Le Riche Crésus contre Cyrus le Perse: où l'orient prend pied en occident?
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L’Asie
Mineure fait-elle partie de l’occident ou de l’orient ? Difficile de
répondre à cette question – encore plus aujourd’hui – tant elle déchaine des
passions. La réponse médiane – le juste milieu - est qu’elle a toujours été un monde à part,
véritable carrefour entre plusieurs cultures. C’est la religion musulmane –
sans cesse ramené à l’est et aux Mille et une Nuits – qui pousse la plupart des
gens à la situer en orient. Pourtant, elle fut aussi grecque. Si nous gardons cet état d’esprit alors l’Asie
Mineure a été tantôt orientale, tantôt occidentale. Voici un des épisodes
célèbres qui a fait passer cette région aux mains de l’orient.
Les
légendes et ce qu’elles véhiculent sont souvent magnifiques et porteuses
d’espoir… mais pas toujours. Les Grecs nous ont appris l’art de la tragédie. Et
pour faire écho à mon précédent article sur les histoires vrais souvent
romancées afin d’en dégager une morale prend tout son sens avec l’histoire de Crésus
roi de Lydie au VIe siècle av. notre ère, connu pour sa richesse légendaire.
Une richesse qu’il doit à un fleuve porteur d’or : le Pactole !
Et
que fait l’homme lorsqu’il est adulé, aimé, riche et qu’il pourrait vivre en
favorisant la paix, les arts, la connaissance, les sciences et la
philosophie ? Il se paye une grande armée et rêve de conquérir ses voisins
afin d’acquérir plus de prestige. C’est le lot de tous les rois : Achille
choisit une vie brève et pleine de gloire plutôt qu’une vie paisible que la postérité
aurait oublié. Un choix qu’il regrette lorsqu’il communique avec Ulysse depuis
l’au-delà dans l’Odyssée. Gilgamesh, roi d’Uruk fut le seul à vraiment comprendre.
Revenant de son épopée extraordinaire, il découvre l’humilité et revient dans
sa cité comme un bon berger qui va guider son troupeau. Un choix gagnant
puisque les enfers lui offriront une place de choix lors de sa mort. Gilgamesh
est un exemple trop rare. Crésus était plus Achille que Gilgamesh.
Reprenons !
Crésus a tout pour lui, mais son immense richesse lui permet surtout de
s’entourer d’une grande puissance militaire. Depuis sa capitale de Sardes, son
pouvoir rayonne sur une large partie de l’Asie Mineure et sur les cités
grecques de la côte ionienne.
Face
à lui, l’ancien royaume mède devenu un empire perse sous l’impulsion de Cyrus
(559 – 529), le premier souverain de la famille Achéménide. Le royaume de Lydie
avait alors fixé sa frontière avec le royaume mède par traité sur la rivière
Halys en 585. Un traité qui devient dès-lors caduc. Pas de problème me
direz-vous : il suffit d’envoyer une ambassade et faire confirmer un
nouveau traité avec le nouveau roi. Oui mais… Crésus est un monarque
expérimenté et Cyrus est jeune ! Pourquoi ne pas profitez de la situation.
En
effet, Hérodote raconte un conflit que Crésus débute dès les premières années
du règne du roi perse. Dans ce but, le roi lydien contracte une alliance avec
Sparte, Babylone et l’Égypte. De bons choix ? Si Sparte est une puissante
cité guerrière on est encore loin de l’apogée de sa gloire qui aura lieu
presque un siècle plus tard par sa victoire sur Athènes. Babylone n’est plus
celle de Nabuchodonosor II (celui-ci meurt en 562) et s’effondrera devant Cyrus
quelques années plus tard. Quant à l’Égypte, ce n’est plus la puissance pharaonique
d’antan mais une région agricole riche et un lieu plein de mystère et de
culture. Mais que cela ne tienne, Cyrus, malgré ses doutes légitimes, a la foi
et décide d’interroger les dieux quant à son projet. Il existe plusieurs oracles
célèbres à cette époque : celui de Siwa en Égypte, lointain et dangereux
et celui de Delphes en Grèce. C’est un épisode célèbre qui a lieu au sanctuaire
d’Apollon à Delphes. Consulté sur l’avenir de la guerre à venir, l’oracle
répond avec ambiguïté : « si tu
parts en guerre, un grand empire sera détruit ». Interprétant à son
avantage cette prophétie et persuadé de sa victoire prochaine, Crésus engage
les hostilités.
La
première bataille a lieu en Cappadoce en 547 et se solde par un statut quo.
L’hiver approchant, Crésus décide de rentrer à Sardes et renvoie ses troupes
dans ses différentes cités afin qu’elles hivernent. La belle saison lui
permettra de reprendre les hostilités.
Virgile,
l’auteur que l’on ne peut que comparer à Homère, est né trop tard pour que
Crésus ait eu la chance et le bonheur de lire l’Enéide. Dans cette œuvre il
aurait lu que « la fortune sourit au
audacieux » (fortes fortuna
juvat). Cyrus est jeune et… audacieux ! Profitant du repli de son
ennemi, il force ses soldats à avancer en plein hiver au cœur du royaume
ennemi. Cette tentative inouïe paye : les Lydiens comme leurs alliés,
surpris, abandonnent et capitulent devant l’ennemi. Des cités grecques, comme
Milet, décident alors de rallier les Perses et l’Asie Mineure devient un
territoire politiquement si instable que Cyrus force Crésus à hâter une
bataille à laquelle il n’est absolument pas préparé. Défait et assiégé dans sa
capitale, Crésus fini par se rendre. Emmené auprès de Cyrus pour y être exécuté
sur un bûcher, il est finalement épargné au dernier moment. Il terminera sa vie
au service de son ancien ennemi qui le traitera désormais comme un proche
collaborateur et même un ami.
La
chute de Sardes est considérée à l’époque comme stupéfiante. Les cités rebelles
doivent se rendre sans condition mais décident de résister. Devant retourner à
toute hâte vers Ecbatane pour faire face à des troubles, Cyrus laisse une
garnison perse dans le but de conquérir les cités grecques, de maintenir
l’ordre et d’anéantir toute tentative de sédition. Cela prendra plusieurs années et Darius
parachèvera l’œuvre fondatrice de Cyrus. C’est l’heure des satrapies et le
monde grec, trop replié sur lui-même découvre le visage d’un futur empire avec
qui il ne trouvera d’épilogue que deux siècles plus tard lorsqu’Alexandre le
Grand conquerra l’immense empire perse.
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