La Dernière Fugue de Léon Tolstoï où l'impossible choix philosophique entre la richesse et la pauvreté
II ne s'agissait point d'une de ces fugues pathologiques qui sont fréquentes chez les vieillards. En fait, c'était le dernier acte d'une tragédie poignante qui durait depuis plus de trente ans, et opposait l'écrivain à ses théories, à ses adeptes et à sa femme. L'antagonisme farouche s'était d'abord fondé sur une situation conjugale critique, où la grandeur de la pensée se heurtait aux appétits matériels et légitimes de la famille. Plus prosaïquement, de grosses questions d'intérêt étaient en jeu. D'une part, il y avait une épouse irascible, Sofia, que les idées audacieuses et les folles prodigalités de son mari épouvantaient, et dont les principes d'économie étaient notoirement rigoureux. D'autre part, il y avait le riche romancier à très gros tirages, mais aussi l'apôtre de la pauvreté, le sociologue du « renoncement à la propriété ». Certes, Tolstoï avait déchaîné à travers le monde ce fantastique mouvement d'émancipation ...