Stratégies de la guerre de Sécession




La guerre entre le Nord et le Sud est déclarée depuis plus de trois mois. Les deux présidents évoquent avec nous leur stratégie pour remporter la victoire finale.

Abraham Lincoln
Je souhaite réprimer cette insurrection et regagner la loyauté du Sud. Au début, nous ne savions pas comment agir. Je n’ai aucune expérience de la guerre. Mon chef des armées, Winfield Scott, est âgé. Par ailleurs, l’opinion publique me presse d’écraser les rebelles. Les gens pensent que seules des frappes dures pourront les soumettre. J’ai lu un article dans Le New York Tribune qui encourageait l’armée à investir Richmond avant le 20 juillet 1861, date à laquelle le congrès confédéré devait se réunir. La presse reproche à Scott de ne pas attaquer la Virginie dont il est originaire. Je peux comprendre ces critiques quand on se souvient qu’il est le général ayant battu l’armée mexicaine pourtant supérieure en effectif lors de la précédente guerre. Seulement, après la défaite Bull Run, nous avons compris que nous ne pouvions plus nous contenter de chercher à prendre la capitale ennemie sans une stratégie à grande échelle.

Il y eut des projets et des divergences. Montgomery Blair, le ministre des Postes, suggère d’appuyer les sentiments anti sécessionnistes dans la Confédération en les armant. Winfield Scott rejette cette idée, craignant de voir certains Etats hésitants, tel le Kentucky, rejoindre la Confédération, sans parler des coûts financiers. Il n’envisage pas une guerre de conquête qui dévasterait le Sud et reviendrait à l’occuper. Les Fédérés seraient perçus comme des envahisseurs, ce qui créerait un sentiment de haine de la part de la population locale. Ce sentiment ne ferait que renforcer la volonté de sécession. Scott propose d’encercler et d’asphyxier la Confédération tel un anaconda. Pour ce faire, il faut mettre en place un blocus naval efficace des côtes et des grands ports pour empêcher les échanges commerciaux et priver le Sud de revenus et d’approvisionnement. Il faut également affaiblir le commerce intérieur en s’emparant du Mississippi, principale voie de navigation nord-sud au sein de la Confédération. Le but étant d’affaiblir les sécessionnistes le temps qu’ils se rendent compte de leur erreur et reviennent par eux-mêmes au sein de l’Union. De son côté, le général George McClellan prône un affrontement massif et flamboyant. Ce type de guerre minimiserait l'impact sur les populations civiles et ne nécessiterait pas l'émancipation des esclaves.

Le 23 juillet, j’ai rédigé un mémorandum traçant les grandes lignes de ma stratégie : rendre effectif le blocus des côtes de la Confédération, assurer la défense du Maryland, réorganiser les troupes du front de Virginie, attaquer par l’Ouest.



Jefferson Davis

Nous nous battons contre une invasion. Les soldats nordistes sont des vandales ne cherchant qu’à piller et à libérer les esclaves. Nous devons nous battre pour protéger nos maisons et nos familles. On m’a rapporté une anecdote qui illustre parfaitement mon propos. Il y a quelques semaines, un de nos soldats, dont l’uniforme dépouillé et l’accent indiquaient qu’il n’était pas planteur, répondit à ses ennemis : « Je me bats parce que vous êtes descendus jusqu’ici. ». Notre tâche est des plus simples : rester sur la défensive et repousser les attaques en comptant sur l’étendue de notre territoire et l’absence d’importants pôles de richesse et de production. En aucun cas, je ne tolérerai une invasion de la Confédération. Nous reprenons la tactique de George Washington durant la Guerre d’indépendance. Nous gagnons du temps en attaquant des forces isolées et en évitant les grandes batailles. Nous remporterons la guerre en ne la perdant pas contre un adversaire mieux équipé. Nous contraindrons le Nord à abandonner en prolongeant la guerre et en la rendant trop coûteuse.

Néanmoins, les milieux politiques et la population refusent de rester inactifs. Une foi romantique les anime. Ils se sentent supérieurs aux Nordistes. « Un Sudiste peut venir à bout de dix Yankees » entend-on partout et je le pense aussi. Nous pouvons et nous sommes capables de battre les Yankees sur leur territoire.

Je souhaite conserver l’intégrité du territoire. Pour ce faire, il faut poster des forces armées aux frontières et mener des batailles défensives. Seulement, ce type de bataille n’affaiblit pas assez l’ennemi qui est laissé libre d’attaquer sur une large zone. Avec le général Robert Lee, nous avons modifié cette stratégie « défensive » en stratégie « défensive-offensive ». Elle consiste à délaisser des zones considérées comme secondaires pour regrouper des forces et attaquer. Sur le terrain, cette stratégie se concrétise par un relatif abandon de la partie occidental de notre Etat et par le renforcement des défenses sur le front virginien. Nous tenterons de remporter une série de victoires importantes en Virginie pour repousser les Fédérés et pénétrer dans l’Union, dans le but de les démoraliser et de mettre un terme au conflit.

Sources
Texte : KEEGAN John, La Guerre de Sécession, Perrin, Paris, 2013




Commentaires