Frédégonde, la reine meurtrière des Mérovingiens : pouvoir, poison et complots au cœur de l’histoire de France

Ambition, meurtres et pouvoir au cœur des royaumes mérovingiens : découvrez la véritable histoire sanglante et fascinante de la reine Frédégonde.
Les origines d’une reine hors norme
De servante à épouse royale
Née vers 545 à Angicourt, Frédégonde sortit d’un milieu modeste : ses parents étaient serfs. Sa beauté et son intelligence la font remarquer comme servante au palais de Chilpéric Ier, roi de Neustrie. Très vite, elle devient sa maîtresse, laissant derrière elle une existence de servitude pour embrasser le faste royal. En 568, après la mort de Galswinthe, épouse wisigothique du roi, Chilpéric l’épouse officiellement, ouvrant la voie à une ascension fulgurante.
Frédégonde gravit les échelons de la domesticité avec une rapidité inhabituelle pour une femme de son rang. À la cour mérovingienne, le statut des femmes dépendait étroitement de leur lien avec le pouvoir : Frédégonde en devient un exemple éclatant. Le roi Chilpéric, souvent comparé à un Néron franc par ses contemporains, semble séduit autant par sa beauté que par sa vivacité d’esprit. L’assassinat de Galswinthe, bien que contesté par certains historiens, fut perçu par les contemporains comme le fruit d’une rivalité féminine attisée par la cour. Cette ascension brutale nourrit un climat de méfiance généralisée dans l’entourage du roi, où les ambitions pouvaient se révéler mortelles.
Une ambition au sommet
Dès que Frédégonde entre dans la sphère du pouvoir, son ambition devient évidente. Elle sait se rendre indispensable à Chilpéric, lui prodiguant conseils politiques et stratégiques. Certains chroniqueurs, notamment Grégoire de Tours, insistent sur son rôle central dans la mort de Galswinthe, première épouse du roi : poison ou complice, Frédégonde voit dès lors un chemin vers le trône, pavé de morts suspectes.
Frédégonde ne cache pas ses prétentions : elle souhaite assurer un avenir royal à ses enfants, même au prix du sang. L’époque ne manque pas de figures féminines influentes, mais rares sont celles qui, comme elle, prennent un rôle aussi actif dans les affaires de l’État. Son influence s’étend aux nominations ecclésiastiques, à la diplomatie et même à la stratégie militaire. Selon certaines sources, elle fit espionner les conversations de la noblesse franque afin d’anticiper les complots. Elle comprend que dans le jeu du pouvoir mérovingien, la seule stabilité possible est celle qu’on impose soi-même.
Le règne sanglant de la "faide royale"
Une guerre de trônes impitoyable
L’assassinat de Galswinthe et l’union subséquente de Frédégonde avec Chilpéric deviennent l’étincelle d’une guerre dynastique sans pitié. D’un côté, Sigebert Ier, frère de Chilpéric, et Brunehaut, reine d’Austrasie ; de l’autre, Frédégonde et Chilpéric. Le conflit dégénère en série d’enlèvements – celle de Brunehaut en 584 provoque la mort de Sigebert –, de meurtres politiques, et d’une haine viscérale entre les deux cours mérovingiennes.
Le conflit entre Brunehaut et Frédégonde s’inscrit dans un affrontement plus large entre Austrasie et Neustrie, les deux principales composantes du royaume franc. Ces guerres intestines affaiblissent durablement la dynastie mérovingienne, en provoquant famines, désertions et appauvrissement du trésor royal. Le peuple, souvent pris en otage dans ces rivalités, voit ses impôts augmenter pour financer les campagnes militaires. Les alliances changent constamment, rendant la loyauté des ducs et comtes plus que jamais incertaine. Ce climat délétère engendre une culture politique fondée sur la suspicion, la trahison et l’élimination préventive.
Frédégonde, orchestratrice en coulisse
Dans l’ombre, Frédégonde semble tirer les ficelles. Elle est suspectée d’avoir orchestré l’empoisonnement de Mérovée, fils de Chilpéric, en 580, puis de Clovis, son frère. Elle aurait aussi commandité l’assassinat de l’évêque Prétextat en 586. Grégoire de Tours la dépeint comme implacable ; d’autres sources lui prêtent des traits de Machiavel avant l’heure. Son règne, mêlé de violence et de calcul, façonne les destinées royales.
Grégoire de Tours, bien qu’ecclésiastique, se livre à un portrait presque théâtral de Frédégonde, digne des tragédies antiques. Son aptitude à manipuler les membres du clergé et de l’aristocratie fait d’elle une actrice politique redoutée. Plusieurs lettres interceptées mentionnent des rumeurs d’empoisonnement de membres de la haute noblesse, probablement sur son ordre. Elle utilise aussi la peur comme arme politique, faisant exécuter publiquement certains serviteurs pour instaurer la terreur. Certains historiens modernes suggèrent que Frédégonde aurait organisé un réseau de renseignement couvrant toute la Neustrie.

L’exécution de l’évêque Prétextat : poison et procès
Une cible cléricale à abattre
Prétextat de Rouen, ancien évêque influent, soutient la royauté austrasienne (Brunehaut et Sigebert). En 577, il tombe en disgrâce auprès de Chilpéric et Frédégonde. En 586, accablé de calomnies, il est renvoyé devant un tribunal. Le procès, mené par des juges acquis à la cause de Frédégonde, débouche sur une sentence brutale : mort ou exil. Le saint homme reste enfermé à Pâques.
Le procès de Prétextat est un événement public largement commenté dans les chroniques, preuve de son importance politique. Il symbolise la lutte entre les pouvoirs spirituel et temporel, un thème central dans le Moyen Âge occidental. Frédégonde n’hésite pas à faire pression sur les témoins, leur promettant récompenses ou menaçant leurs familles. Ce procès s’accompagne d’un vaste mouvement de répression contre les soutiens de Brunehaut, installés dans les diocèses d’Austrasie. L’affaire marque une rupture : l’Église commence à se méfier des ingérences royales dans ses structures.
Assassinat rituel ou accident politique ?
La mort de Prétextat, empoisonné dans son exil, est souvent considérée comme une rétribution politique. Grégoire de Tours évoque un complot royal : la cour tremble, la rumeur accuse Frédégonde. Pour beaucoup, elle aurait maîtrisé l’administration occulte du poison, usant de sorciers ou d’apothicaires pour mener à bien ses desseins. Un sacrifice rituel pour asseoir son pouvoir.
La période est propice aux superstitions : certains voient dans la mort de Prétextat une malédiction divine. Des témoins rapportent avoir vu un prêtre mystérieux pénétrer dans la cellule de l’évêque quelques jours avant sa mort. Le poison utilisé aurait été issu d’un mélange de plantes rares, nécessitant des connaissances herboristes précises. La rumeur veut que Frédégonde ait fait disparaître les registres du procès, pour effacer les preuves de sa culpabilité. Cette exécution marque un tournant : Frédégonde est désormais considérée comme une souveraine capable de tout.
La disparition de Frédégonde et l’ombre de ses crimes
Fin de règne et isolement
En 597, Frédégonde meurt après une longue maladie. Son règne tumultueux et meurtrier laisse la Neustrie sous le joug des querelles, tandis que sa couronne semble abrupte et malmenée. Son fils, Childebert II, devenu roi, garde en mémoire les atrocités de sa mère, son règne marqué par la peur et l’instabilité.
Ses dernières années sont marquées par une surveillance renforcée de ses alliés, de peur qu’ils ne trahissent. Elle vit dans une semi-réclusion, redoutant les attentats de la part des partisans de Brunehaut. La maladie qui l’emporte est décrite comme longue et douloureuse, certains y voient une justice divine. Elle organise, jusqu’au bout, des alliances politiques pour garantir la succession de son fils. Son décès suscite autant de soulagement que de crainte : on redoute que ses ennemis reviennent pour se venger sur sa lignée.
Un héritage controversé
Financée par des chroniqueurs partiaux, l’image de Frédégonde oscille entre diablesse sordide et gouvernante pragmatique. Grégoire de Tours, évêque d’universalité chrétienne, la décrit comme implacable, manipulatrice et cruelle. À l’inverse, Venance Fortunat, poète de la cour mérovingienne, esquisse un portrait plus nuancé, parlant de son intelligence et de sa capacité à gouverner — une dualité qui invite à réévaluer son rôle dans la construction de l’État franc.
L’historiographie moderne tend à nuancer le portrait de monstre que lui ont attribué les clercs de son temps. Certains chercheurs la considèrent comme une femme politique habile dans un univers masculin brutal et impitoyable. Elle est l’une des rares femmes à avoir tenu un pouvoir aussi direct sans régence ni délégation. On peut établir des parallèles entre elle et d’autres reines puissantes comme Théodora à Byzance ou Wu Zetian en Chine. La mémoire collective conserve néanmoins son nom comme synonyme d’empoisonnement et de perfidie.
Immersion dans la cour : ambiance, intrigues et sensorialité
Atmosphère au palais
Imaginez l’onde des encens se répandre au cœur des couloirs en marbre poli, des statues païennes côtoyant les icônes chrétiennes. Les banquets s’étirent tard dans la nuit : vin dilué, mets épicés, tente de chairs et de secrets. Les couloirs semblent murmurer : alliances inattendues, passations entre sorcier et courtisan, poignards glissés dans les plis des tuniques. C’est dans cet univers feutré que Frédégonde aiguise son intelligence politique.
La cour de Neustrie n’était pas un lieu uniforme : chaque aile du palais correspondait à une faction ou une clientèle. On y entendait des chants religieux côtoyer des bruits d’épées, des cris de douleur, des messes clandestines. Les tapisseries, souvent d'inspiration orientale, servaient aussi à cacher des passages secrets ou des armes. L’odeur des parfums masquait difficilement celle des blessures infectées ou des mets en décomposition. Dans cet environnement, la méfiance était constante : même les coupes de vin étaient goûtées par des esclaves.
Personnages secondaires marquants
Autour de Frédégonde gravitaient des figures majeures qui, chacune à leur manière, amplifiaient le drame politique de l’époque. Chilpéric Ier, son époux, était un roi impulsif, souvent tiraillé entre des élans de passion incontrôlés et des accès de cruauté froide. Faible de caractère, il se laissait aisément influencer par les conseils de sa redoutable épouse, dont il redoutait parfois la volonté farouche. Face à eux, Brunehaut, reine d’Austrasie et veuve de Sigebert, apparaissait comme une rivale acharnée. Déterminée à venger l’enlèvement et la mort de son mari, elle engagea une lutte de pouvoir qui s’étendra sur plusieurs générations. L’évêque Prétextat de Rouen, soutien avéré de Brunehaut, se retrouva quant à lui piégé dans un procès politique monté de toutes pièces, victime d’une stratégie d’élimination savamment orchestrée par Frédégonde. Enfin, Gontran, roi de Bourgogne et frère de Chilpéric, tenta à plusieurs reprises de jouer les médiateurs dans ce chaos sanglant. Mais son rôle resta largement inefficace, tant les passions, les trahisons et les meurtres secouaient la famille royale mérovingienne de l’intérieur.
Les poisons, outils de pouvoir
On sait que l’arsenic, le napellus ou la digitale étaient des armes discrètes. Les poisons étaient dissimulés dans des objets du quotidien : bagues, épingles, tissus trempés. Une rumeur persistante évoque un codex secret de poisons transmis de reine en reine. Frédégonde aurait eu un maître-herboriste originaire de Gaule du sud, réputé pour ses concoctions mortelles. On raconte que les rats eux-mêmes évitaient certaines cuisines, signe que la peur du poison était généralisée. Certains antidotes étaient réservés à la haute noblesse, accentuant les inégalités face à cette menace invisible. Contrairement aux épées, ces poisons laissent peu de traces, cultivant la crainte que la mort puisse frapper à chaque instant.
Conclusion : Frédégonde sous un jour nouveau
À travers ce récit, Frédégonde se révèle comme une femme complexe : ambitieuse, lucide, redoutablement efficace, mais aussi meurtrière. Elle n’est ni ange ni monstre, mais une figure forgée par l’époque tumultueuse des rois mérovingiens, où légitimité, héritage et survie politique passaient par la violence autorisée ou clandestine. En la revisitant ainsi, on transforme la reine sanguinaire en actrice puissante d’un Moyen Âge façonné par les passions autant que par les épées.
Loin d’un simple personnage de conte noir, Frédégonde incarne la brutalité et la complexité du haut Moyen Âge. Elle a survécu dans un univers où les rois mouraient jeunes, les alliances se brisaient en un soupir. En la réexaminant avec le recul des siècles, on comprend qu’elle a souvent été jugée selon des critères misogynes. Son règne, bien qu’émaillé de crimes, a aussi assuré la continuité dynastique des Mérovingiens pendant plusieurs décennies. Elle est, en somme, le reflet d’un monde où l’intelligence d’une femme pouvait, à défaut de sauver un royaume, lui donner forme.
Sources
- Stéphane Lebecq, Les Origines franques, Éditions Points / Seuil, 1990.
- Article Wikipédia, Frédégonde, version consultée en juillet 2025.
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