Napoléon : Le Retour de l’Île d’Elbe et les Cent-Jours qui Ont Fait Trembler l’Europe (1815)

Napoléon débarquant à Golfe-Juan en 1815, entouré de ses soldats, au lever du soleil – début des Cent-Jours.
Napoléon débarquant à Golfe-Juan en 1815, au lever du jour, ouvrant l’épopée des Cent-Jours.

Napoléon revient de l'île d’Elbe et bouleverse l’Europe : récit immersif et rigoureux des Cent-Jours, entre gloire, tension politique et chute finale.

Le Vol de l’Aigle : du roc méditerranéen à la capitale impériale

Une évasion minutieusement orchestrée

Le 26 février 1815, alors que l’Europe se croit débarrassée de celui qu’elle nommait « l’Ogre corse », Napoléon quitte l'île d’Elbe sous un ciel pâle, à bord de l’Inconstant, un petit brick escorté par quelques bâtiments fidèles. Le Congrès de Vienne n’est pas encore achevé, les souverains d’Europe se partagent les dépouilles de l'Empire. Mais l’Empereur, lui, prépare son retour comme une pièce de théâtre grandiose.

À l’île d’Elbe, Napoléon avait organisé une véritable micro-cour, gardant autour de lui une garde impériale, un drapeau, et les insignes du pouvoir comme s’il ne s’était jamais vraiment résolu à l’exil. Les services de renseignement autrichiens avaient pourtant intercepté des rumeurs sur un possible retour, mais les puissances européennes, concentrées sur le Congrès de Vienne, sous-estimèrent l’audace de l’Empereur. Sa flotte, composée de bâtiments vétustes, croise un navire royaliste français ; par un coup de chance ou une intuition habile, Napoléon le trompe et évite l’affrontement.

Sa destination ? La France. Son objectif ? Paris. Avec à peine un millier d’hommes — les célèbres grognards de la Garde —, il entame un pari fou. Le débarquement à Golfe-Juan, le 1er mars 1815, marque le début des Cent-Jours, une période aussi brève qu’intense qui changera à nouveau la face du continent.

Golfe-Juan : le retour d’un spectre impérial

Sur la plage silencieuse, les vagues caressent les galets alors que les bottes claquent sur le bois mouillé des canots. Napoléon, en grande tenue de colonel des chasseurs à pied, met le pied sur le sol français. Il lève les yeux vers les montagnes enneigées de l’Estérel. Devant lui, la Route Napoléon commence.

Le débarquement, sans opposition, se fait dans une angoisse palpable : tous savent que s’il échoue, ce sera la mort ou l’emprisonnement. Certains habitants locaux, témoins muets de la scène, croient d’abord à un débarquement de contrebandiers avant de reconnaître la silhouette inimitable de Napoléon. Le climat politique est tendu : les préfets, les maires, les commandants de garnison ne savent comment réagir face à un homme qui fut empereur mais ne l’est plus — officiellement.

À ce moment-là, peu d’hommes dans l’Histoire ont été aussi seuls face à un destin aussi immense. Mais lui avance, sûr de son génie, confiant dans le magnétisme qu’il exerce toujours sur la France.

Une marche fulgurante vers Paris

Le miracle de Grenoble

Dès les premiers jours, les villages traversés observent cette étrange colonne. Ce n’est pas une armée d’invasion, mais une armée d’ombres glorieuses, usée, blessée, mais encore fière.

L’armée royale, bien que numériquement supérieure, est composée de jeunes recrues mal préparées, peu enthousiastes à l’idée de s’opposer à leur ancien chef. Des lettres interceptées témoignent du trouble dans les rangs : des soldats écrivent à leurs familles en confessant leur admiration intacte pour « le petit caporal ». Cet épisode devient immédiatement une image mythique de la propagande napoléonienne, immortalisée par les gravures populaires et les récits de vétérans.

Arrivé près de Grenoble, le 7 mars, l’affrontement paraît inévitable : le 5e de ligne, envoyé par Louis XVIII, lui barre la route. Napoléon s'avance seul, ouvrant sa redingote : « Soldats ! Me reconnaissez-vous ? S'il en est un parmi vous qui veuille tuer son empereur, me voilà ! »

Un instant suspend le monde. Puis, les cris éclatent : « Vive l’Empereur ! ». Les soldats rejoignent ses rangs. Le mythe vient de renaître.

Le ralliement du peuple… et de Ney

Les jours suivants, Napoléon est acclamé dans chaque ville. À Lyon, il est porté en triomphe ; à Auxerre, la population se presse pour l’apercevoir. Le retour n’est pas qu’un fait militaire, c’est une reconquête des cœurs.

Ney est entouré de conseillers royalistes qui tentent de le dissuader de changer de camp, mais il ressent le vent tourner, même dans ses propres régiments. Il aurait versé des larmes la veille de son ralliement, conscient qu’il trahissait une parole donnée, mais convaincu qu’il agissait pour sauver la France d’une guerre civile. À partir de ce moment, la progression de Napoléon prend une allure quasi mystique : on parle de villages entiers en liesse, d’anciens officiers ressortant leurs uniformes, de paysans brandissant des cocardes tricolores.

Mais l'événement qui fera basculer la campagne est le revirement du maréchal Michel Ney. Envoyé pour arrêter Napoléon, il promet au roi de le ramener « dans une cage de fer ». Or, arrivé à Lons-le-Saunier, Ney sent la ferveur populaire, la force de l’aura impériale. Le 14 mars, il déclare à ses troupes : « L'Empereur est véritablement invincible. Je ne puis trahir ni la France, ni la gloire. »

Il se rallie. L’onde de choc est immense.

Une France divisée, un trône fragile

Le roi s’enfuit, les Tuileries se vident

À Paris, Louis XVIII hésite, tergiverse, espère un miracle venu d’Angleterre ou de Russie. Mais le peuple gronde, les soldats désertent, la monarchie restaurée peine à convaincre. Le 19 mars, sentant la fin venir, le roi quitte les Tuileries à la hâte pour Gand.

Dans les salons parisiens, les discussions deviennent fiévreuses : les libéraux hésitent, les légitimistes paniquent, les anciens bonapartistes jubilent en secret. Les diplomates étrangers installés à Paris rapportent, dans leurs dépêches, une atmosphère de chaos organisé, une ville suspendue entre deux pouvoirs. Le roi, mal conseillé, ne tente même pas de défendre Paris, préférant fuir en abandonnant jusqu’à ses archives personnelles aux mains de Napoléon.

Le lendemain, Napoléon entre dans Paris sans tirer un coup de feu. Il grimpe les marches du palais, parcourt les couloirs, redécouvre ses appartements. Une foule l’acclame, l’ancien monde semble avoir été balayé en quelques jours.

Le retour d’un empereur, pas d’un tyran

Mais cette fois, Napoléon sait que son empire ne peut reposer uniquement sur la force. Il promet une monarchie constitutionnelle, rédige l’Acte additionnel aux constitutions de l’Empire, et tente de rassurer les puissances étrangères. Il leur écrit : « Je suis revenu avec le désir de paix. Je ne veux que ce que la France veut : sa grandeur et sa liberté. »

Il fait placarder dans toute la ville un manifeste appelant à l’union, à la paix, et au respect des libertés individuelles, une rupture avec son autoritarisme passé. Les premiers jours du nouveau règne sont marqués par un activisme frénétique : réunions au Conseil d'État, consultations de juristes, discours aux Chambres. Ce nouveau Napoléon se veut réformateur, mais il reste un homme pressé par les circonstances, conscient que les sabres des coalitions s’aiguisent à ses frontières.

Une légende nourrie par le théâtre et l’histoire

Une épopée politique avant tout

Contrairement à l’image héroïque souvent véhiculée, les historiens modernes montrent que Napoléon a soigneusement planifié son retour, en usant des réseaux encore actifs en France : anciens préfets, officiers nostalgiques, agents bonapartistes.

En réalité, depuis plusieurs mois, des agents de liaison avaient préparé des caches d’armes, des relais de messagers, et ravivé les réseaux impériaux dans les départements clés. Napoléon savait jouer de l’image : ses portraits circulent à nouveau, des journaux clandestins louent son retour comme celui d’un messie laïc. À Lyon, à Autun, à Dijon, des maires écrivent dans leurs registres officiels des adresses au « Sauveur de la patrie », participant à cette mise en scène du retour glorieux.

Il savait que son retour provoquerait une onde médiatique, qu’il pourrait s’imposer par l’effet d’entraînement et non par les armes. L’image de l’homme seul face aux fusils du 5e régiment est aussi, pour partie, une mise en scène consciente de sa légende.

Une France qui doute

Si l’enthousiasme populaire est indéniable dans plusieurs villes, d’autres régions restent froides, voire hostiles. Le Midi blanc, royaliste, frémit d’inquiétude. Les élites bourgeoises, épuisées par des décennies de guerre, redoutent un nouveau conflit.

Dans le Sud royaliste, des milices locales commencent à s’organiser contre le retour de l’Empereur, et les tensions frôlent parfois l’affrontement armé. Dans les campagnes, on s’interroge : la paix va-t-elle être rompue ? Les fils seront-ils encore envoyés mourir pour l’Empire ? Napoléon, conscient de ces doutes, multiplie les déclarations de paix, mais ses préparatifs militaires trahissent la réalité d’un conflit inévitable.

Mais Napoléon parvient malgré tout à rassembler : paysans, ouvriers, anciens soldats, jusqu’à certains libéraux. Tous projettent en lui leurs espoirs contradictoires, ce qui rend son pouvoir aussi fascinant… qu’instable.

Une chevauchée vers la fin

Les préparatifs de la dernière bataille

À peine revenu, Napoléon se remet à l’ouvrage. Il réforme l’administration, réorganise l’armée, tente de calmer les tensions. Mais le temps lui manque. Les armées coalisées s’élèvent en masse : la guerre est inévitable.

Il mobilise ce qu’il peut : jeunes conscrits, vétérans estropiés, élèves des écoles militaires, jusqu’aux gardes nationaux de province. Ses généraux sont moins nombreux qu’en 1814 : certains sont morts, d’autres ont prêté allégeance au roi, et les plus fidèles peinent à recréer la cohésion d’antan. Pourtant, dans un dernier éclat, il conçoit une stratégie brillante : diviser les forces ennemies, attaquer vite, frapper fort.

En Belgique, Wellington et Blücher rassemblent des dizaines de milliers d’hommes. En France, l’armée impériale renaît de ses cendres, mais elle est incomplète, épuisée, amputée de ses anciens maréchaux — certains fidèles au roi, d’autres retirés.

Le 15 juin, l’Empereur franchit la Sambre. Il ne lui reste plus que quelques semaines pour tenter l’impossible : battre les Alliés un à un, forcer la paix.

Sources

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