Charlemagne, le Couronnement légendaire : Mythes et réalités de l'événement historique
C'est un moment dont l'histoire de la France n'a jamais cessé de se vanter. Telle une pierre angulaire qui porte l'éducation d'hier et d'aujourd'hui, ce chapitre historique a toujours été attendu avec impatience, suscitant un sentiment d'obligation et d'importance. Tous les élèves, d'hier, d'aujourd'hui et de demain, ont su, savent et sauront cet événement dont la date restera à jamais gravée dans leur mémoire : le 25 décembre 800, Charlemagne est sacré empereur à Rome ! Je revois encore les visages de mes professeurs, qui se sont tous succédé pour raconter cette histoire célèbre. Ils avaient tous une chose en commun : ils cherchaient à faire ressurgir du plus profond des annales l'aura sacrée du moment et l'importance du geste. Un « Français » à l'apogée du monde : un empereur, un César ! Mais l'histoire est-elle aussi vraie, aussi belle ?
Il faut faire attention lorsqu'on traite de grands personnages ! Charlemagne, sacré et mythique, a toujours eu un éclat fabuleux autour de son accession à l'empire. Et pour cause, la France n'en a connu que trois, dont deux assez tardivement : au XIXe siècle, Napoléon et Napoléon III… et donc le tout premier, Charlemagne ! Le fils de Pépin le Bref est connu – ou décrié – pour avoir été le précurseur d'un enseignement plus généralisé, d'un renouveau chrétien en Occident, et de la formation de grands ensembles politiques et identitaires du Moyen-Âge : la France et l'Empire Romain Germanique. Depuis la chute de l'empire romain en 476, l'Occident cherchait un successeur à Rome, un nouveau protecteur. L'homme incarnant ce renouveau devait être un Empereur. Et lorsque Charlemagne est enfin sacré, près de quatre cents ans plus tard, Rome et l'Église pensent entrer dans une nouvelle ère. La gloire des César, d'Auguste ou de Trajan allait briller de nouveau sur l'Occident et se refléter à travers Charlemagne et la dynastie des Carolingiens.
Imaginez la scène : Charlemagne, debout dans la basilique Saint-Pierre, la plus grande église du monde à cette époque, ses yeux fixés sur la croix dorée qui trône au-dessus de l'autel. Autour de lui, des moines en robe, des prêtres en surplis et des dignitaires en habit brodé d'or regardent avec respect et anticipation. Le silence solennel est interrompu seulement par le chuchotement de prières et l'écho des chants grégoriens qui résonnent contre les voûtes immenses. Le pape Léon III, petit et fragile, avance lentement, une couronne impériale dans les mains. Il l'élève au-dessus de la tête de Charlemagne. Est-il alors heureux, comme l'on m'a appris à l'école ?
L'histoire n'est jamais aussi simple. La biographie traditionnelle veut qu'une fois couronné, l'empereur soit un homme comblé et heureux. Qui ne le serait pas ? Et bien, Charlemagne ne l'est pas ! Pourquoi ? Le contexte est différent de ce que l'on pourrait penser. L'Église, à cette époque, est une institution instable, en proie à des troubles incessants. Elle doit sans cesse faire face aux pressions de Constantinople et à la puissance musulmane. Les grandes familles romaines se querellent, et le pape n'a qu'un pouvoir spirituel qu'il est facile de lui retirer par procès au mieux, par assassinat au pire. Le pape Léon III ne doit son maintien qu'à la protection personnelle du roi des Francs, Charlemagne, qui s'est auto-désigné comme le protecteur de la papauté et de la chrétienté. Charles est le maître absolu et seul Dieu est au-dessus de lui. Et aux alentours de 800, le roi et le pape se prennent à rêver de rétablir l'ancien ordre impérial, maintenant que Charles est le souverain le plus puissant et le garant d'une certaine unité politique et spirituelle en Occident. Or, en ce jour de Noël 800, c'est un Charlemagne passablement agacé que Léon sacre.
Qu'est-ce qui ne plait pas au nouvel empereur ? Avait-il finalement décidé de ne rester que roi ? Certes, non ! C'est l'ordre de la cérémonie qui ne lui sied pas. En tant que roi des Francs, il ne doit son pouvoir qu'à son peuple et à Dieu. Il souhaite d'abord être acclamé par les Francs, puis être ensuite sacré par le pape qui répond à une demande légitime ! Léon III choisit le contraire et la symbolique s'en trouve inversée : en sacrant d'abord Charlemagne, Léon place la fonction de pape au-dessus des hommes, et même du roi. Il devient l'intermédiaire incontournable de Dieu.
Revenons à Charlemagne. Le pauvre se serait-il fait surprendre comme un débutant ? La légende et surtout la propagande ecclésiastique – scolaire ? - décrivent un Charles étonné, confus et finalement reconnaissant. Il existe en fait deux écoles d'interprétation. La première suggère que Charlemagne ait été mis au courant et que, devant la pression, il ait finalement accepté. La seconde – plus probable – voit Léon placer la couronne de manière réfléchie et sournoise sur la tête de Charlemagne, formuler le sacrement avant de s'agenouiller devant lui. Les acclamations du peuple n'interviennent alors... que trop tard. Il est impossible d'imaginer Charles recevant naïvement le titre impérial sans jamais avoir été au courant !
Et voilà comment, désormais, les papes feront et déferont les empereurs... jusqu'à Napoléon qui, se souvenant de la mésaventure de son illustre prédécesseur, se couronnera lui-même, démontrant qu'il ne doit son sacre qu'à son élection par les Français et non par l'Église... un affront pour Pie VIII, le successeur de Léon III.
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Un empereur qu'il faut tout de même partager avec les Allemands.
RépondreSupprimerAh! Commence pas!
RépondreSupprimerQu'on partage aussi avec bien d'autres nationalités, parler de "français", d'"allemands", ou d'autres de ces nations ici est bien hors propos ... car bien trop tôt.
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