Histoire du vin
-4100. Les Hommes récoltent le
raisin à la main, le foulent au pied et le laissent fermenter dans des dolias
(grands vases). Le vin se diffuse progressivement autour du bassin
méditerranéen.
Au –IVe millénaire, le vin est
déjà un produit de luxe en Egypte. Apanage des rois et des aristocrates,
consommer et offrir du vin est un marqueur social. A partir du Nouvel-empire,
de véritables domaines viticoles se créent. Les jarres portent des étiquettes
mentionnant le lieu et le nom du domaine. Un hectare de ville peut produire
jusqu’à
300 hl de vin. Le raisin est récolté. On le déverse sur une surface
plane maçonnée où l’on foule les grappes avec les pieds. Le reste est versé
dans un pressoir. Le jus est mis à fermenter dans des dolias en terre cuite ou
dans des tonneaux de bois. Les archives de la ville de Mari en Mésopotamie
répertorient différents types de vin, dont du vin blanc. Les Grecs produisent des
vins très réputés, tels que le Chios ou le Maronnée. Il n’existe pas de
viticulteurs spécialisés. Les paysans produisent différents types de cultures
en même temps.
Objet d’un commerce, des voiliers
le transportent des lieux de productions aux marchés. Les Romains possèdent
d’imposants navires pouvant acheminer jusqu’à 36.000 litres . Le
tonneau se prête mieux que l’amphore pour le transport, mais le bois altère la
qualité sur le long terme. Les rois taxent le commerce du vin. Les Phocéens
introduisent le vin en Gaule, qui connait un rapide succès et s’exporte hors de
la cité. Le vin est consommé par les élites gauloises lors des banquets et des
cérémonies religieuses. Les Romains se font les fournisseurs des Gaulois. Le
commerce se fait le long des fleuves, et notamment via le Rhône. Le
développement des importations de vin et la romanisation démocratisent peu à
peu le vin en Gaule. Les colons romains développent des vignes localement.
Ainsi, la vigne pousse le long de la
Loire et du Rhin. A la fin du Ier siècle, le vin gaulois
inonde le marché romain.
Le vin se généralise. Concurrent
de la bière, il est désormais consommé par toutes les catégories sociales
autour de la
Méditerranée. Il complète en apport calorique le repas de
base. Un Romain en consomme jusqu’à 1.5 hl par an. Une différence s’opère entre
les vins de consommation courante et les vins sophistiqués nécessitant une main
d’œuvre et des matières premières plus importantes, qui influent sur le prix de
vente.
Le vin se dote en plus d’une
connotation religieuse. La couleur rouge est associée au sang et à la vie.
L’ivresse facilite le contact avec les divinités. La boisson fait partie des
offrandes aux dieux. Pour les Hébreux, la vigne est un don de Dieu, qu’il faut
travailler pour en obtenir les bienfaits. C’est un appel à la sédentarisation
et à l’agriculture. Les Écritures ordonnent de consommer les bienfaits de Dieu.
Au terme d’un combat victorieux, Abraham rencontre le grand prêtre de Jérusalem
Melkisedeq, qui le bénit et offre à Yahvé du pain et du vin. Cependant, le vin
est aussi une épreuve envoyée par Dieu, l’ivresse étant contraire à l’idéal de
tempérance. Dans le Nouveau Testament, Jésus emploie de nombreuses métaphores
viticoles afin d’être mieux compris par ses semblables, car le vin est l’un des
composants de base de l’alimentation des peuples méditerranéens. Les chrétiens,
en reproduisant la Cène ,
consomment du vin. Ces cérémonies se transforment parfois en banquet où
l’ivresse gagne les convives. Les pères de l’Église condamnent cette pratique
et interdisent d’utiliser d’autres boissons pour l’eucharistie. L’idée de boire
du sang, même symboliquement, est intolérable aux juifs, qui sont respectueux
des règles du Lévitique, et assimilent les chrétiens à des cannibales aux yeux
des païens. De même, les manichéens perçoivent le vin comme une substance
diabolique.
Suite à la dislocation de
l’Empire romain, les clercs continuent de cultiver la vigne pour les besoins
liturgiques et leur consommation personnelle. Le travail agricole s’inscrit dans
les règles de vie monastiques. Le vin est un produit supérieur de par sa
signification religieuse. Le vin est réservé au prêtre lors de la messe. Le
sang du Christ est trop précieux pour être confié aux laïcs, qui doivent
désormais se contenter du pain. De plus, Jésus a demandé aux apôtres, des
hommes voués à la prêtrise, de boire le vin. Le prêtre est plus proche de Dieu
que le simple fidèle. Sa position de médiateur est renforcée. Par ce biais,
l’Église affirme son pouvoir face au pouvoir laïc. La communion au pain ne
diminue pas la valeur de l’eucharistie. Seul le roi peut communier avec du vin
le jour de son sacre et à l’article de la mort. En 1415, le concile de Latran
fait de la transsubstantiation (transformation du pain et du vin en corps et sang
du Christ lors de l’eucharistie) un dogme de l’Église. Au XVIe, à l’inverse des
catholiques, les protestants partagent le vin entre tous les fidèles dans un
souci d’égalité. L’Église prendra une décision identique lors du concile de
Vatican II de 1969.
Les aristocrates imitent les
religieux et honorent leurs hôtes avec du vin. C’est un produit luxueux,
pouvant servir de cadeau diplomatique. L’autorité politique édicte des règles
pour préserver, garantir et promouvoir la qualité des vins. La bourgeoisie, puis
les classes populaires les imitent peu à peu. A partir du XIVe siècle, les
seigneurs laïcs, les bourgeois et les communes cultivent quelques arpents de
vignes sur leurs domaines pour leur propre consommation et celle de leurs
domestiques. Les élites consomment des vins fins venant de Méditerranée, de
Bourgogne et de Champagne. Le peuple consomme du vin blanc ou du vin rouge
coupé à l’eau avoisinant les 3° d’alcool. Tout le monde boit du vin : les
hommes, les femmes et les enfants, jusqu’à trente litres par jour. Le vin
constitue un tiers du budget alimentaire d’un foyer. Il est plus sûr à la
consommation que l’eau qui peut engendrer des maladies en cas de pollution. Les
gens le consomment chez eux. Ils l’achètent dans les tavernes ou auprès d’un
producteur qui vend ses surplus. Un édit de 1256 interdit aux taverniers de
vendre du vin aux habitants de la ville. Les élites boivent le vin dans des
gobelets d’argent, les bourgeois dans des gobelets en étain et le peuple dans des gobelets en terre cuite ou en bois. Au XVe siècle, apparition de la bouteille
en verre protégée par une culasse de paille ou d’osier. Elle sert uniquement de
carafe pour le service. Les médecins font l’éloge du vin, qui, avec modération,
facilite la digestion, régule le sang, aide le sommeil, soigne les dents et
purifie l’haleine.
Le vignoble français se constitue
durant le Moyen-âge. Les enjeux du pouvoir, entre les seigneurs laïcs et
ecclésiastiques, créent la carte des vignobles. En Bourgogne, les moines, les
ducs et les communes délimitent des clos, d’où l’appellation de clos pour les
vins de Bourgogne. Cette appellation provient des monastères très présents dans
la région qui est un lieu clos. Les domaines sont morcelés et chaque unité de
production est autonome. A l'inverse, dans la région de Bordeaux, on trouve une
viticulture extensive, destinée à l’exportation vers l’Angleterre, via le port
de Bordeaux, et gérée par les bourgeois. Ces derniers assèchent des marais pour
planter des vignes.
Le Coran fait du vin une faveur
accordée par Dieu aux Hommes. Mahomet condamne l’ivresse, qui empêche de prier.
Dans ce cas, le vin devient une arme du démon. L’ivresse met en péril
l’harmonie et la paix sociale. Les émirs taxent lourdement le commerce du vin
pour des raisons autant religieuses que financières. L’interdiction du vin
varie en fonction des aires géographiques. L’Andalousie, ancienne colonie
romaine, a une longue tradition viticole et la conserve. L’Irak est une région
viticole réputée.
Au XVIe siècle, la réglementation
des tavernes s’assouplit. Les débits de vin se multiplient et la taverne
devient un lieu d’ivrognerie. Les gens préfèrent se rendre dans les cabarets où
l’on peut prendre un repas complet servi avec du vin. La Renaissance est
également synonyme de plaisir individuel, dont la cuisine est l’un des vecteurs
où le vin occupe une place centrale. Le vin devient un facteur de convivialité
entre les Hommes. Les guinguettes, nées à la fin du XVIIIe siècle, connaissent
un essor considérable dans les banlieues. Dans ces lieux, le vin coute moins
cher, car il n’est pas taxé par les droits d’entrée dans les villes.
A cette époque, l’économie
française repose sur son agriculture et le commerce de ses produits, où le vin
occupe une grande place. Sully, ministre d’Henri IV, encourage l’agronome
Olivier de Serres à se pencher sur la qualité et la production de vin, afin de
répondre à la demande croissante. Il publie les résultats de ses recherches en
1600 et insiste sur l’importance du climat, du sol et du cépage. Les
exploitants doivent tenir compte de toutes ces données avant d’investir. Il
insiste également sur l’hygiène des contenants, la qualité du raisin et la
durée de fermentation. Faute de relais, ses écrits restent cantonnés dans les
cercles académiques. Au XVIIIe siècle, l’abbé Rozier reprend les travaux de
Serres. Aidé d’une nouvelle invention le thermomètre, il constate l’influence
de la température sur la qualité du vin et sa conservation. Antoine Lavoisier
démontre que l’air joue un rôle dans la fermentation en décrivant les mécanismes
d’absorption et de combustion de l’oxygène atmosphérique lors de la
fermentation. Au début du XIXe siècle, le chimiste Louis-Joseph Gay-Lussac
explique les bases de la transformation du sucre en alcool.
Au XVIIe siècle, les Anglais sont
de grands consommateurs de vin. En 1615, un édit de Jacques Ier interdit
d’utiliser le bois pour les verriers, le bois étant utilisé pour la marine. Les
verriers sont obligés d’employer du charbon pour leur four. Ils obtiennent une
température de fusion plus élevée et, au final, un verre plus épais et plus
résistant que le verre blanc. A partir de ce nouveau verre, Sir Kenelm Digby
confectionne une bouteille étirée. Sa légèreté, sa robustesse et son opacité la
rendent idéale pour le transport du vin. Son design courbé sied bien pour le
service à table. Les Anglais remettent au gout du jour le bouchon de liège,
déjà connu des Grecs et des Romains, mais remplacé au Moyen-âge par des
morceaux de tissu ou de cuir.
Les Anglais importent du vin de Champagne.
Les froidures du climat outre Manche influent sur ces vins, qui continuent de
fermenter durant l’acheminement. Les vins arrivent mousseux. Alors que les
Français conçoivent ces vins pétillants comme des défauts de production, les
Anglais s’en délectent. Ils prennent l’habitude de le mettre en bouteille, de
le laisser fermenter et d’y ajouter du sucre de canne pour le rendre encore
plus mousseux. Les Anglais consomment donc du champagne bien avant les travaux
de Dom Pérignon au début du XVIIIe siècle.
Aujourd’hui, le marché du vin ne
connait pas la crise. Entre 2007 et 2013, la production mondiale a augmenté de
2.8%. Les Etats-Unis, la Chine ,
la Russie et
l’Australie sont les nouveaux producteurs du XXIe siècle. La France demeure le premier
exportateur en terme de valeur et le troisième en terme de volume derrière
l’Italie et l’Espagne. Les Etats-Unis sont les plus gros consommateurs de vin.
En Europe, la consommation diminue légèrement. La France défend sa culture
par le vin, qui est un outil d'influence culturel à travers le monde. Dans le
futur, les changements climatiques modifieront la carte des vignobles. La
hausse des températures permet déjà aux Britanniques de produire des vins
pétillants.
Sources
Texte : "Au source du vin et de l'ivresse", Les Cahiers de Sciences et Vie, n°140,
octobre 2013, 106p.
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