La Bataille de Rocroi : Quand la France Brise la Suprématie Espagnole et Conquiert l'Europe

1643 ! Dans un de mes très anciens jeux vidéo sur PC, nommé "Versailles, Complot à la cour du roi", le Grand Condé se vante de sa victoire à la bataille de Rocroi. Croiser et épier la conversation permettait d’apprendre la date de cette grande bataille, détail important qui permettait de déverrouiller un cadenas un peu plus loin dans le jeu. Depuis, cette date est restée dans ma mémoire. Il y a peu, j’ai rejoué au jeu… d’où l’idée de cet article.


Depuis le début du XVIIe siècle, l'Europe est déchirée par la Guerre de Trente Ans, un conflit à la fois religieux et politique qui oppose les puissances catholiques, emmenées par les Habsbourg d’Espagne et du Saint-Empire, aux forces protestantes du nord de l’Allemagne et de la Scandinavie, soutenues en sous-main par la France. Malgré sa fidélité au catholicisme, la France a un intérêt vital à affaiblir l'Espagne, une puissance étouffante qui encercle le royaume de toutes parts, du sud à travers le Roussillon, à l’est en Flandre. Mais en 1643, la situation s’aggrave pour la France : Louis XIII, malade, vient de s’éteindre, laissant le trône à son jeune fils Louis XIV, âgé de quatre ans à peine. La régence est assurée par la reine Anne d'Autriche, sous la tutelle du cardinal Mazarin, héritier politique du grand Richelieu. Face à cette transition fragile, l'Espagne voit l'occasion rêvée de frapper un coup décisif en envahissant le nord de la France et en semant la panique dans le royaume.


Pour défendre le territoire français, un jeune commandant de vingt-deux ans, Louis II de Bourbon, duc d’Enghien (futur Prince de Condé), est envoyé à la tête d'une armée modeste, mais déterminée. Le duc, malgré son jeune âge de 21 ans, est réputé pour son audace et son génie militaire. Et il est prêt à tout pour défendre l'honneur de la France.


Rocroi, cette bourgade sans prétention, est un passage stratégique en direction de la Picardie. Là, les Espagnols se massent en nombre, forts de quelque 27 000 hommes sous le commandement du général Francisco de Melo, soutenus par une infanterie redoutable, les "tercios espagnols", dont la réputation est inégalée. Depuis un siècle, les tercios ont terrorisé l’Europe par leur discipline et leur capacité à résister à toutes les charges. Mais le duc d’Enghien ne compte pas se laisser impressionner. Avec ses 22 000 hommes, il élabore un plan audacieux, qui prend de court ses généraux. Au lieu de se retrancher en position défensive, il décide d'attaquer. Sa stratégie repose sur la rapidité et la surprise, et il compte sur le courage de ses soldats pour compenser l’infériorité numérique. À l’aube du 19 mai, les forces françaises avancent en silence, se déployant en un arc de cercle autour des Espagnols. Les trompettes sonnent, les tambours battent. L’heure de la charge a sonné.

La bataille s’ouvre avec une férocité rare. Le duc d’Enghien lance la cavalerie française dans une charge tonitruante sur les flancs espagnols, espérant briser leur organisation. La stratégie est audacieuse, presque suicidaire, mais elle fonctionne. Surpris par la vigueur de l’attaque, les Espagnols peinent à contenir l'assaut. Au centre, les tercios espagnols, formidables carrés d’infanterie, tiennent bon. Leurs piques et mousquets forment un mur impénétrable, repoussant les charges successives de l’infanterie française. La scène est dantesque : des milliers d’hommes s’affrontent dans une mêlée de fer, de feu et de sang, et chaque centimètre de terrain est âprement disputé. Les Français semblent un instant vaciller sous la force des tercios, mais le duc d’Enghien ordonne une nouvelle charge de cavalerie sur l’arrière des troupes espagnoles. C’est le coup est fatal : encerclés, les Espagnols voient leur ligne se briser, et bientôt, c'est la panique. Les fiers tercios, autrefois invincibles, se disloquent, fauchés par la furie française. Cette infanterie espagnole, invaincue depuis un siècle, est anéantie dans une mer de lames et de flammes.


La victoire est totale, écrasante. Le général espagnol Francisco de Melo est contraint de battre en retraite, laissant derrière lui des milliers de morts et de prisonniers. Pour la France, c'est un triomphe éclatant, mais aussi un symbole puissant. En détruisant les tercios espagnols, le duc d'Enghien a brisé l'image d'invincibilité de l'Espagne, jusque-là considérée comme la plus grande puissance militaire d'Europe. Le jeune duc d’Enghien rentre à Paris en héros. Cette victoire marque sa gloire et celui que l'on surnomme bientôt le Grand Condé s'impose comme l'un des plus grands génies militaires de son temps. Mazarin, fin stratège politique, comprend immédiatement l'ampleur de ce succès. La France n'est plus cette puissance fragile, menacée par toutes les frontières ; elle est désormais la force dominante du continent.

La bataille de Rocroi fait l’effet d’un séisme en Europe. La puissance militaire de l’Espagne vacille, et les autres nations voient en France une force montante, capable de bousculer l’ordre établi. La Guerre de Trente Ans entre dans sa phase finale, et le Saint-Empire commence à comprendre que les ambitions françaises seront désormais au cœur de la géopolitique européenne. Cinq ans après Rocroi, le Traité de Westphalie (1648) scelle la fin de la guerre, mais surtout redéfinit les frontières et l’équilibre des forces en Europe. La France sort renforcée, tandis que l’Espagne, affaiblie, amorce un lent déclin. Avec Mazarin et, bientôt, un jeune roi absolu, Louis XIV, qui grimpera sur le trône à sa majorité, la France impose progressivement sa suprématie. Rocroi est bien plus qu’une bataille ; c’est le symbole d’un passage de relais, d’un renversement des équilibres où la France prend définitivement les rênes du continent.

Rocroi ne fut pas qu'une victoire militaire ; ce fut le coup de tonnerre annonçant le siècle de Louis XIV et de l'absolutisme triomphant. À partir de cette bataille, la France incarne la puissance, la modernité, la culture. Les années suivantes voient une série de succès diplomatiques et militaires qui assoient la domination française : alliances, traités avantageux et campagnes victorieuses mènent la France au sommet de son prestige. Lorsque Louis XIV, le "Roi Soleil", prend les rênes du pouvoir, la France est prête à s'imposer en arbitre des destinées européennes. Rocroi est inscrit dans les mémoires comme le début de cet âge d'or où la France s'impose comme une puissance inégalée, façonnant les arts, la culture, et la politique européenne pour les décennies à venir.


Rocroi permet également de sauver le roi à la fin du jeu…


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