Dearg Due, la succube irlandaise : le chant funèbre de la vengeance

Les légendes de vampire existe depuis longtemps. Dans mes lectures je suis tombé sur l’histoire de Dearg Due une histoire tragique que seul le folklore irlandais peut créer. Nous sommes dans les environs du Ve siècle en Irlande, terre de collines verdoyantes et de brumes mystiques.  Il y a bien longtemps, dans un village perdu, vivait une jeune femme dont la beauté était presque surnaturelle. Ses cheveux dorés capturaient la lumière du soleil d'une manière envoûtante, et ses yeux, d’un vert profond, évoquaient les lacs cachés dans les forêts millénaires. Son rire cristallin résonnait comme une mélodie douce, mais derrière cette apparence radieuse se cachait une âme tourmentée. Elle était amoureuse d’un jeune paysan, un homme simple mais sincère, qui voyait en elle bien plus qu’un visage parfait. Leur amour était pur, un de ces liens rares et intenses qui défient le temps et les conventions. 

Mais leur bonheur fut brutalement interrompu. Son père, bien conscient de la beauté de sa fille, avide de richesse et d’influence, la vendit – car c’est bien ainsi qu’il voyait ce mariage arrangé – à un homme puissant et fortuné de la région. Ce dernier, bien que doté d’or et de terres, était aussi cruel qu’insensible. La jeune femme, arrachée à son amant, fut contrainte de devenir l’épouse de cet homme tyrannique. Le mariage devint une prison. Jour après jour, son corps s’affaiblissait sous les coups et les humiliations, tandis que son esprit se noyait dans un désespoir insondable. C’en était trop. La lumière qui brillait autrefois dans ses yeux s’éteignit peu à peu, jusqu’à ce que son cœur finisse par cesser de battre. Elle était morte.

Lorsque son corps fut déposé dans la froideur de la tombe, il semblait que tout était fini. Mais la mort ne mit pas fin à sa souffrance. Bien au contraire, elle la transforma. Dans l’obscurité de la terre, l’âme de la jeune femme ne trouva ni paix ni répit. Sa haine, alimentée par la trahison de son père, la cruauté de son mari et l’injustice de son destin, grandit comme une flamme. Elle devint une entité vengeresse, animée par un unique désir : punir ceux qui avaient détruit sa vie. La première nuit de son éveil, elle sortit de sa tombe, sa beauté devenue encore plus envoûtante mais teintée d’une aura sinistre. Sa peau, d’une pâleur cadavérique, semblait presque lumineuse sous la lueur blafarde de la lune. Ses lèvres, d’un rouge profond, promettaient à la fois la passion et la mort. Elle sentait son cœur battre à nouveau… mais ce n’était plus le même. Il ne pulsait plus sous l’effet de l’amour ou de la joie. Il était mu par une force nouvelle, obscure et impitoyable. Ses lèvres, jadis douces, étaient désormais affamées. Ses cheveux dorés, autrefois symbole de lumière, s'étaient teintés de rouge, comme imprégnés du sang de ses victimes. Et lorsqu’elle se vit dans le reflet trouble d’un lac, ce n’était plus la jeune fille brisée qu’elle distinguait… mais une ombre vengeresse.

La première destination de Dearg Due fut la maison de son père. Il dormait paisiblement, ignorant que sa fille, transformée en créature de la nuit, s’était éveillée avec un désir de revanche. Elle s’approcha de lui, silencieuse comme une ombre, et posa ses lèvres glacées sur les siennes. Lentement, elle aspira l’air de ses poumons jusqu’à ce qu’il suffoque, s’éteignant sans un cri. Puis, elle se dirigea vers l’homme qui l’avait brisée. Son mari, repu de vin et d’arrogance, ne perçut même pas sa présence avant qu’il ne soit trop tard. Son regard vitreux se posa sur la silhouette spectrale qui l’embrassa une dernière fois, vidant son corps de son sang jusqu’à ce qu’il ne reste qu’une enveloppe exsangue, figée dans l’horreur.

Dearg Due n’est pas une créature qui chasse au hasard. Chaque homme qu’elle attire dans son piège porte en lui une faille – l’orgueil, la cruauté, ou le désir dévorant. Elle ne fait pas que se nourrir de leur sang : elle les tourmente, les amenant à contempler leurs propres péchés avant de leur ôter la vie. Chaque année, lors de l’anniversaire de sa mort, elle revient. On raconte que ses pas résonnent sur la terre glacée, que son souffle s’entend dans les vents d’hiver. Les villages proches de sa tombe, située quelque part dans le comté de Waterford, vivent encore dans la crainte. Pour se protéger, les habitants recouvrent sa tombe de lourdes pierres et y gravent des croix, espérant contenir la malédiction. Mais rien ne semble pouvoir l’arrêter.

Certains affirment que la tombe a été scellée, que la pierre a tenu bon… Mais d’autres disent que, par certaines nuits, on peut encore entendre un soupir s’échapper du sol. Un soupir à la fois doux et terrifiant. Et si, un soir, une silhouette élégante aux yeux verts croise votre chemin, méfiez-vous. Car l’amour brisé de Dearg Due ne connaît ni le temps ni l’oubli…

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