Lorsqu’Alexandre embarque pour l’Asie, il ne prend pas le risque d’accorder trop de pouvoir à sa mère. Il préfère nommer Antipater, homme d’expérience et fidèle allié de son père, comme régent en son absence. Tout au plus, il ne reste à Olympias que son grand pouvoir de suggestion dont elle usera tout au long de la correspondance accrue qu’elle aura avec son fils pendant toute son odyssée orientale.
La séparation, douloureuse, brutale (Alexandre n’a que vingt-deux ans) est vécue comme un déchirement par les deux protagonistes. Telle une tragédie, ils se disent adieu car un au revoir ne serait pas approprié aux sentiments qu’ils ressentent en cet instant. Olympias, persuadée d’avoir enfanté de Zeus, croit à l’aventure héroïque de son fils et sait qu’elle ne le reverra pas avant très longtemps : son destin est celui de conquérir le monde entier. Alexandre, lui, s’arrache « aux seins » de sa mère, et décide de vivre seul et pour lui-même, ce qui représente un déchirement indescriptible. Depuis tout jeune, seule sa mère lui a apporté amour, affection et réconfort. Même lorsque Philippe décida enfin de prêter attention à son héritier à l’âge de treize ans (épisode du cheval Bucéphale), Alexandre ne se détourna jamais de sa mère. Au contraire, il ne cessa jamais d’écouter ses conseils. Ses envies de gloire et d’apparaître comme un héros Homérique, tel Achille, lui ont été suggérées par Olympias, qui, inlassablement, lui décrivait l’âge d’or des Grecs. Alexandre n’avait aucun secret pour sa mère et une confiance indéfectible les unira… jusqu’à l’épisode tragique où Olympias brûlera le dernier enfant de son mari.
Cet épisode dramatique l’est aussi pour les lecteurs postérieurs que nous sommes. Comment être insensible à une scène si tragique de voir Alexandre en larmes se retourner et embarquer sur la nef royale après avoir dit adieu une dernière fois à Olympias. Plus forte, elle ne pleure pas, et accompagne celui qu’elle a mis au monde jusqu’à son bateau. Elle accompagne du regard son navire, comme pour mieux porter son fils vers la terre de son futur (l’embarquement se fait au détroit des Dardanelles, elle a ainsi pu voir les bateaux atteindre l’autre rive). Et là, trop lointaine pour que son fils ne l’aperçoive, elle s’effondre en larmes.
Ils ne se reverront jamais.
La mère du dieu
Quel rôle pour Olympias désormais ? Confinée et seule, elle fait ce qu’elle à toujours su faire le mieux : comploter ! La reine-mère n’accepte pas son nouveau rôle. Antipater n’a jamais apprécié Olympias et ne prend pas en compte ses avis, préférant suivre la ligne politique dictée par Alexandre. Ce dernier, loin, acquiert la gloire que sa mère avait toujours prophétisée : l’armée perse est mise en déroute sur le fleuve Granique et l’Anatolie tout entière tombe entre les mains d’Alexandre. C’est donc fière, mais finalement peu étonnée, qu’elle reçoit les plus beaux présents issus des butins macédoniens. Elle écrit toujours à son fils. A quelle fréquence ? Sans doute – temps de trajet oblige – toutes les semaines ou deux semaines. Que se racontent-ils ? Alexandre dans son immense modestie lui conte ses exploits tandis qu’Olympias, plus expérimentée, le flatte tout en essayant de le ramener sur terre : l’Olympe n’est encore à sa portée.
Sans doute Olympias continue de le comparer aux héros mythologiques pour l’enthousiasmer et le pousser à aller plus loin, toujours plus loin. L’Anatolie prise et les cités grecques libérées, il faut continuer la conquête et profiter de cette avancée pour confirmer la nature divine d’Alexandre. En ancienne prêtresse de Zeus, Olympias sait qu’il existe un oracle dont les propos sont incontestés dans l’oasis de Siwah en Egypte. Le grand prêtre du dieu Amon y réside et délivre les paroles sacrées et indiscutables venant du dieu. Or, les Grecs assimilaient Amon à Zeus et de fait, ces deux divinités n’en formaient plus qu’une. Si les paroles du grand prêtre d’Amon, aussi respectées que les prophéties des prêtres d’Apollon à Delphes, venaient à confirmer la paternité de Zeus, ce qu’affirme Olympias depuis la naissance de son fils, alors cette dernière obtiendrait une plus grande autorité en Macédoine où elle s’oppose souvent à Antipater.
Dépassant Gordion, écrasant le Grand Roi à Issos en 333, puis soumettant difficilement les cités de Tyr et de Gaza, Alexandre pénètre enfin dans l’Egypte millénaire. Là, il remplace définitivement l’administration Perse présente depuis un siècle, et se fait couronner Pharaon. Olympias suit l’itinéraire de son fils. Acquiesce-t-elle le mariage de son fils avec la princesse perse Barsine et comment réagit-elle quand Alexandre lui annonce la naissance de son fils Héraclès ? Apparemment, elle n’y prête guère beaucoup d’attention. Seul l’intéressent les paroles du grand prêtre d’Amon. Après avoir choisi le site de la future Alexandrie, Alexandre plonge dans le désert – s’y perd plusieurs fois – mais rencontre enfin le grand prêtre.
« Salut, ô mon fils ! Et reçois cette salutation comme venant du dieu.
- Oui, j’accepte ton oracle, ô mon Père. A l’avenir, on m’appellera ton Fils. Mais, ô divinité, révèle-moi : ai-je désormais châtié tous les meurtriers de mon père ?
- Il n'existe pas, l'homme qui pourra fomenter un complot contre Celui qui t'a engendré! Tous les assassins de Philippe ont été châtiés. L'heureux succès de tes entreprises prouve que tu es né du dieu. Par le passé, tu étais invaincu. Tu seras désormais, à tout jamais, invincible! »
Après l’entrevue, Alexandre écrit une longue lettre à sa mère.
« Tu as raison ! »
La chute
Olympias voit d’un bon œil l’avancée victorieuse de son fils. Tour à tour, Babylone, Suse, Persépolis ou encore Ecbatane tombent entre les mains d’Alexandre. En s’accaparant toutes les richesses des capitales perses, la Macédoine devient très riche. Alexandre ne manque pas de faire parvenir à Pella, la capitale de la Macédoine, l’argent nécessaire pour permettre au royaume de résister à de possibles attaques extérieures. En effet, les cités grecques, dont Athènes, attendent le moment opportun pour renverser la domination macédonienne en Grèce, et Sparte est une cité qui revendique son inimitié avec l’envahisseur.
C’est donc dans un contexte territorial assez instable qu’Antipater – le régent choisi par Alexandre parmi les vétérans de son père – doit faire face à la rébellion de la reine-mère. En coulisse, elle profite de sa grande notoriété de « mère de dieu » pour revendiquer plus de pouvoirs. Antipater se plaint par des centaines de lettres qu’il envoie à son roi. Mais Olympias tient, elle aussi, une correspondance acharnée avec son fils. Dans ses écrits elle évoque sa souffrance d’être impuissante face aux complots subjacents qu’elle perçoit à la cour. Elle critique la gestion et le gaspillage des richesses envoyées par Alexandre depuis l’autre bout du monde. Enfin, elle s’en prend directement à Antipater qu’elle accuse de vouloir attenter à sa vie et celle de son fils. Dans son courrier Alexandre enchaîne aussi les plaintes répétées d’Antipater. Il récuse les accusations, affirme sa loyauté et celle de son fils, Cassandre, ami d’enfance d’Alexandre et qui l’accompagne dans son épopée. Enfin, il dénonce qu’Olympias veut trop s’immiscer dans les affaires politiques et qu’elle met en péril la stabilité de la Macédoine. Alexandre, fataliste mais réaliste quand aux sentiments qu’il éprouve envers sa mère répond :
« Antipater ne sait pas qu’une larme de ma mère suffit à effacer mille lettres d’accusation comme celle-ci ! »
Cette « incompatibilité » politique entre Antipater et Olympias pousse cette dernière à s’exiler quelques temps en Epire où elle exerce la régence du petit royaume. Malgré les doutes sur sa loyauté, Alexandre maintient son régent.
Pourtant, approchant les 33 ans, Alexandre finit par accéder aux caprices de sa mère. Voulant destituer Antipater, Alexandre appel le vieux vétéran à Babylone – sa capitale – pour lui demander des comptes. Ce dernier refuse et envoie ses fils pour défendre sa cause. Alexandre, en rage, ordonne à son fidèle ami Cratère de prendre la route pour Pella et de faire assassiner en secret Antipater. Olympias se délecte à l’avance d’un tel carnage ! Cependant, le sort va s’abattre sur elle. Le 13 juin 323 Alexandre décède et Olympias est désormais sans défense. Malgré ses tentatives de s’allier l’aristocratie macédonienne en faisant marier sa fille Cléopâtre, elle est rattrapée par le fils de son vieil ennemi, Cassandre, qui après un simulacre de procès l’a fait assassiner par lapidation en 316. Elle a alors presque soixante ans.
Epilogue
Olympias a été une femme fatale à l’ambition démesurée qui a toujours cru à son destin fabuleux. Un caractère qu’elle a su transmettre à son fils qui a conquis le monde. Elle reste pour les auteurs antiques comme pour les plus modernes, comme la Muse qui a inspiré et fabriqué Alexandre.
Ce qu’Olympias a pu communiquer à son fils Alexandre, c’est son ambition, sa fierté, ses colères soudaines, sa crainte de la trahison et de la solitude, son désir de vengeance.
RépondreSupprimerMon fils me compare à holympia mère d Alexandre le Grand et de Cléopâtre et
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