La déclaration d'émancipation
Au début de la guerre de
Sécession, la question de l’esclavage est demeurée très secondaire. En effet,
la guerre est menée avant tout pour restaurer l’Union. Lors de son élection en
1860, Lincoln n'a pas exprimé l'attention d'abolir cette pratique. Il se
contente de l'interdire dans les nouveaux Etats et de la maintenir dans les
Etats où elle existe déjà. Les officiers nordistes sont tenus de restituer les
esclaves en fuite à leurs propriétaires selon la loi de 1850 sur les esclaves
fugitifs. Toutefois, plusieurs généraux abolitionnistes refusent de
l’appliquer. Ils argumentent leur décision en appuyant sur le fait que
compte-tenu du blocus, ils ne vont pas redonner à l'ennemi des outils de
production. Le 6 août 1861, le Congrès confirme cette manière d'agir en votant
l'Acte de Confiscation, qui autorise les militaires à confisquer tout bien
pouvant être utile à l’effort de guerre confédéré. Les esclaves ne sont pas
affranchis, mais saisis par le gouvernement fédéral et mis au service de
l'armée dans des tâches diverses. Ainsi au début de la guerre, le gouvernement
fédéral devient le plus important propriétaire d'esclaves des Etats-Unis.
Les abolitionnistes souhaitent
profiter du conflit pour pousser le gouvernement à abolir l'esclavage. Ils
insistent sur le fait que s'attaquer à l'esclavage revient à s’attaquer à
l’effort de guerre des Confédérés. Le 13 mars 1862, l 'Acte d'interdiction
de retourner les esclaves interdit aux officiers nordistes de renvoyer les
esclaves fugitifs d’où ils viennent. En revanche, leur statut reste inchangé.
De plus, cette loi ne s’applique pas aux propriétaires d’esclaves restés
fidèles à l’Union. Le Président avance prudemment. Lincoln souhaite ménager les
États frontaliers esclavagistes et ne pas se fâcher avec les démocrates.
Les difficultés militaires de
l’été 1862 de l'armée nordiste permettent aux radicaux d'avancer à nouveau
leurs pions. Par un vote du Congrès, les esclaves fugitifs deviennent
maintenant affranchis dès lors qu’ils sont saisis par l'armée et sont
considérés comme des prisonniers de guerre. L'Acte de confiscation
(Confiscation Act) autorise le gouvernement à employer les Noirs affranchis
pour détruire la rébellion sudiste. Cet acte est la première pierre pour
l'enrôlement des Noirs dans l'armée, que vient renforcer l'Acte de Milice
(Militia Act).
Lincoln attend une victoire de
l'Union pour faire passer son texte, ce que lui apporte la bataille d'Antietam.
Ainsi, le 22 septembre 1862, le gouvernement fédéral publie une proclamation
d’émancipation, qui vise à affranchir les esclaves noirs du Sud à compter du
1er janvier 1863. L 'émancipation
des esclaves constitue un bon moyen de voir les esclaves quitter le Sud et
s'enrôler dans l'armée fédérale. Ceux-ci participent au combat pour la liberté
et celle de leurs semblables. L'émancipation permet d'alimenter l'armée en
hommes, tout en privant le Sud d'une main-d'œuvre indispensable.
Par ailleurs, la déclaration
d'émancipation permet à Lincoln de dresser l'image d'un Sud comme Etat
agressif, envahisseur et esclavagiste et non pas comme nation émergeante
luttant pour sa liberté et son indépendance. A l’été de 1862, le danger d’une
reconnaissance officielle de la Confédération par le Royaume-Uni et la France plane toujours, avec
le risque d'une intervention militaire extérieure. Cette menace est réelle, car
la France
possède des contingents au Mexique et les relations entre le président Benito
Juarez et l'empereur Napoléon III ne sont pas au beau fixe. De leur côté, les
autorités britanniques entendent profiter de la faiblesse des Etats-Unis pour
renforcer leur influence économique dans la région. Cependant, les opinions publiques
ont une vision différente. Pour elles, l'esclavage est une pratique archaïque
et barbare. En faisant de la guerre de Sécession, une lutte contre l'esclavage,
Lincoln écarte toute possibilité d'intervention étrangère en faveur du Sud. Les
Etats ne prendront pas le risque de se mettre à dos l'opinion publique en
aidant un Etat esclavagiste.
La proclamation d’émancipation
n'est pas bien accueillie par tout le monde. Pour les Sudistes, l'émancipation
des esclaves signe l'arrêt de mort de leur économie et la fin de leur
civilisation. Le gouvernement confédéré décrète que les soldats noirs capturés
seront vendus comme esclaves. La proclamation d’émancipation ne fait pas non
plus l’unanimité dans le Nord. Beaucoup de démocrates se sentent trahis. À un
mois et demi des élections de mi-mandat, l'opposition connait un regain de
popularité.
La proclamation du 22 septembre
1862 n’abolit pas l’esclavage. Elle ordonne simplement à l'armée de traiter les
esclaves rencontrés sur le territoire ennemi en hommes libres. En ce sens, le
président fait jouer sa fonction de chef des armées. Bien que les esclaves du
Sud soient émancipés, l’esclavage reste légal aux Etats-Unis. L’émancipation ne
concerne pas les quatre États esclavagistes demeurés dans l’Union (Maryland, Delaware,
Missouri, Kentucky). Lincoln ne souhaite pas les obliger à abolir l'esclavage pour
ne pas les pousser à faire sécession à leur tour. Il les invite à le faire
d'eux-mêmes en leur signalant que le gouvernement fédéral indemnisera les
propriétaires. Lincoln montre l'exemple. Son administration abolit l’esclavage
dans le district de Columbia. La capitale fédérale compte près de 3.000
esclaves et leurs propriétaires sont dédommagés.
Sur le long terme, la déclaration
porte un rude coup à la Confédération.
Tout d'abord, elle rend improbable sa reconnaissance par les
puissances européennes. Ensuite, elle contribue à ruiner l’effort de guerre
sudiste, car l'avancée des armées nordistes voit augmenter le nombre de
fugitifs quittant les plantations et les usines. Pour le président,
l’émancipation est un moyen de remporter la guerre et non un but. Le caractère
restreint de la proclamation d’émancipation est un moyen habile d'éviter les
pièges institutionnels et politiques qu'auraient engendré une abolition
générale. Il demeure fidèle à son idée d’une institution disparaissant par elle-même.
L’adoption du 13e amendement
abolissant l'esclavage est votée par le Congrès le 6 décembre 1865. Il fait des
Noirs des citoyens américains à part entière. Assassiné le 14 avril 1865,
Lincoln ne verra pas la fin constitutionnelle de l’esclavage. Dès les années
d'après-guerre, les anciens États confédérés trouvent des moyens légaux pour
priver les Afro-Américains de leurs droits civiques, constituant le point de
départ d’un siècle de ségrégation.
Sources
Texte : Eginhard,
« La déclaration d’émancipation », www.histoire-pour-tous.fr, janvier
2013.
Image : http://civilwardailygazette.com/wp-content/uploads/2012/09/dec1proc.jpg
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