L'espionnage
L'espionnage est l'un des plus
vieux métiers du monde, dont les plus anciennes traces se situent en
Mésopotamie et en Egypte. Des hommes sont chargés de recueillir des
renseignements sur des rivaux ou des alliés incertains, d'infiltrer le territoire
ennemi pour jauger de ses forces, ou mener des opérations de désinformation et
de corruption de notables. On les appelle "les yeux et les oreilles du
roi". Ils apparaissent indirectement dans les textes. Il est écrit
"que le roi a été informé de" ou "le roi ayant appris que".
Il faut attendre l'empire assyrien au -VIIIe siècle pour qu'apparaisse un terme
désignant les espions sous le vocable de "patrouilleurs" et
"langues". Les premiers sont des militaires auxquels le roi confie
des missions particulières à l'extérieur du royaume. Les seconds sont des
étrangers (prisonniers, déserteurs, réfugiés) qui retournent dans leur pays
d'origine pour espionner. Néanmoins, il n'existe pas de services exclusivement
voués à l'espionnage.
Les Grecs ont une tout autre
vision. Pour eux, la ruse est quelque chose d'indigne. Il convient d'affronter
son adversaire face à face. L'espionnage est une pratique barbare dont usent
les Perses. Les Grecs mènent entre eux des guerres conformes à l'éthique,
cependant, lorsqu'ils affrontent des barbares, ils n'hésitent pas à recourir à
ces pratiques jugées viles. Dans le but de protéger sa cité, trahir et
désinformer l'ennemi barbare est une action civique. Les Romains n'hésitent pas
à recourir aux espions même s'ils s'en défendent. Auguste instaure un service
de renseignement, dont les agents sont chargés de surveiller la population et
d'empêcher les conjurations politiques.
Au Moyen-âge, la plupart des
espions ne sont pas des professionnels. Il s'agit de marchands, de religieux,
de femmes, qui transportent le courrier, surveillent les alentours et sondent
la population. Ils sont davantage motivés par l'appât du gain que par des
convictions politiques. Ils sont payés à la mission exécutée. Les espions
transmettent de fausses indications ou facilitent la prise de villes et de
châteaux par la trahison et la corruption. Les peines de ceux démasqués varient
entre l'exécution et le bannissement en fonction de leur mission et des
preuves.
Louis XV instaure Le Secret du
Roi, premier véritable service bureaucratique qui effectue une diplomatie
parallèle. Ses membres ne reçoivent leurs ordres que du roi. Le ministre des Affaires
Etrangères n'est pas au courant de ce qui s'y passe. Ce double jeu permet à la France d'avoir une
politique de rechange. Louis XV dirige personnellement, contrairement à la
politique officielle décidée à la majorité de son conseil. Le roi aménage à
Versailles son cabinet des dépêches pour lire les rapports de ses bons amis
comme ils sont appelés. Ces derniers sont des nobles et des roturiers choisis
pour leur savoir-faire, leur goût de l'aventure ou leurs connaissances
juridiques. Prêts à courir tous les risques, ils sont fiers d'appartenir à
cette communauté restreinte d'élus du roi. Payés sur la cassette personnelle du
monarque, celui-ci ne les reconnait pas en cas de problème. L'action du Secret
du roi demeure peu importante faute de moyens humains, militaires et financiers.
Néanmoins, Louis XV est au courant de tout ce qui se passe dans les cours
européennes. Louis XVI dissout cette institution.
Au milieu du XIXe siècle, le jeu
des alliances européen mouvant impose la nécessité d'un service de
renseignement structuré et important. Les journalistes intègrent le rang des
espions. Par exemple durant la guerre franco-prussienne, l'Allemand August
Baron Schluga vom Rastenfeld côtoie tous les salons parisiens et informe
Bismarck des mouvements de troupes françaises. L'espionnage gagne la place
publique. Les journaux, les romans installent les fantasmes du "grand
jeu" selon l'expression du romancier Rudyard Kipling dans Kim. Les services secrets britanniques
(MI5 et MI6) voient le jour en 1909 pour surveiller la menace allemande.
Lorsqu'éclate la Première
guerre mondiale, toutes les grandes puissances possèdent des organisations
civiles et militaires dédiées à l'espionnage, qui bénéficie des avancées
technologiques. Les communications par ondes radio se généralisent accompagnée de
la cryptographie et des écoutes. Le renseignement image se développe avec la
photographie aérienne, puis satellite. Après 1945, les armes nucléaires rendent
impossible un conflit direct entre les Etats-Unis et l'Union soviétique, qui
vont s'affronter par espions interposés. La CIA voit le jour en 1947. Même s'ils ne sont pas
infaillibles, les appareils de renseignement sont aujourd'hui considérés comme
l'une des grandes forces de protection des Etats, après la police et l'armée.
Voir notre article sur l'espion soviétique Richard Sorge
Sources
Texte : "L'espionnage : 4000 ans de manipulation"
in Les Cahiers de Sciences et Vie, n°161,
mai 2016, pp24-86.
Image : huffingtonpost.fr
Commentaires
Enregistrer un commentaire