1938-1939 : Entrer en guerre n’est pas chose facile
On
lit souvent que le Royaume-Uni et la France serait tout autant responsables du
déclenchement de la Seconde guerre mondiale que l’Allemagne. Ces derniers se
seraient empêtrés dans de vains espoirs diplomatiques alors que les forces de
l’Axe avançaient leurs pions sans coup férir. Cette lecture est réductrice dans
le sens où elle ne prend pas compte d’un grand nombre d’éléments de
contexte : le douloureux souvenir de 14-18, les divisions politiques, le
climat social, l’opinion publique, l’inquiétude face au communisme, les empires
coloniaux à défendre et les enjeux diplomatiques.
Déclencher
une guerre est une position délicate à soutenir surtout pour ses démocraties. Le
pacifisme règne suite au traumatisme de la dernière guerre. Néanmoins, les
persécutions contre les Juifs choquent l’opinion américaine, notamment après la
Nuit de Cristal. Cependant en France, des agressions antisémites ont lieu, car
les Juifs sont accusés de pousser à la guerre pour défendre leurs homologues
allemands. Le Premier ministre britannique Chamberlain veut éviter le conflit.
En France, le général Gamelin est prêt à se battre, mais seulement si le
pouvoir politique lui donne la meilleure configuration diplomatique possible.
Or il est compliqué de justifier une alliance avec le Royaume-Uni, l’URSS, la
Pologne et l’Italie. Par ailleurs, les Alliés surestiment l’aviation allemande
et les capacités industrielles et militaires du Reich. La Royal Air Force n’est
pas encore en mesure de pouvoir briser cet appareil par d’intenses
bombardements. En 1938, les dirigeants pensent encore qu’Hitler peut être
contenu par la diplomation et la dissuasion. De son côté, le Führer n’est pas
satisfait de la Conférence de Munich, bien qu’il obtienne le territoire des
Sudètes. Il souhaitait démanteler entièrement la Tchécoslovaquie. Il ne veut
plus de négociations interétatiques. Il craint de perdre la course à l’armement
et de ne pas pouvoir réaliser ses objectifs. Il décide de passer outre les
accords et envahit la Tchécoslovaquie en 1939. Le raidissement de la France et
du Royaume-Uni intervient après cette invasion. Nombre de généraux allemands
craignent que cet acte provoque une guerre pour laquelle ils ne sont pas prêts.
En effet, l’Allemagne n’a pas encore neutralisé l’URSS par un pacte.
De
plus, les dépenses militaires peuvent enrayer l’économie. Le Royaume-Uni sait
qu’une nouvelle guerre le ruinerait et le rendrait dépendant des Etats-Unis.
Cependant, l’effort de guerre entrepris par les démocraties à la fin des années
1930 est bien réel. Le Royaume-Uni produit davantage d’avions de guerre que les
autres pays et les Français plus de chars que les Allemands.
Les
Britanniques et les Français doivent composer avec les positions de leurs
voisins. Peu de dirigeants français et britanniques comptent sur le potentiel
militaire de l’URSS. La neutralité belge complique les plans de l’Etat-major
français. L’Irlande, se déclarant neutre, refuse d’accueillir des navires de
guerre britanniques dans ses ports. Ceux-ci se défaussent sur l’armée française
pour mener le combat sur terre. Les Américains comptent également sur eux pour
rester éloignés du conflit, comme ils comptent sur les Chinois et les
Soviétiques pour occuper le Japon. La politique soviétique contribue à
rapprocher le Japon et l’Allemagne. Cette dernière souhaite une guerre
russo-japonaise. Elle y gagnerait une liberté de manœuvre et embarrasserait la
France qui a signé un traité avec Moscou. L’Union soviétique craint une guerre
sur deux fronts. Le pacte germano-soviétique signé en 1939 permet à Staline de
gagner du temps.
L’entrée
en guerre ne se pense pas qu’à l’échelle du continent européen. Compte tenu de
son empire colonial Londres serait contraint de mener une guerre en Europe
contre l’Allemagne, en Méditerranée contre l’Italie et en Asie contre le Japon.
Le coût serait énorme. L’Allemagne et l’Italie aspirent à posséder des empires
coloniaux. La France et le Royaume-Uni les en empêchent par tous les moyens.
De plus,
les Britanniques perçoivent l’URSS comme une menace pesant sur leur colonie. La
situation est identique pour la France. Les Britanniques sont aussi occupés par
les révoltes arabes en Palestine, qui mobilisent des ressources militaires. Les
Allemands favorisent ces mouvements de contestations. Les dirigeants arabes
sont sensibles au discours autoritaire, anglophobe et antisémite des nazis.
L’influence allemande en Irak et en Iran s’accroit. La région est cruciale à
cause du pétrole.
Le
refus de la Pologne d’accepter les demandes allemandes met un terme à cette situation.
Fin mars 1939, Hitler décide de régler la question. La situation le presse
d’agir. Le réarmement de la France et du Royaume-Uni s’accélère, tandis que
l’Allemagne manque de devises et de matières premières. Le 1er septembre avec
l’aide de la Slovaquie, il envahit la Pologne. Le lendemain, la France et le
Royaume-Uni ordonnent à Hitler de retirer ses troupes. Sans réponse, les deux
puissances déclarent officiellement la guerre le 3 septembre. A cette date, le
Royaume-Uni entre en guerre seulement contre l’Allemagne. Dans un premier
temps, l’Italie et le Japon ne suivent par leur alliée. La Turquie reste en
dehors du conflit. La Royal Navy peut se concentrer sur la Kriegsmarine qui n’a
pas les moyens de la défier.
Si
les Français et les Britanniques déclarent la guerre en 1939, ce n’est pas
parce que le rapport de force semble plus favorable, mais parce qu’ils ont
compris que les ambitions d’Hitler n’ont pas de limites et que seule la guerre
peut l’enrayer. De toute façon, est-ce qu’Hitler pouvait être contenu ?
Lorsque les démocraties ont été plus fermes, il a été plus agressif. Il a
imposé une guerre que bien peu de monde voulait, même en Allemagne. La
principale responsabilité de la guerre se situe dans la volonté d’Hitler et non
dans la faiblesse des démocraties.
Sources
Texte : GROSSER
Pierre, « 1936-1939 : les démocraties face à Hitler », L’Histoire, n°463, septembre 2019,
pp12-23
Image : Les
accords de Munich : wikipédia
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