui-aussi, un véritable homme des glaces, capable de survivre dans des environnements arctiques que Homo sapiens n’atteindra que bien plus tard. L’étude de l’homme d’Ust-Ishim suggère en tout cas que le point de rencontre entre Sapiens et Néandertal s’est peut-être situé bien plus au nord qu’on ne l’imaginait.


L’os d’Ust-Ishim n’est pas qu’un simple vestige du passé. Il est la clé d’un chapitre inconnu de l’histoire humaine. Grâce à lui, nous avons appris que :
Le métissage entre Homo sapiens et Néandertal s’est produit il y a au moins 46 000 à 47 000 ans.
Les premières populations humaines de Sibérie étaient bien plus diverses qu’on ne le pensait.
Des humains chassaient déjà dans l’Arctique il y a plus de 48 000 ans, mais nous ignorons tout d’eux.
Néandertal pourrait avoir été un habitant des régions polaires, contrairement aux Dénisoviens.

Chaque réponse soulève une nouvelle question. Qui étaient ces humains du Grand Nord ? Pourquoi certaines lignées ont-elles disparu tandis que d’autres ont prospéré ? L’os d’Ust-Ishim a brisé le silence de 45 000 ans. Mais il reste encore tant à découvrir sur cette humanité perdue, sur ces chasseurs de mammouths aux marges du monde connu… et peut-être, sur les véritables premiers explorateurs de l’Arctique.

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