Le scandale du couvent de Littlemore (1517) : entre abus, rébellion et chute des moeurs

Une jeune religieuse du XVIe siècle tient un bébé dans ses bras, aux côtés d’un homme, dans une scène intime révélant un scandale monastique.
Katherine Wells tenant son enfant illégitime auprès Richard Hewes.

Plongez dans le scandale du couvent de Littlemore (1517–1518), où nonnes et prieure sombrent dans l'immoralité, annonçant la crise religieuse anglaise.

Le saviez-vous ? Au cœur de l’Angleterre du début du XVIe siècle, un petit couvent situé près d’Oxford devint le théâtre d’un scandale retentissant. À Littlemore Priory, les années 1517–1518 furent marquées par des révélations choquantes : abus d’autorité, violences physiques, relations sexuelles interdites et corruption morale. Ce n’était pas simplement un cas de relâchement de la discipline religieuse : c’était une implosion morale complète, au sein d’une institution censée incarner la piété, la chasteté et la stabilité spirituelle.

À une époque où l’Église régnait sans partage sur la sphère religieuse, sociale et morale, une telle affaire ébranla les consciences. Le scandale de Littlemore s’imposa comme un avertissement prophétique, quelques années seulement avant la grande Réforme anglaise.

Un couvent sous tension

Le prieuré de Littlemore fut fondé au XIIe siècle comme un petit établissement bénédictin destiné à accueillir des religieuses. Situé dans une zone rurale, il n'avait ni richesse considérable, ni rayonnement politique. Mais il incarnait un idéal : celui de femmes retirées du monde, consacrées à la prière, à la méditation et au service de Dieu.

Au début du XVIe siècle, ce couvent est dirigé par Katherine Wells, une prieure dont le nom restera tristement associé à l’effondrement de l’autorité religieuse locale. Dès 1517, des rapports font état d’un climat de peur et d’oppression. La prieure aurait enfermé des nonnes dans des cellules, parfois sans nourriture, et n'hésitait pas à recourir à des châtiments corporels. Une religieuse aurait été battue à coups de bâton, une autre enfermée dans un cachot exigu, incapable de s’y allonger ou de se tenir debout.

Cette autorité brutale s’accompagnait d’une gestion autoritaire et désordonnée. Certains historiens y voient une expression du déclin structurel de nombreux établissements monastiques à la veille de la Réforme : désorganisation, isolement, corruption interne et absence de supervision par l’évêché.

Mais la violence physique n'était pas le seul symptôme du mal profond qui rongeait Littlemore. Les témoignages révèlent que la prieure, elle-même, enfreignait les règles monastiques les plus fondamentales. Katherine Wells entretint une liaison avec Richard Hewes, un chapelain, et donna naissance à une fille illégitime. Pire encore, elle utilisa les ressources du couvent — bijoux, calice, terres et rentes — pour assurer une dot à son enfant et enrichir ses proches.

Dans une société où la chasteté des religieuses était censée garantir l’ordre divin et moral, de tels actes portaient atteinte non seulement à l'institution, mais à l’ensemble de l’Église. D’autres nonnes suivirent cet exemple : au moins l’une d’entre elles fut accusée d’avoir eu un enfant illégitime avec un homme marié d’Oxford. Derrière les murs épais du cloître, c’est tout un système en décomposition qui se révélait.

Le scandale éclate

En 1517, un groupe de religieuses brisa le silence. Ces femmes, malgré la peur de représailles ou de disgrâce, dénoncèrent courageusement les abus de pouvoir et les pratiques scandaleuses de leur prieure. L’affaire remonta jusqu'à l’évêché de Lincoln, dont dépendait Littlemore. L’évêque William Atwater diligenta une première enquête menée par son commissaire, Edmund Horde, qui se rendit sur place pour interroger les nonnes.

Les récits recueillis furent accablants : on découvrit non seulement une discipline effondrée, mais aussi des actes de répression inouïs. Une religieuse avait passé un mois dans les stocks ; une autre fut battue à la tête et aux pieds. Plusieurs s’étaient enfuies du couvent en passant par une fenêtre pour fuir la violence, et restèrent cachées pendant des semaines.

Le courage de ces femmes est remarquable : à une époque où les religieuses étaient soumises à un triple silence — religieux, social et patriarcal — leur prise de parole témoignait d’un désespoir profond et d’un besoin de justice. Leurs témoignages, consignés dans les archives de l’évêché, révèlent une détresse authentique mêlée à une volonté de restaurer l’idéal monastique qu’elles avaient, un jour, embrassé.

Parmi les révélations les plus choquantes figure l’usage détourné des biens du couvent. Katherine Wells vendit des ornements d’église et engagea les revenus de la communauté pour ses affaires personnelles. Ce pillage institutionnalisé fit dire à l’un des visiteurs que le prieuré était "presque ruiné".

Scène historique dans un cloître anglais du XVIe siècle où une religieuse et un prêtre s’embrassent en secret, observés par d'autres nonnes.
Le scandale de Littlemore, où une nonne et un prêtre sont surpris dans un baiser caché, sous le regard inquiet des autres religieuses.

Plus encore, le rapport décrit une prieure qui non seulement fermait les yeux sur les relations illicites, mais en facilitait parfois la survenance. Une religieuse enceinte fut, selon certaines versions, discrètement autorisée à s’éclipser pour échapper au scandale public. Ces faits confèrent au couvent une image non pas de sanctuaire, mais de maison close déguisée en institution religieuse.

Une fin inévitable

Face à la gravité des faits, l’évêque Atwater visita lui-même le prieuré en septembre 1518. Il constata que la situation était irréversible. Les bâtiments étaient délabrés, les finances en ruine, la communauté divisée, et l’autorité spirituelle anéantie. À défaut de redressement, seule la dissolution semblait envisageable.

C’est pourtant quelques années plus tard, en 1525, que le prieuré fut définitivement fermé, dans le cadre d’un programme de suppression de petits monastères orchestré par le cardinal Thomas Wolsey. Le scandale de Littlemore avait laissé une trace si profonde que le prieuré figurait en tête de liste des établissements à dissoudre pour financer son grand projet éducatif : le Cardinal College à Oxford.

Katherine Wells fut démise de ses fonctions et reçut une modeste pension. Certaines nonnes furent transférées dans d'autres institutions, d’autres relâchées dans le monde laïc, sans protection ni ressources. Le scandale servit bientôt d’exemple dans les cercles réformateurs, avides de dénoncer la corruption de l’Église catholique.

Les rapports d’enquête, aujourd’hui conservés dans les archives ecclésiastiques, alimentèrent la rhétorique protestante. Pour les partisans de la Réforme, Littlemore était le symbole vivant d’une Église malade, où même les vierges consacrées pouvaient enfreindre les règles les plus sacrées.

Mais derrière ce tableau de décadence se cache aussi un récit de résistance féminine. Certaines religieuses, dans un monde où elles étaient censées se taire, ont choisi de parler, de dénoncer, de faire appel à une justice supérieure. Le scandale de Littlemore, bien qu'oublié du grand public, constitue un chapitre essentiel de la crise de conscience religieuse qui précéda la fracture anglicane.

Sources

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