Le monde arabe de l’Antiquité au XVe siècle



Un ensemble de royaumes et de tribus
Les Arabes sont un ensemble de tribus et de royaumes semi-nomades. Personne dans la péninsule ne se désigne comme Arabes, mais par sa tribu d’origine. Le terme « arabe » est utilisé par des personnes extérieures : Mésopotamiens, Assyriens, Grecs. Chaque tribu possède sa propre langue. Néanmoins, toutes utilisent le même alphabet (le sudarabique). L'architecture et la sculpture sont également similaires. En revanche, les institutions et les divinités sont différentes. Les tribus sont en contact permanent les unes avec les autres par le biais du commerce.
La conscience d'appartenir à un même ensemble ethnique émerge à partir du Ier siècle. L'occupation romaine, puis perse, contribue à l'affirmation d'une singularité arabe. En 328, le mot « arabe » est utilisé pour la première fois dans un document de langue arabe. Il s'agit de l'inscription funéraires d’Imru'al-Qays qui se dit "roi des Arabes". La langue arabe n'est pas écrite avec l'alphabet actuel. Le vieil arabe emprunte ses lettres aux Nabatéens et aux Araméens. L'arabe actuel se forme au VIe siècle. Le premier texte dans cette écriture complète l'inscription de fondation d'une église d'une bourgade au sud d'Alep. L'écriture aurait été élaborée par des Arabes chrétiens dans la vallée de l'Euphrate avant de se répandre dans la Péninsule.
A partir du IVe siècle, la péninsule arabique est touchée par les monothéismes. Le roi d'Himyar (actuel Yémen) adopte un dieu unique, mais sans le nommer, ni décrire de mythologie. Ce monothéisme côtoie le judaïsme et le christianisme. La Mecque est un centre important de pèlerinage polythéiste et de résistance aux nouvelles religions monothéistes. Le paganisme évolue à son tour. L'une des principales divinités acquiert un statut de Dieu suprême appelée Allah (le dieu). La Mecque devient la tribu d'Allah et réussit à imposer sa divinité avec sa victoire sur le royaume d'Himyar en 552.

La constitution d'un empire
Mahomet, qui prêche une religion monothéiste, est expulsé de la Mecque et se réfugie à Médine. Il reconquiert la Mecque et cherche à se rallier les habitants. Il choisit le nouvel arabe comme langue officielle pour deux raisons. L'effondrement des relations commerciales contribue à un appauvrissement culturel de la région, laissant la place pour une nouvelle langue. Par ailleurs, l'Etat de Mahomet est en concurrence avec le royaume de Himyar et cherche un moyen de se dégager de son influence et ceci passe par la primauté de langue utilisée à La Mecque. A sa mort en 632, l'un de ses successeurs est élu calife et cela devient règle si bien qu'une dynastie est fondée.
A partir du VIIe siècle, les Omeyyades se rendent maîtres de la Syrie, de l'Egypte, de l'Irak, de l'Iran, du Maghreb et d'une partie de la péninsule ibérique. Quatre raisons expliquent la victoire des Arabes sur ces immenses voisins que sont les Byzantins et les Perses. Ces deux empires sont affaiblis par des guerres. De plus, ils connaissent une crise démographique et économique. Par ailleurs, les populations conquises sont hostiles vis-à-vis de leurs anciens maitres. Les Chinois à l'Est et les Francs et Byzantins à l'Ouest stoppent leur expansion. L'arabisation précède bien souvent l'islamisation. Dans le centre de l’empire, l’arabisation précède l’islamisation. Ce phénomène transparaît par l’adoption de la langue arabe. Par exemple en Egypte, les coptes chrétiens parlent arabe. Dans d’autres provinces, l’islamisation précède l’arabisation.
Les conquêtes arabes lancent un grand cycle de création urbaine. Les nouvelles villes sont installées aux frontières afin de préparer de futures conquêtes. Les Arabes marquent le paysage urbain par leurs aménagements (bains, mosquées, écoles, caravansérails). Avec l'extension de l'empire, les villes regroupent une mosaïque de populations et de religions. Autour de l'An Mil, le monde arabe compte de véritables mégapoles (Bagdad, Le Caire, Cordoue) regroupant entre 200 et 500.000 habitants.

Un empire fractionné
Au milieu du VIIIe siècle, les Abbassides, originaires de Perse, s'emparent du pouvoir au Moyen-Orient et repoussent les Omeyyades en Afrique du Nord. Sous cette dynastie, la majorité de la population devient musulmane, alors que la langue et la culture demeurent persanes. L'Iran, devenu cœur de l'empire, est la province la moins arabisée. Une fracture se produit entre Arabes et Persans. Les premiers insistent sur la noblesse de leur peuple. Dieu les a choisis pour envoyer son prophète. Ils se réclament de la bravoure, de la simplicité et de la générosité des bédouins. Sous les Abbassides, la majeure partie du monde arabe devient musulmane. Retirés en Espagne, les Omeyyades se posent comme les défenseurs de la grandeur arabe et comme les seuls successeurs du Prophète.
Les Arabes héritent des savoirs mésopotamiens, grecs et indiens. Les chercheurs traduisent les textes anciens, les mélangent pour en faire une nouvelle synthèse. L'empire permet la circulation des idées. Les princes construisent des bibliothèques et des observatoires. Les Arabes empruntent aux Indiens la numérotation décimale et fondent l'algèbre. La chirurgie progresse notamment en ophtalmologie. Les Croisades, puis les invasions mongoles, engendrent un climat d'insécurité qui amoindrit les échanges. De plus, l'absence d'une bourgeoisie urbaine ne favorise pas l'émulation scientifique.
Le nomadisme conserve un poids important. L’arabe s’entend d’abord d’un monde bédouin, c'est-à-dire, ignorant de l’Etat et de ses contraintes. De ce fait, les bédouins berbères, turcs, mongols, considèrent les Arabes comme des héritiers plus légitimes que les populations sédentarisées et soumises, même si elles parlent arabe et sont musulmanes. Les bédouins venus des montagnes ou des steppes ne sont pas tous arabes. D’innombrables dynasties prennent naissance dans une montagne avant de s’emparer des villes et des terres fertiles de la plaine. C’est le cas des Fatimides en Egypte, des Seldjoukides en Anatolie, des Almohades au Maroc. Face à ces envahisseurs, les califes forment des esclaves soldats (mamelouks) issus d’Europe de l’Est, d’Afrique Noire et du Caucase. Les Mamelouks devenus puissants s’emparent de l’Egypte en 1250. A partir du XIe siècle, les sultanats turcs et berbères évincent les souverains arabes. Des cavaliers dominent les sociétés urbaines arabes. Les villes palais sont supplantées par les villes forteresses. Les élites urbaines sont séparées de l'aristocratie militaire dans l'enceinte même de la ville et se retrouvent exclues du pouvoir.

La langue arabe est normalisée au VIIIe siècle à la cour de Bagdad. Elle quitte les traditions orales bédouines pour se faire la langue de la révélation coranique et facteur d’unité du monde musulman. Ses meilleurs praticiens sont des perses et non des arabes. La langue arabe ne définit pas un arabe, comme de nos jours un anglophone n’est pas forcément anglais. Au XIe siècle avec l’avènement des Seldjoukides, l’arabe perd sa prééminence au profit du persan. Cette situation perdure sous les Ottomans, si bien qu’à la fin du XVe siècle, les deux tiers des musulmans vivent sous des rois qui ne parlent pas arabe. L’arabe est cantonné dans les mosquées. En revanche, il reste très parlé entre la Syrie et le Maroc. Cette différence provient de la fidélité au califat arabe. A l’Est, le Califat a sombré sous les coups des Mongols et des dynasties descendantes. Bien qu’étant convertis à l’Islam, ils ne se revendiquent pas du califat arabe original. A l’Ouest, les Mamelouks d’Egypte résistent aux Mongols et accueillent les Abbassides ayant fui. Au Maghreb, les souverains se revendiquent comme les héritiers des califats arabes. Cette situation cesse lorsque les Ottomans conquièrent toute l’Afrique du Nord, mettant un terme à l’empire arabe.

Sources
Texte : "Les Arabes : de la Mecque aux banlieues de l'Islam", L'Histoire, n°spécial 272, janvier 2003, pp33-77.
Image : hérodote.net

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