Louis XVI et la Guerre d'Indépendance des Etats-Unis : Une Revanche Historique

Louis XVI n’a pas bonne presse. On ne connaît de lui que ce que la République a voulu que l’on garde de lui : un roi raté, obèse voire même un peu simplet. Et pourtant, tout n’a pas été mauvais. Loin de là. Remarquable, par exemple, furent sa conduite envers l'Angleterre et son intervention dans la guerre d'Amérique. Les USA d’aujourd’hui doivent beaucoup au roi Français d’alors.

 

Depuis qu'il avait atteint l'âge d'homme, il n'avait jamais cessé de songer à une revanche des échecs subis au cours de la guerre de Sept Ans. Pendant cette tragique guerre, le royaume de France avait été humilié par les choix inconsidérés d’un de ses plus mauvais rois : Louis XV. Plus occupé à flatter les dames qu’à faire de la politique, le roi avait fait perdre beaucoup de ses territoires, notamment outre-Atlantique, à l’ennemi Anglais.

 

L'anglomanie qui sévissait dans les premiers temps de son règne lui avait même donné un peu d'impatience. Si bien qu'il avait dit, un jour, au duc de Lauzun, grand amateur des modes britanniques : « Monsieur, quand on aime autant les Anglais, on doit aller s'établir chez eux. »

 

II n'en avait pas moins hésité à envisager un conflit armé, car ses tendances humanitaires, entretenues par sa lecture quotidienne du Télémaque de Fénelon, lui rendaient extrêmement pénible l'obligation de verser le sang. Le roi était plutôt d’un genre pacifiste. Et puis, Vergennes, son ministre des Affaires étrangères, lui avait d'abord conseillé la prudence. A en croire le ministre, l'Angleterre n'était pas si éloignée, elle aussi, de vouloir le combat, parce qu'elle voyait « avec une jalouse cupidité l'essor de nos plantations en Amérique et de notre industrie en Europe »; et si quelque chose la retenait encore, c'était uniquement la certitude qu'au premier coup de canon s'affirmerait la solidarité de la France et de l'Espagne.

 

De son côté, Louis XVI n'était pas non plus disposé à se mesurer avec la grande puissance maritime, avant d'avoir accru le nombre et la qualité de ses bateaux. On sait qu'il avait toujours montré beaucoup de curiosité pour la marine. En 1780, il entreprit donc un voyage à Cherbourg, afin de rechercher s'il ne serait pas possible de tenter un débarquement sur la côte anglaise. Mais, sur place, tout le monde l’en dissuada car le projet était, au dire de tous les marins, irréalisable. II fallait auparavant construire un port formidable, capable de contenir au moins trente-quatre vaisseaux de ligne. Un plan lui fut présenté par un certain Dumouriez. Le roi eut le nez creux en le nommant commandant en chef de Cherbourg : c’est ce même Dumouriez qui sauvera la France à Valmy.

 

Ce soir-là, il écrivit à la reine : « Je suis le plus heureux roi du monde. » C'est qu'il sentait que l'heure approchait où son effort porterait fruit, et où une flotte française pourrait enfin lutter avec avantage contre la dominatrice des mers.

Nous sommes désormais en 1778.

 

L'Angleterre combattait alors ses sujets révoltés du Nouveau Monde. Louis XVI voulait intervenir mais redoutait d'apparaître l'agresseur. II aurait mieux aimé que les Anglais prissent l'initiative d'engager les hostilités pour le mettre ainsi dans la nécessité de se défendre. La Fortune l’écouta et une occasion favorable ne tarda pas à se présenter. L'armée anglaise venait d'être battue par les Américains à Saratoga lorsqu'une frégate française, la Belle Poule, se vit attaquée par deux unités de la flotte britannique. Les marins français soutinrent un combat glorieux qui eut un profond retentissement dans l'opinion publique américaine. Aussitôt, Louis XVI signa avec Washington un traité de commerce, d'amitié et d'alliance et écrivit à l'amiral de France, le duc de Penthièvre : « L'insulte faite à mon pavillon m'a forcé à mettre un terme à la modération que je m'étais proposée. »

 

La première rencontre eut lieu au large d'Ouessant. Commandée par l'amiral de Grasse et le duc de Chartres, la flotte royale obligea la flotte anglaise à battre en retraite, du reste sans grandes pertes.

 

La guerre était ainsi déchaînée.

 

A l'enthousiasme que manifesta l'ensemble de la nation, Louis XVI put juger qu'il avait bien interprété les vœux de ses sujets. La haine franco-anglaise, depuis l’horrible Guerre de Cent ans, était tenace. Pour l’heure, c'était désormais « l'américomanie » qui remplaçait maintenant à Paris l'ancien engouement pour les insulaires. Dès 1776, l'arrivée au Havre de Benjamin Franklin, chargé de négocier l’alliance, avec son habillement rustique, ses cheveux sans poudre, son air « antique », avait éveillé une curiosité et une sympathie générales. Le portrait du bonhomme fut bientôt sur toutes les cheminées. Il y eut des tabatières et même des chiffons « à la Franklin ». L'ambassade que reçut officiellement le roi, peu après la conclusion de l'alliance, provoqua un enthousiasme sans mesure. On s'écrasait pour voir passer les envoyés de Washington, auxquels Louis XVI déclara : « Assurez le Congrès de mon amitié. J'espère que ce sera pour le bien des deux nations. »

 

Maintenant que le conflit était engagé, le roi, d'accord en cela avec la plus grande partie de son peuple, eût voulu frapper l'ennemi au nœud de sa force, et il reparla du projet de débarquement en Grande-Bretagne. La Fayette revint d'Amérique tout exprès pour prendre part à l'opération, qui s'annonçait glorieuse, et écrivit à Washington : « Un coup se prépare qui fera tomber cette grandeur soufflée de l'Angleterre. » On avait ainsi songé à jeter quarante mille soldats français dans l’île de Wight, d'où il eût été possible de menacer Southampton. Quatre cents bateaux furent rassemblés à Saint-Malo pour le transport de l'armée d'invasion. Mais les difficultés traditionnelles d'une telle entreprise se révélèrent bientôt. Les flottes alliées de l'Espagne et de la France ne surent pas, en dépit de leur supériorité numérique prendre en défaut la vigilance des bâtiments britanniques. Louis XVI reconnut lui-même que l'aventure de Guillaume le Conquérant, presque 700 ans auparavant, ne pouvait se pas renouveler... Et la marine royale fut obligée de se résigner à chercher sa revanche sur un théâtre plus lointain. Tout le royaume retentissait alors des exploits de La Motte-Picquet qui enleva, une fois, un immense convoi ramenant en Angleterre les richesses de l’île de Saint-Eustache, la plus riche des Antilles hollandaises, ou de ceux de Suffren dans les mers de l'Inde.

 

Finalement, ce fut sur le sol américain que l'on se décida à jouer le sort de cet affrontement. Le comte de Grasse ayant repoussé la flotte de Hood, Cornwallis, bloqué dans Yorktown, ne put tenir tête au bombardement des troupes de Rochambeau et de Washington et se rendit, le 19 octobre 1781, avec 22 drapeaux, 160 pièces de canon, 6 000 soldats et 1 500 matelots. La nouvelle souleva en France un véritable enthousiasme. Grâce au « bon » roi, qui parut un instant un grand roi, le pays vaincu et épuisé du traité de Paris redevenait l'arbitre de l'Europe, tandis que l'Angleterre, qui perdait une de ses positions essentielles dans le monde, restait trop affaiblie.

 

La Fayette, de retour à Paris, fut couronné de fleurs sur la scène de l'Opéra. La paix, signée peu après à Versailles, en grand apparat, rendait à la couronne le Sénégal, l'abolition des clauses qui interdisaient la France de fortifier Dunkerque et le départ des commissaires anglais qui contrôlaient le trafic du port. 

 

Vergennes, qui allait assister le roi de ses conseils jusqu'à sa mort en 1787, ne devait jamais cesser de signaler la grande part qu'avait prise le monarque à cet effort comme à ces succès, qui rendaient presque à la France son ancienne prépondérance.

 

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